Georges Brecht

Né à New York en 1926, la carrière artistique de George Brecht a commencé dans les années cinquante, tandis qu’il travaillait comme chercheur en chimie dans le New Jersey. Cette formation lui a permis d’exploiter les modèles scientifiques du temps et d’utiliser l’art pour représenter ses pensées.

Au milieu des années 50, il écrit une enquête,  »Chance Imagery », sur le rôle de la chance au 20ème siècle dans les domaines des sciences et de l’art d’avant-garde. C’est dans ce cadre qu’il s’inscrit dans l’art conceptuel.

Ce qui me fascinait chez George, c’est son attitude envers l’art, sa manière de refuser les expositions, son art est le plus simple. Avec un rien, il fait de l’art, une vitre transparente, un clin d’oeil. Je place Brecht juste après Marcel Duchamp et John Cage

Ben Vautier (dit Ben)

Les œuvres de Georges Brecht

Parmi ses œuvres « Fluxus » notables, bon nombre d’Events de formulation lapidaire (Three Aqueous Events : « Glace, Eau, Vapeur » – été 1961) ou, au contraire, extrêmement détaillée (Card Piece for Voice, été 1959 : jeu pour jusqu’à 54 joueurs, comprenant un ensemble de cartes et d’instructions).
Ses premières instructions pour Event seront compilées dans une boîte nommée Water Yam, éditée avec l’aide de Maciunas.

« No matter what you do, you’re always hearing something. »

Georges Brecht

1958

Brecht étudia avec John Cage. Cette rencontre est à l’origine des  »Event Scores »
 »The classes with John Cage » (une chambre) marque ses débuts avec l’artiste.
Il était ainsi une sorte de « chercheur artiste » du moment présent à la recherche du hasard.
Il fit la tentative d’aller au-delà de l’influence énorme exercée à ce moment-là par l’expressionnisme abstrait, dans la poursuite d’une forme d’art avancé, des pratiques conceptuelles radicales et le multimédia.
En même temps il a amorcé une série d’expériences qu’il a appelé  »Chance Paintings », une pièce remplie d’habits, avec une intention clairement anti-illustrative et anti-représentative. Brecht a mentionné alors ses premières tentatives de convertir le temps et la chance dans une sorte « d’expressionnisme abstrait corrigé ».
La proximité de Brecht et John Cage avec qui il a partagé un intérêt pour la pensée Orientale, l’a conduit à considérer la position de son art sur « la Composition Expérimentale ». Il a encouragé Brecht à chercher de nouveaux moyens pour sa pratique créative, comme la génération d’un nouveau genre musical au moyen des procédures impliquant la chance et l’utilisation de bruit environnant :  »Drip Music »(utilisée par Jackson Pollock pour ses canevas),  »Incidental Music » ?

Brecht était convaincu que « l’expérience de chaque dimension » pourrait être mise en évidence et mise en capsule. De là, il a développé le concept de  »Event Scores » avec lequel il a structuré l’espace et le temps de son travail, invitant le public à participer au morceau. C’est ce qui se passa lors de son premier one man show  »’Toward Events: An Arrangement » ( »Vers les Événements : un Arrangement » (1959) dans la Reuben Gallery de New York). Une différence radicale s’impose, insistant sur la nature provisoire et participative inhérente aux mots « événement » et « arrangement ».

Brecht avait alors atteint son but selon ses propres mots, il avait « l’assurance que les détails de là vie quotidienne, les constellations aléatoires des objets qui nous entourent, arrêtent d’aller inaperçus ».
Ses œuvres devenaient alors une représentation artistique conventionnelle, comme un geste de résistance ferme contre l’aliénation individuelle, laissant la place à l’imprévu, ce qu’il y a de plus humain finalement comme forme d’art.

La vidéo de l’art conceptuel : Georges Brecht

La première œuvre connue faisant appel à la vidéo, qui n’a en fait jamais été représentée, est de George Brecht. Il a en fait peu influencé l’Art vidéo, si ce n’est (et l’importance n’est pas des moindre) qu’il a pour ainsi dire réalisé la première oeuvre vidéo qui n’a jamais été présentée.

Dans son cahier de notes, à la date du 25 juin 1959, on trouve l’ébauche d’une television piece, assemblage de neuf téléviseurs en marche, formant ce qu’on appellerait aujourd’hui un mur vidéo. Ce mur devait être recouvert par une bâche en plastique. D’une manière caractéristique chez lui, Brecht définit un cadre formel, à l’intérieur duquel existe toute une série de possibilités de déroulement.

Dans ses event cards, qui datent à peu près de la même époque (et qui seront publiées plus tard en collections dans diverses éditions intitulées Water Yam Box), Brecht décrit à chaque fois une situation initiale, en vue de laquelle il définit un choix de possibilités d’intervention, ou plutôt d’expériences. Une carte intitulée Three Aqueous Events, datant de 1962, énumère les trois états de l’élément liquide: la glace, I’eau et la vapeur.

De la même manière, dans les notes relatives à sa Television Piece, il énumère en détail les situations sur lesquelles on peut intervenir: « Picture and Horizontal adj. (ustment); Sound; Volume; Tuning depends on pic. (ture) » (note).

C’est la rigueur du concept qui fait de la pièce de Brecht un véritable travail de vidéo.

Il y affirme le caractère d’objet réel du téléviseur, alors que l’aspect de produit industriel est souligné par l’alignement en bloc. Pourtant, il est possible de modifier l’image et le son de la même manière que le ferait n’importe quel possesseur de poste de télévision, c’est-à-dire en manipulant des boutons préinstallés par le fabricant.

Apparemment, le bouton de sélection des chaînes manque chez Brecht. Pour lui, les images concrètes, qui sont émises par le téléviseur, ne jouent manifestement aucun rôle. Son intérêt va plutôt à l’objet lui-même et aux possibilités d’intervention sur lui.

Note : Dieter Daniels (éd.), George Brecht, Notobooks I, Il, Ill, Cologne, 1991, ici NoteLook III, p. 69. Voir aussi: idem, « From George Brechts Notebooks of 1959 », dans Mediamatic, /K 1/2, p. 53, sq, Amsterdam, 1989.

Le début des années 60

Ce fut une période dans laquelle Brecht a développé sa propre critique de la structure institutionnelle et des mécanismes employés dans l’art. Son premier  »Chair Event » en 1961, dans lequel il a placé un score réel à côté d’un objet quotidien inchangé, a constitué une expression de résistance aux demandes des galeries pour présenter son travail d’une façon plus formelle, il a préféré rester dans son attitude non conventionnelle.
The Yam Festival, planifié en accord avec Robert Watts, a été créé comme une alternative au système de galerie dans lequel il a produit l’art qui ne pouvait pas être acheté, étendant la notion de pratique artistique immatérielle et organisant en même temps les représentations, les concerts de son travail, à côté de celui d’autres artistes partageant son opinion.

« c’est le seul homme sur terre qui peut marcher dans un champ de neige sans laisser de traces »

Robin Page

Dans le même temps, il crée une série de cartes légèrement modifiées qui s’inscrivent plus dans un contexte géo-polotique « to improve the climate » (l’une d’elle proposait de placer une chaîne anglaise dans les îles Canaries) et « to solve geopolitical conflicts » (le mariage entre Miami et La Havane propose de déplacer la Péninsule de la Floride et l’Île de Cuba pour que les deux villes mentionnées puissent être physiquement – et donc politiquement – connectées)

George Brecht et Fluxus

Cette base conceptuelle était fortement significative dans le contexte Fluxus de l’autre côté de l’Atlantique, avec lequel Brecht a beaucoup fait. Fluxus a commencé, en fait, dans Wiesbaden (l’Allemagne) avec une série de « nouvelle musique », des concerts organisés par George Maciunas utilisant le grand nombre radical créé par Brecht et d’autres artistes dans son cercle, y compris Dick Higgins, Emmett Williams, Robert Filliou, Eric Andersen, Alison Knowles et Ben Vautier, parmi d’autres.

Il a fortement été en accord avec la notion du statut non professionnel de l’artiste adopté par Macuinas.
En plus du travail musical avec Fluxus, Brecht réalise ses pièces les plus connues, sorte de readymade. La plus fameuse :  »Three Chair Events » exposée à la Martha Jackson Gallery, NY, 1961. Oeuvre suivie de nombreuses autres  »Chairs », respectant toujorus une mise en scène de trois chaises dont les éléments qui les accompagnent changent toujours (métaphore de la vie, du temps qui passe ?)

1964

Avant son voyage en Europe, Brecht a proposé un nouveau format pour son travail, celui du livre. Il rassemblera ses compositions (faites avec Fluxus) sur des petites cartes, qui seront éditées par George Maciunas. Les boîtes et l’arrangement d’objets ordinaires prennent alors une grande place dans son œuvre, qui s’organise en 1964 comme les pages et chapitres d’un livre, qu’il a appelé le  »The Book of the Tumbler on Fire ». Le titre a capturé sa perception de tout son travail comme ‘ une enquête dans la continuité des choses différentes. Le c’ur du livre est composé d’une série importante d’événements en forme de boîtes couvertes de satin. Ils composent, avec les chaises, des peintures, le grand nombre et toutes les sortes de formats divers, les chapitres de son volume éternel.

1965

Brecht a voyagé à Rome et un peu plus tard à Villefranche-sur-mer pour rencontrer son ami et camarade membre de Fluxus, l’artiste Robert Filliou et a trouvé « un atelier de création permanent », qu’ils ont nommé  »Cédille La qui sourit ».
Il a ensuite influence de nombreux artistes londoniens.

2008

George Brecht s’était retiré du monde artistique depuis les années 1970.
Il meurt le 15 décembre de cet année la.

Les œuvres de George Brecht

Le mur Vidéo de Georges Brecht
Le mur Vidéo

Présenté dans son cahier de notes, à la date du 25 juin 1959, on trouve l’ébauche d’une  »television piece », assemblage de neuf téléviseurs en marche, formant ce qu’on appellerait aujourd’hui un mur vidéo.
Il énumère en détail les situations sur lesquelles on peut intervenir : c’est la rigueur du concept qui fait de la pièce de Brecht un véritable travail de vidéo.

Ainsi il nous montre le caractère réel du téléviseur en tant qu’objet, tandis que c’est l’aspect industriel du produit qui est souligné par l’alignement en bloc.
Ce qui est marquant, c’est qu’il est possible de modifier l’image et le son comme n’importe quel utilisateur de poste téléviseur, c’est-à-dire en manipulant les boutons installés par le fabricant. Pourtant, si l’on en croit les notes de Brecht, le bouton de sélection des chaînes manque, il n’y a pas vraiment d’images. « Pour lui, les images concrètes, qui sont émises par le téléviseur, ne jouent manifestement aucun rôle. Son intérêt va plutôt à l’objet lui-même et aux possibilités d’intervention sur lui », (cf cours de Stefan Barron).

Chance Imagery

En 1953, il écrit un ouvrage fondamental,  »Chance Imagery »
Il constitue un texte fondateur d’un des acteurs principaux de la mouvance Fluxus. Son idée maîtresse est que tout provient toujours des coïncidences et que nous devons savoir jouer avec le hasard. C’est à nous de saisir l’événement (event). Ce livre est première pierre posée pour son œuvre tout entière et qui fait de lui un artiste conceptuel. Brecht théorise puis met en pratique les fondements d’un art minimum extrême, où la tradition, la nouveauté ne peuvent exister mais où il laisse place à l’inattendu. C’est dans le monde du moment présent, exact, précis, ouvert à toutes les connexions que Brecht nous entraîne, à travers son regard, il nous plonge au c’ur des choses.
C’est essentiellement au c’ur du domaine artistique que nous entraîne ce texte sans toutefois nous éloigner totalement des sciences.

« Le mot « imagerie » est à dessein suffisamment équivoque, pour s’appliquer aussi bien à l’acte physique de création d’une image à partir de matériaux reels qu’à la formation d’une image dans l’esprit, disons par abstraction, à partir d’un système plus complexe. » George Brecht, dans  »Chance Imagery »

Event

George Brecht, artiste hors du temps, écrit ces quelques lignes sur l’origine de  »Event », une de ses œuvres majeure : Au printemps 1960, me tenant dans les bois à East Brunswick, New Jersey, où j’habitais à l’époque, attendant ma femme dans la maison, debout, derrière mon break anglais Ford, le moteur tournant et le clignotant gauche en action, il me sembla qu’une compositon ?évènement? (event) complète pouvait être tirée de la situation. Trois mois plus tard, la première composition explicitement intitulée ?événement? (event) était finie, c’était Motor ehicle Sundown (Coucher de soleil avec automobile).? (extrait de Fluxus Dixit)
Dans ses  »Event cards », Brecht décrit à chaque fois une situation initiale, en vue de laquelle il définit un choix de possibilités d’intervention, ou plutôt d’expériences à la manière d’un scientifique expérimentateur.

Ses  »Event » étaient au nombre de 70 dans la première version de Water Tam réalisée en 1963.

Instructions:
Allumer une radio. Au premier son, l’éteindre.
et un autre
Trois arrangements:
Sur une étagère.
Sur un portemanteau.
Objet noir, Chaise Blanche.

Three Chair Event

  • Sitting on a black chair. Occurrence.
  • Yellow Chair. (Occurrence.)
  • On (or near) a white chair. Occurrence,

Bibliographie

  • George Brecht, L’imagerie du hasard, presses du réel, essai poche 2002
  • Sylvia Martin, Art vidéo, TASCHEN éd, 2005
  • Daniel Marzona, Art conceptuel, TASCHEN éd, 2005