Jean Dupuy

Artiste Français Né en 1925 à Mougins et mort le 4 avril 2021 à Nice.

Après une période picturale parisienne, celle de l’Abstraction lyrique de la fin des années cinquante et du début des années soixante, Jean Dupuy quitte la France en 1967, abandonnant derrière lui une œuvre qui ne le satisfait pas. Il trouvera alors à New York le dynamisme d’une scène artistique et des possibilités créatrices nouvelles.
En 1968, un concours lancé par E.A.T. (Experiment in Art & Technology), lui donne l’occasion de réaliser Heart Beats Dust (« Le cœur bat la poussière » ou Cône pyramide), œuvre qui fait appel à la participation du public. Les pulsations cardiaques d’un observateur sont captées et amplifiées par un stéthoscope électronique. L’observateur entend les battements de son c’ur et simultanément les voit agir sur une membrane qui propulse, dans un faisceau lumineux, en forme de cône à base pyramidale, un nuage de pigment organique rouge (Lithol Rubine : densité 1,56), le tout étant enfermé dans un caisson vitré. Ainsi la machine, sculpture de poussière, remplit deux fonctions (sans observateur, Heart Beats Dust est un objet inerte).

En 1970, la Cummins Engine Company qui fabrique des moteurs diesel, commande à Jean Dupuy une œuvre, au titre du mécénat d’entreprise. Jean Dupuy propose de rendre visibles les quatre éléments : fire, earth, water, air, contenus dans un moteur. La grande difficulté pour Cummins, a été de montrer la combustion (feu). Jean Dupuy, lui, ne s’intéressait qu’aux résidus polluants de celle-ci, représentant à ses yeux l’élément ?terre’, vus dans une boule en pyrex reliée au pot d’échappement. Présentée dans l’exposition historique Art & Technology au Los Angeles County Museum of Art, Fewafuel fait scandale par la double dénonciation que l’œuvre opère de la pollution industrielle et de la guerre au Vietnam dans laquelle l’entreprise mécène se trouve engagée.

En 1979, il réalise, Lazy Suzan : suspendue à deux échelles, une roue mobile montée sur un roulement à billes (un lazy Suzan aux Etats-Unis) est bloquée avec un cadenas. On ne peut plus la faire tourner, mais comme l’explique un texte anagrammatique rédigé par l’artiste, Lazy Suzan tourne encore puisqu’elle suit ?paresseusement? la rotation de la terre. Ainsi Lazy Suzan est une œuvre qui signale la parenté d’esprit de Jean Dupuy avec George Maciunas, Jackson Mac Low, George Brecht, Robert Filliou…

Une de ces œuvres résume les recherches de l’artiste dans le domaine de l’objet multimédia : Aero Air, 1983-1997, se présente comme Cône pyramide, dans un caisson (hauteur 180 cm) percé d’un minuscule trou à travers lequel on voit des particules de poussière passer telles des étoiles filantes. Cet objet est aussi un instrument de musique : six électrophones automatiques entraînent six trente-trois tours sans enregistrement. La poussière attirée dans les sillons muets des disques produit la matière sonore au passage des diamants, matière sonore imprévisible. C’est un instrument de musique autonome. Les multiples bruits possibles ont été exploités par Jean Dupuy dans ce type d’œuvres.

En 1984, Jean Dupuy quitte New York, s’installe à Pierrefeu près de Nice pour écrire des livres dont tous les textes en couleur sont anagrammatiques. La plupart de ses œuvres sont accompagnées de ces équations de lettres, les contraintes liées à cette forme d’écriture le conduisant à découvrir un domaine musical inattendu.
Enfin, les trente-six toiles sérigraphiques produites entre 1989 et 1992 et données par l’éditeur Fluxus italien Francesco Conz, ont été rassemblées dans un catalogue conçu par Jean Dupuy en 1998. Cet ouvrage constitue un corpus essentiel pour la compréhension des techniques créatrices et de la pensée originale d’un artiste ouvert à tous les miraculeux coups du hasard, qu’il provoque à l’envi.

Ci dessous la création de Jean Dupuy lors de la F.I.A.C de Paris dans le « Hors les murs » au Jardin des Tuileries.

Where de Jean Dupuy (photos Alexandre Entremont)

Deux oeuvres monumentales « HERE » et « WHERE » se répondent à deux endroits du jardin.
 » La typographie constituée de flèches multidirectionnelles, transposée ici en trois dimensions, se dessine en négatif dans le paysage et constitue pour le promeneur autant un point de repère (« ici ») qu’une perte d’orientation (« où ? »). Ces lettres, découpées au laser, hautes de plus de 3 mètres, contrastent avec le travail d’écriture plus confidentiel de Dupuy. »
Ces flèches de métal partent dans des sens contradictoires comme pour brouiller les pistes. Leurs ombres au sol participent à ce jeu. Pourtant ces flèches dessinent, en lacunes, des lettres et forment des mots. Voilà peut-être une clef supplémentaire pour aborder l’oeuvre de Jean Dupuy : appréhender ce qui se passe entre les oeuvres, entre les lignes, dans une sorte de lecture symptômale.

Livres

Where, Ed Loevenbruck 2013