Futurisme et art vidéo

Le futurisme

Le futurisme est un mouvement artistique et littéraire né au début du XXe siècle à Paris. Il fut à ses débuts surtout présent en Italie avec le poète italien Filippo Tommaso Marinetti qui publie en 1909 le  »Manifeste du Futurisme » qui encourage les artistes italiens à rejoindre ce mouvement.

Dans leurs oeuvres, les futuristes rejettent la tradition esthétique et font l’apologie du monde moderne et de la « beauté de la vitesse et de l’énergie. » Le futurisme marque tout particulièrement l’avant-garde Russe. Il sera aussi récupéré par le mouvement sous Mussolini puis mourra temporairement avec ce dernier dans les années 40.

Les principaux artistes du mouvements futuriste sont Filippo Tommaso Marinetti, Umberto Bioccioni, et Carlo Carrà.

Filippo Tommaso Marinetti

Ecrivain italien né le 22 décembre 1876 à Alexandrie, il fait ses études en français avant de passer son Baccalauréat à Paris, il étudia également à Padoue et à Gênes ou il obtient un doctorat en droit. En 1904 il fonde la revue  »Poesia ». En janvier 1909 il publie le  »manifeste technique de la littérature futuriste » qui paraitra à la une du Figaro le 20 février suivant.

Marinetti sera alors considéré comme le fondateur et le chef de file de ce mouvement. En 1910 il publie son premier roman  »Mafarka le futuriste » qui montre que Le futurisme ne se limite pas à l’art et qu’il est aussi une manière de vivre. Marinetti pense que le régime fasciste concrétise les idées futuristes et il adhère en 1919 au parti fasciste. Il publiera en 1924  »Futurisme et fascisme ». Filippo Tommaso Marinetti mourra d’une crise cardiaque le 2 décembre 1944 à Bellagio.

Extraits du manifeste du futurisme

  • Nous voulons chanter l’amour du danger, l’habitude de l’énergie et de la témérité.
  • Les éléments essentiels de notre poésie seront le courage, l’audace et la révolte.
  • La littérature ayant jusqu’ici magnifié l’immobilité pensive, l’extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l’insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing.
  • Nous déclarons que la splendeur du monde s’est enrichie d’une beauté nouvelle : la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre ornée de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive… une automobile rugissante, qui a l’air de courir sur de la mitraille, est plus belle que La Victoire de Samothrace.
  • Nous voulons chanter l’homme qui tient le volant, dont la tige idéale traverse la terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite.
  • Il faut que le poète se dépense avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur enthousiaste des éléments primordiaux.
  • Il n’y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef-d’œuvre sans un caractère agressif. La poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues pour les sommer de se coucher devant l’homme.
  • Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles !… À quoi bon regarder derrière nous, du moment qu’il nous faut défoncer les vantaux mystérieux de l’impossible ? Le temps et l’Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l’absolu, puisque nous avons déjà créé l’éternelle vitesse omniprésente.
  • Nous voulons glorifier la guerre ? seule hygiène du monde ?, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme.
  • Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires.
  • Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques ; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument ; les usines suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées ; les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés ; les paquebots aventureux flairant l’horizon ; les locomotives au grand poitrail, qui piaffent sur les rails, tels d’énormes chevaux d’acier bridés de longs tuyaux et le vol glissant des aéroplanes, dont l’hélice a des claquements de drapeau et des applaudissements de foule enthousiaste. »

Caractéristiques d’une œuvre «futuriste»

La principale préoccupation des futuristes est de rendre compte du mouvement dans leurs œuvres. La photographie offre cette possibilité grâce à l’invention du photodynamisme d’Anton Giulio Bragaglia. Cette technique photographique permet de montrer le changement de position d’un élément sur un cliché en faisant bouger le sujet pendant la prise de la photographie. Ainsi le mouvement les personnes sont rep .on voit sa tête prendre différentes attitudes. Les artistes futuristes vont tenter de reproduire l’effet du mouvement comme en photographie mais en peinture et en sculpture.

Anton Giulio Bragaglia (1890-1960) Changement de position, 1911 épreuve au gélatino-bromure d’argent, 18,8 x 17,9 cm
2005 © The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN / image of the MMA

L’étude du mouvement, influence du futurisme

Plus d’un demi-siècle avant l’apparition du futurisme Etienne-Jules Marey, médecin, physiologiste et inventeur français affirmait que lors du galop, le cheval ne touche plus terre à un instant T. Edweard Muybridge, décide alors d’éprouver cette théorie en plaçant des appareils photographiques en ligne devant un cheval qui, en galopant, déclenche les appareils par la rupture de fils tendus sur son passage. Il s’aperçoit alors que Marey avait raison.

Muybridge reste célèbre encore aujourd’hui pour ses décompositions photographiques du mouvement.

Marey lui, est incontestablement un pionnier de la photographie et du cinéma. Cela malgré lui puisque c’était avant tout un homme de science qui avait pour ambition d’étudier et d’analyser le mouvement. C’est dans cette optique qu’en 1882, il mis au point le Fusil photographique et la chronophotographie.
Cette technique n’utilise qu’un seul objectif et impressionne plusieurs fois la plaque photographique à l’aide d’un obturateur rotatif.


Le travail de Marey sur le mouvement et sa décomposition a énormément intéressé les artistes futuristes comme par exemple Giacomo Balla pour son tableau Fillette courant sur balcon (1912).

Le cinéma futuriste

Malgré leur culte des machines et des nouvelles technologies, les futuristes italiens n’acceptaient pas la photographie et le cinéma comme nouvelle forme d’art. Les première traces de l’alliance entre cinéma et futurisme se font avec Arnaldo Ginna et Bruno Corra qui réalisent des courts métrages en peignant directement sur la pellicule (1910-1912) mais aussi avec  »Mondo Baldoria » (1914) de Aldo Molinari, inspiré du manifeste futuriste d’ Palazzeschi. Ces premières tentatives seront cependant critiqué et désaprouvé par Bioccioni et Marinetti].


Les débuts du cinéma futuriste se font en dehors du mouvement fondé par Marineti. Ils sont d’abord l’œuvre des frères Arnaldo et Bruno Ginanni-Corradini, plus connus aujourd’hui sous les pseudonymes futuristes de Arnaldo Ginna et Bruno Corra. Théoriciens d’une ciné-peinture abstraite, ils réalisent, entre 1910 et 1912, des courts métrages en peignant directement sur la pellicule. Leur expérience est néanmoins rejetée par Boccioni. Un autre film est tourné en 1914 par Aldo Molinari : Mondo baldoria (Monde bombance), directement inspiré d’un manifeste futuriste d’Aldo Palazzeschi. Cette nouvelle expérience est pourtant désapprouvée par Marinetti qui veut garder la mainmise sur toute expression de l’art d’avant-garde en Italie.

Un film fondateur : Vita futurista

Les réels débuts du cinéma futuriste se font en 1916 avec le film  »Vita futurista » réalisé par Arnaldo Ginna. Le film à été conçu selon un schéma irrévérencieux et novateur. Plusieurs futuriste veulent perturber la paix publique et provoquer la classe bourgeoise.

Velocità

L’alliance entre le cinéma et le futurisme se poursuit en 1930 lorsque Filippo Tommaso Marinetti réalise  »Velocità » de Cordero, Martina et Oriani. C’est « l’un des seuls films futuristes existant dont la dynamique de la ville avec vues tournantes, machines soufflantes, mannequin articulé et hommages aux artistes du XXème siècle, Boccioni, Mondrian, Léger, Kandinsky, est contrebalancée par des jeux de regards et de glissements de rythmes ».

Sources

Futurisme Italien

« Né en Italie autour du poète Filippo Tommaso Marinetti (Manifeste du futurisme, 1909).

Auteurs de deux manifestes en 1910, les premiers peintres du mouvement, Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Gino Severini, Luigi Russolo[1] (1885-1947), empruntent à la technique divisionniste et au cubisme pour faire interférer formes, rythmes, couleurs et lumières afin d’exprimer une « sensation dynamique », une simultanéité des états d’âme et des structures multiples du monde visible.

Un mouvement « Valet de Carreau », a existé en Russie (appelé également Cubo-Futurisme) dans les années 1910-1917 (Vladimir Maïakovski, Kasimir Malevitch, Piotr Kontchalovski, Mikhaïl Matiouchine, Machkov, Lentoulov, Gontcharova, Kouprine, Tatline etc.).

Russolo – Dinamismo di un’automobile, 1912-13.

Oil on canvas, 104cm x 140cm. Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.

BRUTISME : Russolo et Pratella, à travers une théorisation de la notion de bruit, vont faire l’apologie du son.

Cette nouvelle approche du phénomène sonore fait son apparition dans L’Art des bruits (L’arte dei Rumori), manifeste contenu dans une lettre que Russolo adresse à Pratella en 1913. Cette analyse du bruit va être reprise par les Dadaïstes mais avec un point de vue différent : pas de notion d’agressivité ; puis ensuite au sein de la musique contemporaine par Edgar Varèse, Pierre Schaeffer et beaucoup d’autres créateurs, et enfin réintroduite dans la musique industrielle au début des années 1980 par Vivenza.

Russolo – Intonarumori (Joueur de bruits – Machine à bruits) – 1913

S’agissant des rapports entre futurisme et fascisme, l’historien italien Enrico Crispolti, met en garde contre la vision simpliste encore très répandue qui consiste à réduire cette avant-garde au mouvement mussolinien. Cette vision réductrice est contredite par la chronologie puisque la plupart des grandes œuvres associées au mouvement futuriste sont créées entre 1909 et l’entrée en guerre de l’Italie en 1915, soit bien avant la naissance du fascisme. Comme l’a souligné Alfred Barr, le fondateur du MOMA, dès 1949, la position artistique la plus représentative du mouvement mussolinien dans les années 1920 est le Novecento.

Aujourd’hui encore quelques artistes se réclament du Futurisme comme Enzo Benedetto qui publia le manifeste Futurismo-oggi en 1967, Antonio Fiore en Italie, qui proposent de passer à la troisième étape artistique du mouvement : la première était la vitesse, la deuxième la course au ciel, la troisième sera la course à l’espace. »

Giacomo Balla – Dynamisme d’un chien en laisse – 1912

Balla crée l’illusion du mouvement en dessinant une série de minuscules diagonales rayonnantes

Giacomo Balla, Fillette courant sur un balcon, 125×125 cm, 1912, Milan, Galerie d’Art Moderne.

Giacomo Balla, Le Réverbère, 1909 – MOMA, New York

Giacomo Balla, Le Réverbère, 1909 – MOMA, New YorkLine of Speed , 1913

Giacomo Balla, Vertige de la vie (Vertigo of life), 1929

FUTURISME ET ART VIDEO

C’est au début des années trente qu’apparaissent les premiers liens entre l’art et la production électronique d’images.

Filippo Tommaso Marinetti, fondateur, théoricien et principal animateur du futurisrne italien publia vers le milieu de l’année 1931 un manifeste intitulé Il teatro futurista aeroradiotelevisivo, où il évoquait pour la première fois l’utilisation d’écrans de télévision dans le contexte de son teatro totale.

Ce texte s’inspire en fait d’un autre manifeste écrit douze ans auparavant par Fedele Azari, et dans lequel il est question d’un théâtre expressionniste utilisant des avions; Marinetti adapte le manifeste d’Azari aux progrès technologiques de son époque, et le complète par des propositions pratiques.

Dans sa nouvelle version du manifeste d’Azari, Marinetti intègre toutes les découvertes techniques des années vingt applicables à un théâtre volant, en particulier la nouvelle technique des haut-parleurs ainsi que celle des « écrans pour la télévision ».

Il est probable qu’il ait été stimulé par les articles commentant la présentation, par John Logie Baird, en 1930, à la « Scala » de Berlin, d’un écran de télévision de 60 x 180 cm, équipé de 21000 ampoules électriques. Malgré l’utilisation du mot « écran », emprunté au cinéma, Marinetti a d’emblée saisi tous les avantages de la télévision, puisqu’il veut s’en servir pour « montrer à tous les spectateurs… Ia partie la moins visible de la représentation volante ». La simultanéité de la transmission permet de réaliser un collage d’images dans l’espace, sur des écrans, qui eux-mêmes produisent de la lumière, et sont donc plus, praticables que des films projetés. En outre, ces écrans sont également, en principe, mobiles pendant la représentation, dès lors que l’image n’est pas transmise par un câble, mais par une antenne.

Deux ans plus tard, Marinetti publie le manifeste La Radia, véritable théorie futuriste des médias. Le titre du manifeste renvoie à la radio, qui représente ici l’ensemble des médias basés sur le principe de l’émission: en italien, le mot radiare signifie en gros « rayonner dans toutes les directions ». Dans ce texte, Marinetti formule les perspectives de sa stratégie en matière de médias dans le pur esprit du théâtre total futuriste:

« En attendant l’invention du télé-toucher, du télé-odorat et du télé-goût, nous autres futuristes perfectionnons la radiophonie, appelée à centupler le génie créatif de la race italienne, à abolir le débat ennuyeux sur la distance et à imposer partout la parole libérée comme étant sa forme d’expression logique et naturelle. »(note 1)

S’ajoutent à ces phrases, juste après le titre La Radia, des définitions exactes de l’importance des technologies médiatiques. Elles vont entre autres remplacer le cinéma, supprimer le temps et l’espace et donc la notion de public, puisque ce dernier sera lui-même actif au cours de la représentation théâtrale, par exemple en la commentant ou en intervenant directement sur elle.

L’enthousiasme de Marinetti pour la télévision s’explique à partir de sa conception d’une culture et d’un art en permanence à la pointe de la technologie de leur époque, conception qui va même jusqu’à faire de cette adéquation à son temps le contenu de l’art futuriste. Marinetti était fasciné par la télévision au même titre que par n’importe quelle nouveauté technique, comme le char, I’avion à réaction, etc.

Mais en plus, il a clairement entrevu les énormes possibilités que la télévision, comme moyen audiovisuel, allait créer dans l’évolution et la transformation de la situation, de l’art en général. Avec la télévision, Marinetti fêtait joyeusement sa vision d’une société entièrement technologisée, jusque dans le fonctionnement même du corps et des sens de l’homme. (Note 2)

Pourtant, à la même époque, et en se référant également à la radio, Bertold Brecht formulait un certain nombre de critiques à l’encontre des moyens audiovisuels, dénonçant leur côté mécanique, leur homogénéisation et leur mise sous tutelle du public. Pendant quinze ans, ces deux conceptions n’allaient pas connaître d’évolution particulière.

Notes:

1 F.T. Marinetti, La Radia. Manifesto futurista, Caruso, op. cit., n° 256. Le lien entre la radio et la télévision était plus étroit qu’il n’y paraît aujourd’hui, car dès les années vingt s’est développée une technologie télévisuelle sur la base de la radio et, en partie, parallèlement à elle. (Voir Wilhelm Keller, 100 Jabre Fernsehen, Berlin, 1983, p. 3-47, et Albert Abramson, llo Jabre Fernschen, dans: « Decker, Weibel », op. cit., p. I46-207, notamment p.l58, sq.)

2 Le fait que ces technologies aient été essentielles dans ses représentations d’un État autoritaire dirigé par des « aristocrates » (I’Artecrazia, par rapport à l’État des philosophes de Platon) relève de l’évidence. Mais il convient par contre de préciser, au regard de la façon dont le futurisme est encore perçu aujourd’hui, que les idées de Marinetti se distinguent nettement de celles des nazis en matière d’utilisation des technologies médiatiques à des fins de pure propagande d’une politique expansionniste et raciste.