Barbara Kruger

Barbara Kruger est une artiste conceptuelle qui naquit à Newark, une banlieue de New York dans le New Jersey le 26 juin 1945.


Elle décide d’étudier l’art et entre donc à l’université de Syracuse lorsqu’elle est âgée de 19 ans,soit en 1964. Un an plus tard elle entreprend de poursuivre ses études dans ce domaine en y incluant celui du design à l’école d’art visuel de New York puis après à la « Parsons school of design ». Elle y rencontreras d’ailleurs la très célèbre et tout autant talentueuse photographe Diane Arbus ainsi que le dessinateur Marvin Israel, lui-même designer chez Harper’s Bazaar.

Ainsi elle obtient dès la sortie de son cursus un travail en tant que designer à la « condé-Nast publication ravit très vite les échelons, et devient ainsi d’abord chef designer, puis un peu plus tard travaille comme graphiste designer,directrice d’art et enfin en tant que « Picture editor » dans le département d’art à la House and Garden.

Mise à part sa brillante carrière professionnelle, elle se distingue et s’élève au rang d’artiste grâce à ses œuvres, dont les premières sont à dater fin 70,qui s’inscrivent dans un mouvement de contre courant face au consumérisme ou plus largement ,qui dénoncent une société homogénéisée,conformée et soumise au jug d’une certaine normalisation sociale.
Plus tard, elle enseignera à l’institut d’art de Californie « The School of the Art of Chicago » et à « The University of Californie Barkeley ». Actuellement elle vivrait entre New York et Los Angeles.

Oeuvres et interprétations

Ses débuts, idées et débats

Dès ses premières oeuvres, en 1978, qui se caractérisent par une dimension critique, BK s’approprie en fait des images publicitaires(ou des images qu’elle fait elle-même), qu’elle expose, agrandie au format du tableau de chevalet et qui ainsi détournées de leur support d’origine (magazine),mais aussi emprunte de slogans virulents, d’aphorismes stupides, de lieux communs de nos comportements. Ceci sous forme de brèves sentences à la typographie austère, nous donnent à s’interroger dès lors avec une certaine ambiguïté sur notre capacité à répondre aux pressions de la société afin de reproduire un comportement normalisé.

Cette pensée sur le commun, annonce la fin de tout écart dans nos vies, elle n’a donc pas pour objectif de s’interroger sur la banalité ou le cliché, au contraire, Barbara Kruger, reproduit sur un mode dramatique les stéréotypes de notre idéologie, offre aux spectateurs des images où les signes renvoient à des modèles de représentation dont nous avons parfaitement conscience; des modèles avec lesquels nous jouons dans une liberté buissonnière toujours renouvelée. Montrer les signes de l’aliénation renvoie à la façon dont nous inventons le quotidien à coup de ruses, d’astuces et de tactiques de résistance.

Cependant, les tableaux photographiques pouvaient conduire à une impasse. L’esthétisation de ce qui était dénoncé donnait à ses pièces une ambivalence rapidement insoutenable au fur et à mesure que la publicité calquait et intégrait nombre de procédures artistiques qui initialement dénonçaient son idéologie (il suffit pour s’en convaincre de voir combien de spots télévisés singent désormais les attitudes artistiques des années 80).

C’est donc marquée par la culture de masse que Barbara Kruger produit un art engagé qui éveille rapidement la curiosité du milieu culturel new-yorkais des années 80. Intimidante par la violence des images et les propos explicitement dirigés vers le spectateur, ses œuvres prennent pour cadre la société de consommation ainsi que les minorités de toutes sortes, notamment raciales et sexuelles, soumises à l’autorité blanche et masculine. L’artiste crée à partir de 1981 des photomontages aux couleurs du drapeau américain dont émane une atmosphère inquiète et violente et qui renvoient par le ton injonctif et le graphisme épuré quelque chose de l’Agit-Prop révolutionnaire, ou des montages photographiques anti-hitlériens de John Heartfield. Ses photomontages trouvent leur inscription sur de nombreux supports, affiches, tee-shirts, sacs plastique’, comme autant de stratégies pour déplacer les langages publicitaires. Les œuvres exposées sont conçues sur le même principe:des photographies en noir et blanc, avec surimposition de texte, sont soulignées d’un cadre rouge. L’effet d’intimidation qu’elles produisent vise à saisir le spectateur, à lui faire ressentir la situation évoquée.

Il est a noter que Le corps y est le plus fréquemment représenté parce que objectivé, envisagé comme marchandise. Il est logiquement au centre de l’analyse de l’artiste comme l’enjeu d’une lutte pour son contrôle de la part des médias, à travers l’usage des stéréotypes en particulier. Les théories féministes travaillaient dans le même temps, s’appuyant également sur les textes de Jacques Derrida, à déconstruire l’image de la femme produite dans la société. Barbara Kruger accompagne cette réflexion dans nombre de ces travaux du début des années quatre-vingt.

Elle présenta sa première exposition personnelle à la Galerie Mary Boone de New York en 1987, elle fut ainsi la première femme à pénétrer un bastion réputé, jusqu’alors, exclusivement masculin. Les manifestations de sympathie à l’issue de l’exposition exprimèrent bien le climat difficile de la représentation artistique féminine des années 80. Certes, il y eut dans les années 70 la critique Lucy Lippard qui mena croisade contre l’attitude phallocentrique de l’art conceptuel et minimaliste, en présentant les travaux d’artistes femmes dans des galeries réservées à cet effet. Chez B. Kruger, il ne s’agira pas de suivre les traces du militantisme de la décennie précédente mais de pénétrer les galeries et les musées, fiefs masculins, et d’en biaiser les conventions.

Ce rapport de force entre homme et femme se retrouve dans le pronom « you » (tu) des slogans qui accompagnent les photographies, et qui fonctionnent comme l’inducteur de l’autorité phallique. Exemplaire en ce sens, le bandeau « I can’t look at you and breath at the same time » (Je ne peux pas te regarder et respirer en même temps) qui recouvre les yeux d’une femme en train de nager, exprime la suffocation du « you » sur le « I ». En même temps ce montage est ambivalent car le bandeau masque le regard de la femme qui nage librement dans l’eau et s’émancipe non sans difficultés.

Explications de quelques unes de ses oeuvres

You Are the Perfect Crime – Barbara Kruger – 1984

Dans celle-ci se trouve inscrit une phrase déclarative : « You are the perfect crime », elle semble s’adresser à la fois à l’homme photographié et au spectateur. Elle s’incruste dans le nuage de fumée, parole énoncée de l’extérieur par l’artiste. La représentation de l’homme, caractéristique de l’Occidental uniformisé par son costume, recoupe les stéréotypes du monde des affaires et du grand banditisme. Son geste d’exhaler la fumée de sa cigarette lui confère à la fois détachement (les yeux ne sont posés nulle part) et assurance. « Je considère mon travail comme autant de tentatives de détruire certaines représentations et d’introduire une spectatrice féminine au sein d’un public masculin. Elle recourt pour cela à des stratégies artistiques, celle du photomontage, mais aussi le mode du texte, affirmant la position du sujet qui parle et celle de l’interlocuteur.

Cependant, l’appropriation des langages médiatiques n’est pas littérale. Barbara Kruger crée un écart ; par exemple, contrairement à la publicité qui imprime directement l’imagination, l’œuvre de Barbara Kruger force le spectateur à décoder le message, quitte à le laisser sans réponse. Alors que l’affirmation « You are the perfect crime » est accusatrice, le choix du terme « crime » et non « criminal » renverse la proposition vers une situation de victime. Qui subit le crime et qui l’opère ? Seul le fait qu’un crime a lieu, parfait puisque insoupçonné, est ici manifeste. Le message est susceptible de prendre diverses significations, adressé à la fois à l’homme et au spectateur. Au-delà d’une seule analyse féministe des représentations des genres, cette œuvre questionne les liens entre représentation et pouvoir, qu’il s’agit pour Barbara Kruger de s’approprier pour mieux les pervertir, afin de mobiliser le spectateur .

La continuité d’une certaine dénonçiation des stéréotypes

Depuis la fin des années 80, (entre 89 et 90 pour être précis) Barbara Kruger réalise l’une de ses premières installations, en s’appropriant totalement l’espace de sa galerie new-yorkaise. Du sol au plafond, des mots et des images s’imbriquent les uns dans les autres. Une certaine virulence dans les propos place le spectateur dans une situation équivoque, celle de sa propre dénonciation; ce qui constitue une certaine rupture entre ses œuvres « figées » et celle devenues plus « vivante ».

Dans ce travail d’installation Barbara Kruger transfigure directement les mots et les images aux surfaces de la galerie. Sur chaque installation figure un texte écrit en blanc sur un fond(le sol) rouge, ce texte dit : « All That seemed beneath you is speaking to you now. All that seemed deaf hears you. All that seemed dumb knows what’s on your mind. All that seemed blind sees through you. All that seemed silent is putting the words right into your mouth. »(littéralement: tout ce qui te parait au dessous est en train de te parler en ce moment. Tout ce qui parait sourd tu l’entends. Tout ce qui semble silencieux est en train de mettre en place les bons mots dans ta bouche) ainsi le sol a une voix ,les murs des oreilles et l’architecture manipule la façon dont on parle !

Par la suite elle conçoit d’autres installations, (film, vidéo, audio) par exemple dans l’espace de la Galerie Yvon Lambert, ou elle approfondit son travail de mise en forme des mots et des images avec la projection simultanée de trois films : trois murs séparés par de minces cloisons nous font face. Sur chacun d’entre eux, un visage nous regarde. Chacun prononce un monologue d’une incroyable violence, souvent construit à partir de situations entendues. Le plus souvent, il s’agit d’apostrophes destinées à un interlocuteur absent. Aussi le spectateur reçoit-il ces accusations : tu es vraiment trop nul, mais pour qui te prends-tu avec tes belles phrases, etc. Les pièces anciennes démontraient que dans une culture modelée par l’information et par des images qui tiennent lieu de réalité, l’homme n’est capable que d’expériences de seconde main. Ici, Barbara Kruger prouve que, dans une société donnée, l’imaginaire n’est pas une totalité cohérente. Il englobe une galaxie de figures hétérogènes qui, toutes, déjouent les modèles de communication prônés par les médias. La vie de tout homme n’est effectivement pas réductible à une série de stéréotypes.

Interview de l’artiste

OEUVRES

  • Sex / Lure – 1979
  • Untitled / You construct intricate rituals which allow you to touch the skin of other men – 1981
  • Your assignment is to divide and conquer – 1981
  • Your Comfort is My Silence – 1981
  • Your every wish is our command – 1981
  • Your Gaze Hits the Side of My Face – 1981
  • Your manias become science – 1981
  • Untitled / We have received orders not to move – 1982
  • We will undo you – 1982
  • Untitled / You are seduced by the sex appeal of the inorganic – 1982
  • You invest in the divinity of the masterpiece – 1982
  • You make history when you do business – 1982
  • We Won’t Play Nature to your Culture – 1983
  • Your life is a perpetual insomnia – 1983
  • You Are Not Yourself – 1984
  • Untitled / Money Can Buy You Love – 1985
  • We don’t need another hero – 1985
  • A Picture is Worth More than a Thousand Words – 1987
  • Give me all you’ve got – 1987
  • In space no one can hear you scream – 1987
  • I Shop Therefore I Am (I)- 1987
  • I Shop Therefore I Am (II) – 1987
  • No Radio – 1988
  • Your body is a battleground – 1989
  • It’s a Small World But Not If You Have to Clean It – 1990
  • Who is bought and sold? – 1990
  • You can’t drag your money into the grave with you – 1990
  • All Violence is an Illustration of a Pathetic Stereotype – 1991
  • Questions – 1991
  • Think Twice – 1992
  • Repeat after me – 1985-94
  • Not Ugly Enough – 1997
  • Super rich / Ultra gorgeous / Extra skinny / Forever young – 1997
  • Thinking of You – 1999-2000
  • Untitled / Pray – 2001
  • Untitled / Pro-life for the unborn, Pro-death for the born – 2000-2004
  • Twelve – 2004
  • Untitled / Seeing through you – 2004
  • Untitled / Chess Board – 2006
  • Face It (Cyan) – 2007
  • Face It (Green) – 2007
  • Face It (Magenta) – 2007
  • Face It (Yellow) – 2007

Sources