Douglas Gordon

Douglas Gordon est un artiste iconoclaste qui joue avec l’imaginaire collectif et avec son image pour atteindre la sensibilité du public. Il questionne la continuité temporelle ainsi que la mémoire collective qu’il fragmente et étire pour voir les fonctionnements et les dysfonctionnements qui en découle à travers l’image et le langage.

Biographie et parcours artistique de Douglas Gordon

Douglas Gordon nait à Glasgow, en Écosse, en 1966. Son parcours artistique débute dans les années 90. Il est avant tout reconnu comme un artiste vidéo mais il travaille également à l’aide de photographies, de textes ou encore d’objets. Il s’inspire du cinéma, de la littérature, de la culture populaire et de sa propre histoire afin de créer des œuvres traitant de la mémoire personnelle ou collective. Son travail parcourt également différents thèmes d’opposition comme la vie et la mort, le bien et le mal, l’innocence et la culpabilité, la tentation et la peur.

Les expositions de Gordon sont son moyen d’expression premier. Il y expose des images détournées de films ou de personnages connus de tous qu’il met en scène dans des contextes inhabituels. Il se sert des films, des acteurs et de leur trace dans l’inconscient collectif comme espace de création afin d’envisager un rapport nouveau à l’image.

Perception du temps dans les œuvres vidéographiques de Gordon

24 hour Psycho, 1993.

Il propose avec cette œuvre un remake du film Psychose de Hitchcock dont il va étendre la durée originale du film (109mn) à 24heures. Il rétablit ainsi la réalité temporelle qu’avait contractée Hitchcock et s’approprie l’univers du film et le négatif de la pellicule pour proposer une narration différente par la relecture de l’image.
Selon Gordon, le spectateur « est tiré vers le passé mais aussi vers le futur lorsqu’il réalise que l’histoire, qu’il connaît déjà, ne semble jamais se dérouler assez rapidement. Entre les deux, se trouve aussi un présent qui évolue tout doucement et se dissout, tout en restant hors du temps ». Ainsi, la narration n’est pas dans l’installation mais au sein de l’esprit du spectateur.

5 year Drive-By, 1995.

Ce remake de l’œuvre de John Ford, La prisonnière du désert, va rétablir d’une façon extrême la réalité temporelle. En effet, la durée du film est de 113mn mais traite une histoire de cinq ans. Ainsi, « L’image ne changerait que toutes les quinze minutes, de façon à ne montrer qu’une seule seconde du film par jour de projection ».
La projection de cette œuvre s’est prolongée seulement sur 47 jours dans un désert des États-Unis, montrant qu’une infime partie du projet envisagé par l’artiste.

Étant très cinéphile, Douglas Gordon a effectué d’autres remake mais avec des visées différentes.

Pretty Much Every Film and Video Work from About 1992 Until Now, 2003.

Il s’agit d’une compilation de toutes les œuvres vidéo de l’artiste depuis 1992. Dans sa version de 2003 l’oeuvre présentait une quarantaine de films, aujourd’hui, après une nouvelle intervention de l’artiste, elle comprend 82 vidéos réparties sur 101 moniteurs posés sur des caisses de bière. L’artiste Douglas Gordon interroge dans son travail la notion de mémoire et l’aspect conceptuel du temps, de la durée d’une œuvre jamais terminée.

Play Dead; Real Time, 2003 – Dialogue avec le filmA 21st Century Portrait, 2006.

On peut voir une nouvelle fois par cette installation, un travail sur le temps distendu.
D’une part le spectateur est face aux mouvements lents de l’éléphant représentant en boucle des numéros de cirque : faire le mort, se lever, marcher à reculons, se coucher, etc..
Cette installation regroupe deux moniteurs permettant aux spectateurs d’être voyeur de l’action et de regarder l’éléphant sous toutes ses formes. Le spectateur peut en venir à se remettre en question face aux conditions de captivité, d’élevage et de dressage des animaux de cirque.

En parallèle, par un autoportrait en gros plans du footballeur Zinédine Zidane filmé par 17 caméras, Douglas Gordon tente de rapprocher la séquence sur l’éléphant autour du thème de l’entrainement intensif. Les images au ralenti de l’artiste montre Zidane comme une créature vulnérable, fragile, et font éprouver de la compassion pour lui.

Gordon parvient toujours à créer une grande proximité affective entre l'objet de ses films et les spectateurs, leur permettant ainsi de projeter leurs fantasmes dans les œuvres montrées. La force de la réception de l'œuvre dépend de cette projection.

Oeuvres photographiques : autoportrait et série

A travers la photographie et notamment au sein de ses autoportraits, il interroge les systèmes de lecture, de reconnaissance et de mémorisation de l'être humain, ainsi que les mécanismes sensoriels qu'ils mettent en jeu. Son œuvre ne cesse donc de parler de dualité et de métamorphose, de mystère et d'ambiguïté présent en chacun de nous, et du basculement des destinées vers le "mal" ou le "bien". Douglas Gordon s'est ainsi longuement intéressé à l'hypnose, à la télépathie ou à l'hystérie, aux théories de Freud ou aux expériences médicales de Charcot comme aux films de Luis Buñuel.
Self-Portrait (Kissing with Scopolamine), 1994.

Ce Self-Portrait est la projection d’une diapositive en négatif de l’artiste en train d’embrasser son reflet, les yeux fermés, à la surface d’un miroir, les lèvres enduites d’un sérum de vérité testé sur les prisonniers lors de la seconde guerre mondiale, la scopolamine. La série Kissing with Scopolamine vient s’ajouter à deux autres séries de photographies Kissing with Sodium Penthotal, 1994 et Kissing with Amobarbital, 1995.

« Ce que le regardeur voit, c’est le négatif d’une vérité, le négatif du Soi, et le négatif de l’image réfléchie du Soi. »

Douglas Gordon
Monster, 1997
Monster, 1997
Dans cet autoportrait, il s’exhibe selon une double image : au naturel et défiguré, du moins déformé à l’aide de rubans de scotch.
The Blind Star, 2000.

C’est une série qui rassemble des photos découpées représentant de grandes célébrités de Hollywood des années 40 et 50. Douglas Gordon questionne alors le rapport au regard.

Autres œuvres de Douglas Gordon

Something between my mouth and your ear, 1994. Le spectateur est face à une pièce sonore installée dans une chambre bleue qui réunit les principales chansons du hit parade de 1966 que Douglas Gordon a peut-être entendu avant ou juste après sa naissance. Le visible est également travaillé puisque la pièce réagit à l’intensité lumineuse de l’extérieur en fonction du temps.

Hysterical, 1995. Une vidéo projection sur double écran, photographie de l’installation par Christopher Thomond. Douglas Gordon réalise un food footage à partir d’un film scientifique, traitant de l’hystérie chez les femmes. Le film est projeté en ralentit sur un écran et sur le second en miroir. Le dispositif de Douglas Gordon dilate l’espace en trois dimensions distincts, amenant le spectateur à se déplacer. Il fait tourner le film en boucle, attisant la curiosité du spectateur. Cette scène traumatisante saisit le regard, donnant à voir une certaine beauté, à cet état de crise.
Three inches (Black), 1997. Il s'agit d'une présentation de 11 photographies montrant une main dont un doigt est tatoué en noir.
Over my shoulder, 2003. A travers cette vidéo, l'artiste tente de transmettre diverses émotions par des gestes allant de la violence à la sensualité.
K.364, 2010. Le film est un document intime de la relation entre les individus et le pouvoir de la musique, dans le contexte subtilement tiré d'une histoire sociale sombre et non résolus. Douglas Gordon s'attarde alors ici à la vue.

I am also Hyde, 1962-2011. Trois cent soixante photographies sous-verre et encadrées de noir prétendent livrer qui est vraiment Douglas Gordon, en révélant où et avec qui il vit. L'autoportrait fragmenté superpose souvenirs personnels et mémoire collective."

 

Phantom, 2011. L'installation Phantom est placé dans l'obscurité et se compose d'un écran où est diffusée une vidéo, une estrade, des miroirs sur les murs de l'espace plongé dans le noir et un piano à queue. Dans un rapport frontal, Douglas Gordon amène le spectateur dans un lieu métaphorique d'une expérience mentale et physique presque mystique. La mise en image de ces partis de corps contribue à créer une réalité ambivalente particulièrement troublante où les repères se perdent, entre violence et tendresse. Le regard représentant Rufus Wainwright est ainsi fragmenté, décuplé, puis rythmé par la charge émotionnelle de sa musique et permet de plonger le spectateur au sein d'un univers plastique et mental, entre fascination et angoisse, désir et aversion

Sources