Situationnisme

«Ne travaillez jamais» Guy Debord.

Introduction par Stéphan Barron

L’internationale situationniste anticipe dans son manifeste de 1960 des éléments de la culture techno des années 90. « Quels devront être les principaux caractères de la nouvelle culture, et d’abord en comparaison de l’art ancien ? Contre le spectacle, la culture situationniste réalisée introduit la participation totale. Contre l’art conservé, c’est une organisation du moment vécu, directement « .
Les rassemblements technos (raves), ou l’art des réseaux sont des arts de situation, d’évènement, de participation. Les  » rave  » et de nombreuses œuvres d’art technologique créent des  » situations construites « , c’est-à-dire des  » moments de la vie, concrètement et délibérément construits par l’organisation collective d’une ambiance unitaire et d’un jeu d’évènements  » .
« Contre l’art parcellaire, elle (la nouvelle culture) sera une pratique globale portant à la fois sur tous les éléments employables. Elle tend naturellement à une production collective et sans doute anonyme (au moins dans la mesure où les œuvres n’étant pas stockées en marchandises, cette culture ne sera pas dominée par le besoin de laisser des traces)  » .

Les artistes technologiques mêlent toutes les techniques, l’art technologique est un art multimédia, pas seulement au sens du multimédia (cédérom et réseaux), mais au sens du mélange des techniques et des technologies.

Certaines formes d’art des réseaux appellent à une participation anonyme du spectateur, les musiques technos sont des musiques de la citation et sont dans une certaine mesure un art collectif et planétaire. « Ses expériences se proposent au minimum une révolution du comportement et un urbanisme unitaire dynamique, susceptible de s’étendre sur la planète entière, et d’être ensuite répandu sur toutes les planètes habitables. Contre l’art unilatéral, la culture situationniste sera un art du dialogue, un art de l’interaction. Les artistes – avec toute la culture visible – en sont venus à être entièrement séparés de la société, comme ils sont séparés entre eux par la concurrence. Mais avant même cette impasse du capitalisme, l’art était essentiellement unilatéral, sans réponse. Il dépassera cette ère close de son primitivisme pour une communication complète « .

L’art situationniste est un art de communication, d’interaction, il préfigure dans ses intentions l’art technologique. « Tout le monde devenant artiste à un stade supérieur, c’est-à-dire inséparablement producteur-consommateur d’une création culturelle totale, on assistera à la dissolution rapide du critère linéaire de nouveauté. Tout le monde étant, pour ainsi dire, situationniste, on assistera à une inflation multidimensionnelle de tendances, d’expériences, d' » écoles  » radicalement différentes, et ceci non plus successivement mais simultanément « .

Son utopie romantique est que chaque individu devienne artiste, que chacun perde les spécialités qui amputent l’homme de la modernité des potentialités multiples de l’être.

L’industrie souhaite transformer les individus en petits rouages spécialisés d’une gigantesque machine. Nous devons résister en refusant toute spécialisation pour nous et pour les autres. Il nous faut enseigner la globalité. La pédagogie de la spécialisation à outrance, de la compartimentation des savoirs telle qu’elle est enseignée à l’université, doit laisser la place à des espaces pédagogiques ouverts où les compétences et les informations se croisent autour des projets des individus.

Le véritable enseignement est de révéler chacun à lui-même, et de donner des éléments de construction d’un savoir hétérogène et complexe.  » Nous inaugurons maintenant ce qui sera, historiquement, le dernier des métiers. Le rôle de situationniste, d’amateur-professionnel, d’anti-spécialiste est encore une spécialisation jusqu’au moment d’abondance économique et mentale où tout le monde deviendra  » artiste « , à un sens que les artistes n’ont pas atteint : la construction de leur propre vie. Cependant, le dernier métier de l’histoire est si proche de la société sans division permanente du travail, qu’on lui nie généralement, alors qu’il fait son apparition dans l’I.S. (Internationale Situationniste), la qualité de métier  » .

Michel Onfray souligne que les situationnistes voulaient faire passer les individus du rôle de spectateur, au rôle de  » viveurs « .  » Le désir devient le moteur de l’action et il génère une interactivité, une dynamique animant le réel d’un flux poétique. Sculpteurs d’opportunités donc ou modeleurs des formes prises par les relations entre les individualités  » .

http://www.larevuedesressources.org/internationale-situationniste-integrale-des-12-numeros-de-la-revue-parus-entre-1958-et,2548.html Manifeste et autres documents Situationnistes]]

Définition du situationnisme par les situationnistes :

« Vocable privé de sens, abusivement forgé par dérivation du terme précédent. Il n’y a pas de situationnisme, ce qui signifierait une doctrine d’interprétation des faits existants. La notion de situationnisme est évidemment conçue par les anti-situationnistes. »

(Internationale Situationniste)

Introduction

L’Internationale Situationniste (IS) était une organisation révolutionnaire dans les années 50. Elle exista entre 1957 et 1972. Elle est née en 1957 lors de la Conférence de Cosio di Arroscia qui réunissait Guy Debord, Giuseppe Pinot-Gallizio, Asger Jorn et Piero Simondo. C’était un regroupement de plusieurs avant garde dont l’International Lettriste,le Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste, le Comité psychogéographique de Londres. Ils sont également les héritiers de mouvements comme Dada ou les surréalistes qu’ils voulaient dépasser.

«Nous pensons d’abord qu’il faut changer le monde. Nous voulons le changement le plus libérateur de la société et de la vie ou nous nous trouvons enfermés. Nous savons que ce changement est possible par des actions appropriées.»

C’est par ces mots prononcés par Guy Debord lors de cette conférence, qu’a été fondée l? Internationale Situationniste.
De 1958 à 1969 l’Internationale situationniste publie 12 numéros d’une revue portant le même nom ou elle développe ses théories et ses expériences. Son point de vue théorique est surtout donné dans deux livres datant tous deux de 1967:

La société du spectacle de Guy Debord et Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations//, de Raoul Vaneigem.
Le point de départ de la pensée situationniste est une critique impitoyable et globale de la moderne société occidentale; de là, l’élimination du malheur historique enraciné même dans les milieux culturels au travers de:
– Marxisme
– Communisme

– tout outil de bouleversement de la vie quotidienne allant vers une réappropriation du réel.

I-La société du spectacle

Les situationnistes au travers de Guy Debord et de son livre

La société du spectacle, publié en 1967, décrivent la société moderne comme une société spectaculaire et marchande. C’est a dire une société de division, de mise à distance. Ce constat vaut pour les relations entre les individus, constamment séparés dans une absence de communication véritable; pour le travail aliénant (on retrouve les théories marxistes sur la division du travail); pour les loisirs ou l’urbanisme qui sépare. Le spectacle a son apogée dans la propagande politique, dans la médiatisation, mais aussi les relation de représentation en général. Ils veulent d’ailleurs abolir toute forme de représentation. La société spectaculaire place la marchandise au centre et divise les êtres pour mieux régner. Le spectacle est présent partout, tant en politique qu’en art ou autre et transforme les relations humaines en relations marchandes. Debord critique donc tout ce qui est séparé de la vie au sens quotidien du terme. Il propose une société basée sur l’autogestion, égalitaire, ou les activités humaines quel qu’elles soient ne seraient pas séparées de la vie quotidienne que les situationniste veulent révolutionner.

«Le spectacle, écrit-il, est le moment ou la marchandise est parvenue à l’occupation totale de la vie sociale. Non seulement le rapport à la marchandise est visible, mais on ne voit plus que lui, le monde que l’on voit est son monde.»

De cet essai politique, Debord réalise, en 1973, une adaptation cinématographique du même titre.
L’ouvrage décortique le processus d’individualisation dans la société, en dénoncant comment cette société libérale-marchande produit depuis les années 50 le sujet-consommateur en tant qu’être séparé de ses véritables désirs (en cela, grande influence de Marx et Hegel). Cette aliénation est rendue possible au travers de plusieurs industries socio-culturelles dont le cinéma: celui-ci est, pour citer directement Debord, « l’art central de notre société: (…) la meilleure représentation d’une époque. Le retard de l’apparition des symptômes modernes de l’art dans le cinéma (…) découle non seulement de ses chaînes directement économiques où fondées d’idéalisme (censure morale), mais de l’importance positive de l’art cinématographique dans la société moderne. »
Or, nous pouvons reléver, à ce propos, une possible contradiction ou bien ambiguïté: le cinéma vu en tant qu’expression de la société du spectacle (forme de propagande contre et pre-situationniste) et aussi le moyen d’expression de contenus situationnistes (propagande situationniste’). La critique du dispositif passe alors par le dispositif lui-même, qui en permet l’expression.

 

II-L’Art et la Vie

Les situationnistes veulent abolir le spectacle comme rapport social au profit de l’instant vécu.
L’art contemplatif doit être abolit, tout comme le travail aliénant. C’est pourquoi il y eut une scission entre les situationnistes et des artistes comme Asger Jorn et Constant qui continuaient à créer pour révolutionner l’art et pas pour travailler à sa disparition. Ils sont pour une réunification de toute les activités humaines. L’accomplissement de l’individu et sa réalisation sont indissociables de sa participation. Le «spectateur» doit devenir «viveur».

Ils souhaitent dépasser l’art conventionnel, l’art des musées, même celui des avant-gardes qu’ils jugent séparés de la vie humaine. De manière plus générale, le projet situationniste aspire à ce que toutes les activités humaines prennent une forme poétique : celle de la libre création de situations par les individus.
Définition d’une situation construite :

« Moment de la vie, concrètement et délibérément construit par l’organisation collective d’une ambiance unitaire et d’un jeu d’événements. »

(Internationale Situationniste)
Ainsi, leur projet consiste à ce que la vie soit une suite ininterrompue de situations, construites par tous, au quotidien, de manière poétique. La vie devient de la «poésie vécue». «La poésie doit être faite par tous», cette phrase de Lautreamont décrit bien l’objectif des situationnistes.
Ils expérimentent à partir de 1953 la dérive, «technique de passage hâtif à travers des ambiances variées», qui permet l’exploration psychogéographique d’une ville, c’est à dire qu’au cours d’une errance, ils observent le rapport entre les différents quartiers, ambiances et le comportement des individus. Leurs actions étaient souvent basées sur des expériences psychogéographique.

«Psychogéographie: Etude des effets précis du milieu géographique, consciement aménagé ou non, agissant directement sur le comportement affectif des individus.»

(IS)
Ils pratiquent aussi régulièrement le détournement avec une ironie mordante dont ils usent et abusent depuis le début de leur rencontre. Le détournement consiste à reprendre des élément de la culture établie pour les tourner en dérision et ainsi les critiquer et d’une certaine manière, participer à leur destruction.
On peut voir que les situationnistes étaient préoccupés par la vie en ville ( ils vivaient pour la plupart à Paris). Ils refusent le coté fonctionnel de créations d’architectes comme Le Corbusier pour préférer un coté plus poétique. Ils avaient des projets quant a l’urbanisme et Debord et Constant élaborent un projet d? «urbanisme unitaire» qui incluraient l’ambiance et le coté psychologique de l’habitant qui serait invité à créer lui même son environnement.

«L’architecture est le dernier point de réalisation de toute tentative artistique parce que créer une architecture signifie créer une ambiance et fixer un mode de vie.»

Asger Jorn, 1954

Principaux membres de l’Internationale Situationniste

[http://fr.wikipedia.org/wiki/Mich%C3%A8le_Bernstein Michèle Bernstein]
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Guy_Debord Guy Debord]
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Asger_Jorn Asger Jorn]
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Mustapha_Khayati Mustapha Khayati]
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Attila_Kotanyi Attila Kotanyi]
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Riesel René Riesel]
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Raoul_Vaneigem Raoul Vaneigem]
[http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_Vi%C3%A9net René Viénet]
Constant

Bibliographie

 »L’internationale Situationniste »

 »Rapport sur la construction de situations », Guy Debord

 »Traité de savoir vivre à l’usage des jeunes générations », Raoul Vaneigem

 »La société du spectacle », Guy Debord

 »Les situationnistes », Laurent Chollet

« Dialectique des Lumières »

« Eclipse de la raison »

Liens

http://www.ubu.com/film/debord.html Films de Guy Debordhttp://karaart.com/art.critic/art-contemporain/SITUATIONNISTE.html Article concernant l’internationale Situationniste

http://www.larevuedesressources.org/spip.php’article38 Article à propos de la dérive