Michel Journiac

7 octobre 1935 / 15 octobre 1995

Artiste Français plasticien, emblème de l’art corporel en France. Le motif essentiel de sa production artistique est la perte d’un de ses frères, traumatisme qui le poussera vers ses recherches quelque peu particulières. Il a eu accès a une formation très polyvalente, en effet il a étudié la théologie a l’institut catholique, se tournant vers une vocation de prêtre pour ensuite l’abandonner et se tourner vers des études d’esthétiques et de philosophie a le Sorbonne. Tous ces thèmes sont très varié mais au final se relis et se contredisent. On peut trouver l’argent, l’art, l’autre et la famille comme thème récurrent mais aussi l’identité, la mort, l’objet, le sacré, le sang et la société.
Ses performances nous montrent les rapports du corps avec la société ainsi que la façon dont le corps ressent la souffrance, le désir ou le plaisir. Il utilise plusieurs médiums : son corps, son sang, divers objets, des vêtements et utilise aussi la photographie.
Son rapport avec le corps est assez particulier, pour le corps est comme une viande consciente socialisée, il s’en sert pour retrouver la vérité de l’homme : l’action. Le travail de Journiac permet au corps de passer d’un état passif rendu obligatoire par société de consommation, à l’état actif, se corps attend de l’artiste, qui dérange quelques fois, oblige les spectateurs à ouvrir les yeux et fait éclater les obligations dans lesquelles la société nous enferme.

Apres avoir travaillé avec la peinture, l’artiste se consacre entièrement vers la performance. Son point caractéristique est qu’il fait participer le spectateur il le met même au centre de l’échange. Dans Piège pour un voyeur, l’artiste propose au spectateur de devenir participant, en se plaçant nu au milieu d’une cage et des regards voyeurs des autres spectateurs. En effet, il a construit une cage avec des tubes fluorescents dans lequel un homme nu était visible. Il dévisageait les spectateurs habillés, le voyeur devenait autant l’homme nu que le spectateur.

Dans Messe pour un corps, il se travestit en prêtre qui dit une messe latin. A la fin il propose une hostie peut commun, il fait à base de boudin cuisiné avec son propre sang. Il représente ici l’archétype de la création : « Prenez de mon sang il est livré ici pour vous » ; l’homme se nourrit de lui-même.

Sa relation avec le corps est très complexe, il nous explique que « le corps c’est ce qui surgit et qui nous pose en permanence la question que l’on ne peut pas détruire. Les idées peuvent évoluer, se transformer, en peut utiliser, tous les sophismes possible et imaginable pour s’en tirer, mais devant quelqu’un que l’on désire ou devant la mort, le cadavre, les idéologies craquent. C’est là que la création a son rôle joué en assumant cette tentative d’approche du corps. Le corps étant la question, le fait sociologique, le moyen et l’objet, l’élément intermédiaire puisqu’on ne rencontre pas de corps séparait des objets. Il n’y a pas de corps existant de façon absolue, il est lié a toute une série de contexte, d’objets, de vêtements à partir de là je pense toute la question de mon travail. »
Son œuvre qui empreinte différents mediums, comme dit précédemment mets en scène un art de révolte contre les normes imposé et les conventions morales et religieuses en jouant avec son corps. Par la voie de la transgression, l’artiste dénonce les hypocrisies et les non-dits, et ainsi libère à la fois la parole, les objets et les images, grâce à son corps, d’une morale aveugle et sourde.

Du vêtement qui cache au travestissement qui révèle : Journiac met le vêtement à une place centrale dans ses œuvres. Pour lui la parure s’inscrit dans un vaste jeu symbolique et exprime une manière d’être en rapport avec l’autre, avec la société. La mise en valeur du corps propre fonde le corps au pluriel considérant que l’habillement, dans Hommage à Freud, n’est pas simple reflet de l’identité, il se joue de l’incertitude concernant l’apparence, par les biais du travestissement. Journiac ici demande à ses parents de posé pour lui, puis il l’empreinte leurs vêtements, se maquille pour leur ressembler trait pour trait, se prend en photo et confronte les deux clichés. En plus de remettre en cause l’image parentale, il pose la question des membres constitutifs de l’apparence et de sa perception. Le travestissement lui permet de transgresser les codes moraux et sociaux. Une de ses œuvres qui suit ce mouvement est Piège pour un travesti.

L’artiste incarne dans cette œuvre le rôle de l’actrice icone type américaine. On retrouve son gout pour la théâtralisation pour le travestissement et la redéfinition des identités sexuelles.

Michel Journiac, 24 heures de la vie d’une femme ordinaire (novembre 1974)

On retrouve l’usage du travestissement dans l’action 24 heures dans la vie d’une femme ordinaire réalisée en 1974. Dans cette action, Journiac met en scène son propre corps en se travestissant en femme pour en jouer le rôle stéréotyper, dénonçant le quotidien et les rituels de la condition féminine, en expérimenta lui même certains de ces événements : « Je n’avais pas la prétention en m’habillant en femme pendant 24 heures de mettre à nu toute la complexité de la condition féminine. Je voulais plutôt illustrer un certain nombre de situations, les expérimenter avec mon propre corps, amener le public à se poser des questions, montrer aux femmes combien elles sont piégées et aux hommes, ce qu’ils peuvent faire d’une femme. »
La totalité de l’œuvre a produit une quarantaine de photos reprenant toutes les actions de la performance. L’artiste classe en 3 catégories les actions qu’il reproduit : les gestes du quotidien, dont les plus représentés dans son œuvre sont la vaisselle, la lessive, le raccord et le retour du mari, le rêve avec l’amant, et les fantasmes dont il représente l’enlèvement, la maternité et la cover-girl. On voit que l’artiste met en scène les fantasmes les plus contradictoires possibles qu’il théâtralise pour mieux dénoncer le quotidien des femmes et de milliers de personnes à travers le monde, et donc aussi la société qui impose ce quotidien et ses images stéréotypés de la condition féminine. La mise en scène des fantasmes de la femme dénonce le manque d’acceptation par la société des personnes considérer comme ne se situant pas dans les profils classiques hommes et femmes, comme les homosexuels, les lesbiennes et les transgenres, parlant de la nécessité de redéfinir les identités sexuels à cette époque, de la liberté de la différence, montre une volonté de sortir d’un système patriarcale. Cette oeuvre s’inscrit dans la démarche de l’artiste de s’interroger sur le rôle attribué au corps dans la société.

Conclusion
Critiquant les vices, Michel Journiac use de procédés et de mediums laissant certains d’entre nous perplexe. Touchant le spectateur au plus profond de lui-même, le dérangeant parfois, il arrive tout de même à nous toucher et nous faire réfléchir. Reprenant les thermes freudiens, comme par exemple l’inceste, le moi, le ça et le surmoi, il cherche à faire comprendre et à comprendre lui-même les abîmes de la psychanalyse et psychologie humaine. Et comme il le dit lui-même : « les idéologies cessent d’être critique, caresse vide, elles ne peuvent atteindre la réalité, et deviennent otage, ne laissant d’autres recours que la révolte. »

Alexie Lantenois

http://www.exporevue.com/magazine/fr/journiac_24h.html