Marcel Duchamp

Marcel Duchamp est à l’origine de l’art contemporain et en particulier des arts conceptuels, il est le précurseur et l’inspirateur des avant-gardes contemporaines.

L’artiste français d’origine Henri Robert Marcel Duchamp naît le 28 juillet 1887 à Blainville-Crevon. Il décède le 2 octobre 1968 à Neuilly-sur-Seine. Marcel Duchamp est un peintre, plasticien, homme de lettres français, naturalisé américain en 1955.

« Tout l’effort de l’avenir sera d’inventer le silence, la lenteur et la solitude.»

Marcel Duchamp.


Marcel Duchamp rejoint ses frères à Paris en 1904 et suit les cours de l’Académie Julian. Mais son véritable apprentissage de la peinture se fait auprès de ses frères et de leurs amis, réunis sous le nom de Groupe de Puteaux, principalement des artistes d’inspiration cubiste comme Fernand Léger ou Robert Delaunay.

Le Nu descendant l’escalier

Toutefois, très vite sa peinture s’éloigne de la problématique spatiale des cubistes et s’attache à la décomposition du mouvement, ce qui le rapproche des Futuristes italiens. L’une de ces toiles, Le Nu descendant un escalier, le fait connaître à la grande exposition américaine de l’Armory Show, en 1913. Ce nu provoque également hilarité et scandale durant l’exposition. La notoriété de Duchamp aux USA est instantanée.


«Il n’y a pas de solution parce qu’il n’y a pas de problème».

Marcel Duchamp.

En 1915 il se rend aux États-Unis où il retrouve son ami Francis Picabia. Il y rencontre Man Ray. À cette époque, Marcel Duchamp élabore ses œuvres les plus connues, comme le Grand Verre ou les Ready-Mades comme la Fontaine, mais se consacre de plus en plus aux échecs, qui deviendront, au milieu des années 20, sa principale activité.

C’est à travers le Surréalisme qu’il renoue avec l’art en organisant de nombreux événements en collaboration avec André Breton. Duchamp traverse le cubisme, DADA, le Futurisme, le Surréalisme, en restant indépendant de ces mouvements…

Dans les années 50, une nouvelle génération d’artistes américains qui se qualifient de néo-dadaïstes, tels Jasper Johns et Robert Rauschenberg, le reconnaît comme un précurseur. Chacune de ses oeuvres peut être analysée comme fondatrice d’un mouvement de l’art contemporain. Par sa démarche singulière, il invente véritablement l’art contemporain.

En 1953 le magazine Life lui consacre un article. C’est le début de la célébrité.

Le Ready-Made, inversion du regard

Il s’écarte de la peinture, vers 1913-1915, avec les premiers Ready-made, objets « tout faits » qu’il choisit pour leur neutralité esthétique : Roue de bicyclette (1913), Porte bouteilles (1914), Fontaine (1917), un urinoir renversé sur lequel il appose la signature « R. Mutt ».

La roue de bicyclette (1913). Duchamp pose une roue de bicyclette sur un tabouret mêlant la mobilité et l’immobilité. Pour lui la roue lui rappelle « le mouvement du feu dans la cheminée ». C’est pour lui un antidote au mouvement habituel de l’individu autour de l’objet contemplé. Cela débouchera vers la participation du spectateur et l’art optique.

La Fontaine soumis au salon des indépendants de New York (qui se targue pourtant d’accepter toutes les oeuvres) est refusé par les organisateurs de l’Armory Show. Il a pris un article ordinaire de la vie la plus prosaïque qui soit et l’a placé de manière à ce que sa signification d’usage disparaisse sous le nouveau titre et le nouveau point de vue.

La Fontaine de Marcel Duchamp est une des œuvres les plus controversée du XXe siècle. Elle constitue d’un simple urinoir en porcelaine renversé signé « R. Mutt » et daté 1917. Duchamp a eu l’idée d’utilisé un « objet tout fait » industriel, acheté a la société J. L. Mott Iron Works , plutôt que réaliser une sculpture fait mains, sur lequel il a seulement rajouté l’inscription « R. Mutt » a l’encre noire.
L’objet est alors envoyé a la Société des artistes indépendants de New York sous le nom de R.Mutt, il sera refusé car jugée trop vulgaire , sans intérêt artistique.
Alors directeur de cette société, Duchamp démissionne, sans cependant dévoiler ses liens avec l’oeuvre.
A ce moment la, la question était de savoir si R. Mutt était « sincère » ou si quelqu’un a agi par provocation en utilisant un nom de plaisantin pour faire une blague. La polémique se déclenche principalement avec la publication d’un article anonyme paru dans la revue satirique « The Blind Man », fondée à l’occasion du salon par Duchamp, Henri-Pierre Roché et Beatrice Wood . En défense de R. Mutt, il est écrit : « Les seules oeuvres d’art que l’Amérique ait données sont ses tuyauteries et ses ponts ». L’article consiste à dire que l’important n’est pas que Mutt ait fait la fontaine avec ses mains ou non, mais qu’il ait choisi un objet de la vie quotidienne en lui retirant sa valeur d’usage avec un nouveau titre et un nouveau point de vue et la création consiste en une nouvelle pensée de l’objet.
La Fontaine de Duchamp constitue donc une œuvre fondatrice d’un art nouveau, ne jugeant plus la maîtrise technique, mais plutôt une philosophie liée à la nature même de la production et son rapport à la société. Cette pensée se retrouvera par la suite dans une majorité d’œuvres contemporaines, marquant un tournant dans l’histoire de l’art.

Il est le geste fondateur de l’ Art Contemporain : l’artiste présentera l’objet (nouveau réalisme), puis la machine Arts Techno, la nature (Land Art), les problématiques écologiques qui sont à la fois techno-scientifiques, sociétales et politiques EcoArt.

Fontaine de Marcel Duchamp, 1917,
Photographie par Alfred Stieglitz

Le geste du Ready-Made de Duchamp est un geste écologique qui a une double signification : tout est art, tous les hommes sont créateurs.

L’artiste devient un modèle de comportement: une éthique de la résistance à la mécanisation des individus.

Duchamp : de l’esthétique à l’éthique


Comme le dit Pierre Restany, le geste du Ready-Made fait basculer d’un seul coup l’art de l’esthétique dans l’éthique. « Voilà que se dévoile l’autre face de l’art. L’art est un problème moral lié à la conscience de celui qui l’assume en tant que tel ». Duchamp fait passer l’art de l’esthétique des objets, à un art d’attitude, faisant de l’emploi de son temps, sa plus grande oeuvre d’art. On pourrait établir entre cet art de la vie qui se poursuivra dans le mouvement Fluxus ou chez John Cage, et son esthétique de l’indifférence, des parallèles avec le zen. Pour Roberto Barbanti, le geste de Duchamp dans le ready-made marque le passage « du descriptif au prescriptif, du représenté au présenté »

Ce geste a une importance considérable pour les artistes qui suivront.

Il rompt avec l’art classique en passant de la représentation à la présentation. Ce sont des objets manufacturés sortis de leur contexte qui suggèrent une esthétique du détournement. Avant la préoccupation était la représentation de la réalité, alors que les ready-made sont une présentation de la réalité. La façon d’envisager l’acte artistique au sein de la société s’est modifiée dans les années soixantes, les différents courants sont issus des idées de Marcel Duchamp, par sa démarche singulière, il a inventé véritablement l’art contemporain.

Il est le geste fondateur de l’art contemporain : l’artiste présentera l’objet (nouveau réalisme), puis la machine (art technologique).

Mais il devient un geste académique auquel Duchamp s’est lui-même refusé.
Il est aussi à l’origine de l’Art Conceptuel, puisque l’essentiel est de déplacer La Fontaine : l’objet lui-même est «le doigt qui montre la lune».

L’essentiel est le concept de déplacer La Fontaine dans le contexte de l’art : art contextuel et art conceptuel.

Le geste du Ready-Made à l’origine de l’art écologique

Le Ready-Made est à l’origine de l’art contemporain et en particulier des arts conceptuels, mais on peut voir ce geste comme la possibilité d’un art dans la nature puis d’un art écologique :

Duchamp fait passer l’Art de la représentation à la présentation :

a – présentation de la nature (présence à la nature) : art et nature. Installation in-situ dans la nature (Land Art etc)

b – présentation des processus scientifiques (art – science) or l’écologie est une science : technoromantisme.
Déplacement de tout (et n’importe quoi aussi) dans le monde de l’art : action sociale (art sociologique), intervention écologique, eco-activisme…

Ces œuvres peuvent s’exprimer sous plusieurs formes inventées (ou rénovées) par Duchamp : installation (présentation), performance (présence).

Tout est art, tout peut faire oeuvre.

L’académisme post-duchampien dans l’art contemporain et dans l’art technologique

Mais l’art contemporain et l’art technologique s’engluent dans ce geste. Ce geste au début libérateur devient un geste d’enfermement académique. Présenter des objets ou des machines n’est plus maintenant un geste artistique, mais une référence compassée et dépassée. Que penser d’Ange Leccia qui met deux téléviseurs écran contre écran (et multiplie par vingt le prix de vente des dits téléviseurs), ou de Bertrand Lavier qui met un frigo (Brandt) sur un coffre-fort (Fichet-Bauche) ? Ces gestes se réfèrent au geste de Duchamp, mais n’en ont pas la portée visionnaire et libératrice. La même ombre du ready-made perturbe l’art technologique : présenter une machine, qu’elle soit machine de communication standardisée (télécopieur) ou un prototype élaboré dans un centre de recherche, ne peut suffire à définir de l’art. Le geste de Duchamp peut être réinterprété dans un contexte technologique : l’esthétique de la présentation de l’objet devient une esthétique de la présentation d’une fonctionnalité technologique : mise en relation de sites, temps-réel, etc… Mais le geste de Duchamp pourrait être lu aussi comme celui de la fin du sens, la fin des idées, la fin de l’esprit. Ce geste Zen appelant à la fin du brouillage dualiste de la théorie et des discours, pourrait conduire à une esthétique totalitaire. En ce sens, l’art technologique comme l’art contemporain, doivent se libérer du geste de Duchamp, ou tout au moins cesser de le pervertir.
À cette esthétique du non-sens, doit-on opposer une esthétique du sens et appeler à son retour dans l’art? Doit-on se contenter d’une esthétique purement sensorielle et perceptive?

De la présentation de l’artiste à sa présence : de l’art de l’éthique à la Performance

Duchamp créé un art d’attitude, qui redonne à l’artiste et à l’homme la prééminence sur l’objet.  » Je crois en l’artiste, l’art est un mirage, dit Duchamp, J’espère qu’un jour, on arrivera à vivre sans être obligé de travailler « . Duchamp prend position sur le rapport au temps dans notre société, sur la soumission au travail dans une société industrielle.

Immatérialité et spiritualité dans l’art.

L’art comme l’a affirmé Marcel Duchamp a une  » mission para-religieuse à remplir : maintenir la flamme d’une vision intérieure  » . Le propos de Duchamp est une invitation à une autre perception. Il met en cause la peinture rétinienne et au-delà la tyrannie du visuel. Comme le souligne Lyotard,  » L’oeil a besoin de croire, d’unifier, d’être intelligent. Il aime le point, comme son vis-à-vis dans un miroir qu’il nomme le monde  » . Duchamp cherche l’invisibilité de l »uvre d’art déjà dans le grand verre, qui est un retard, une projection de l »uvre elle-même qui se situe dans une  » quatrième dimension « .

Le Grand Verre « figure l’infigurable, il porte l’empreinte inscrite, ou l’ombre portée, sur son plan, d’une figure qui ne saurait être qu’intuitionnée » .

Contrairement aux apparences, la peinture de Caspar David Friedrich se situe dans la même logique.
Les paysages de Friedrich sont comme l’explique Catherine Lepront, « Des paysages les yeux fermés », c’est-à-dire des images mentales et symboliques, plus que des peintures de paysage.

On rejoint la Cosa Mentale Vinci. Selon lui « La pittura e cosa mentale ».

Duchamp introduit l’idée et le processus dans le champ de l’art. La pratique des échecs a sans doute influencé cette évolution. « Une partie d’échecs est une chose visuelle et plastique, et si ce n’est pas géométrique dans le sens statique du mot, c’est une mécanique puisque cela bouge… C’est l’imagination du mouvement qui fait la beauté, dans ce cas-là. C’est complètement dans la matière grise ».

Duchamp et l’art-temps

Élevage de poussière de Man Ray et Marcel Duchamp

Man Ray et Marcel Duchamp ont pratiqué l’accumulation de poussière. Marcel Duchamp laissa ainsi s’accumuler sur son œuvre le grand verre une couche de poussière suffisamment épaisse pour qu’il puisse peindre, à l’aide d’un pinceau, par élimination de couches successives. Aujourd’hui, la photographie Élevage de poussière de Man Ray donne un aperçu de cette expérience.

Ready-made : peigne en acier – 1916 
sur ce peigne sont marquées la date et l’heure à laquelle il choisi ce ready-made

Il introduit le temps comme facteur lié au hasard pour choisir ses ready-mades : Ready Made peigne en acier, 17 février 1916, 11h, l’heure était ainsi inscrite sur l’objet.

Il n’y avait pas d’émotion liée à l’objet, pas de choix de l’objet, mais un lien avec le temps . Il faut aussi souligner les élevages de poussières qui sont intimement liés au concept du temps qui s’écoule.  » Notons enfin que la chute de poussière est un motif très important dans la pensée chinoise bouddhiste (Zen) – ce qui n’a rien d’étonnant, le Bouddhisme tendant en fin de comptes à la maîtrise du temps  » .

La Mariée mise à nu par ses célibataires mêmes ou Grand Verre est qualifié par Duchamp de Retard en Verre.  » La Mariée est une projection d’un objet à quatre dimensions  » .

La notion d’espace-temps passe ainsi avec Duchamp du champ scientifique au champ artistique. Fait particulièrement important préfigurant l’art technologique qui est un art de l’espace-temps en osmose avec la science.

Le temps, la vitesse, la décomposition du mouvement sont des préoccupations majeures de Duchamp.

L’art performance, l’art conceptuel et Fluxus reprendront cette recherche plastique sur le temps et l’espace.

Décomposition du mouvement : cinéma expérimental, art vidéo…

Marcel Duchamp est préoccupé par le temps, la vitesse et la décomposition du mouvement, c’est ce que l’on retrouve dans son œuvre majeure « nu descendant un escalier » de 1912 où il décompose géométriquement les mouvements du corps et crée des instantanées (répétition du mouvement). Cette dissolution des formes et la rupture avec la représentation dans la peinture classique sont des influences pour les différents mouvements de l’art contemporain tel que le futurisme. En effet l’art contemporain s’attache à détruire de plus en plus le cadre classique dans lequel s’inscrivait jusqu’alors l’art, il s’appuie pour cela largement sur les nouvelles technologies et utilise les nouveaux moyens d’expression.

Cette fascination pour la vitesse et la décomposition des mouvements ont amené Duchamp à réaliser Anemic cinema en 1925 à l’origine du cinéma expérimental.

Duchamp est aussi à l’origine comme d’autres artistes de DADA du cinéma expérimental.

En 1926, il réalise un court-métrage expérimental intitulé Anemic Cinema, d’une durée de 7 minutes et signé Rose Sélavy, avec la complicité de Man Ray et du réalisateur Marc Allégret. Des disques en mouvement sont filmés sur lesquels sont parfois inscrits des phrases comme par exemple « L’enfant qui tète est un souffleur de chair chaude et n’aime pas le chou-fleur de serre-chaude », où l’absurde, l’humour noir et l’allitération sont de mise. Le film fut projeté en août 1926 en séance privée.

Dix séquences de disques optiques interrompues par les neuf disques de calembours suivants : Bains de gros thé pour grains de beauté sans trop de bengué (1) L’enfant qui Tète est un souffleur de chair chaude et n’aime pas le choux fleur de serre chaude (2) Si je te donne un sou, me donneras-tu une paire de ciseaux ? (3) On demande des moustiques domestiques (demi-stocks) pour la cure d’azote sur la côte d’Azur (4) Inceste ou passion de famille, à coups trop tirés (5). Esquissons les ecchymoses des esquimaux aux mots exquis (6). Avez-vous déjà mis la moelle de l?aimée dans la poêle de l’aimée ? (7). Parmi nos articles de quincaillerie paresseuse, nous recommanderons le robinet qui s’arrête de couler quand on ne l’écoute pas (8). L’aspirant habite Javel et moi j’avais l’habite en spirale (9).L’anagramme imparfait du titre annonce tout à la fois l’aspect tournoyant des disques optiques et les boucles de mots, contre pétries et blagues potaches.« Le cinéma m’a surtout amusé pour son côté optique. Au lieu de fabriquer une machine qui tourne, comme j’avais fait à New York, je me suis dit : pourquoi ne pas tourner un film ? Ça ne m’intéressait pas pour faire du cinéma en tant que tel, c’était un moyen plus pratique d’arriver à mes résultats optiques. (…) Non, je n’ai pas fait de cinéma, c’était une façon commode d’arriver à ce que je voulais.D’ailleurs ce cinéma était très drôle. On travaillait millimètre par millimètre parce qu’il n’y avait pas de machines très perfectionnées. Il y avait un petit rond, avec des millimètres marqués, nous tournions image par image. On a fait ça pendant deux semaines. Les appareils n’étaient pas capables de prendre la scène à n’importe quelle vitesse, ça se brouillait, et comme ça tournait assez vite ça faisait un effet optique curieux. On a donc été obligés d’abandonner la mécanique et de faire tout nous-mêmes. Un retour à la main, pour ainsi dire »

Duchamp entretient un rapport complice avec le cinématographe qu’il poursuit en participant au film Entr’acte.

Duchamp jouant contre Man Ray dans le film Entr’acte de René Clair et Francis Picabia. (Couper le son – film muet!)

Duchamp l’inventeur : art optique, art technologiques…


Duchamp est aussi associé aux arts technologiques par ses oeuvres entre recherche technique, recherches scientifico-poétiques (la quatrième dimension dans Le Grand Verre).

Au moment où il travaille sur les esquisses du Nu descendant l’escalier (1911-12), il découvre les expériences proto-cinématographiques d’Étienne-Jules Marey. Sa Roue de bicyclette (1913) peut également s’inscrire dans les prémices de ses travaux sur le mouvement poético-sculptural, ce Ready-made est en effet considérée comme à l’origine de l’art cinétique. La phase suivante entretient une rapport entre moteurs électriques, disques transparents ou recouverts de motifs géométriques (1920-1923), et culminera avec les Rotoreliefs, une invention dont il déposera le brevet (1935).
Il invente par ses Rotoreliefs l’ Art cinétique.

Rotative plaques verres (optique de précision)– 1920

Œuvre qui conduit au film de Duchamp Anemic Cinéma – 1925 (aux origines du Cinéma expérimental, et de l’Optical Art ou Op Art) – Ces plaques optiques font l’objet d’un dépôt de brevet…(Type de démarche technoscientifique qui se prolongeront dans le robot et le synthétiseur de Paik et dans les Arts technologiques).

Rotoreliefs – 1935
La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (Le Grand Verre) – 1915/1923
(Oeuvre intégrant la 4ème dimension i.e. l’espace et le temps) – mécanisme

Duchamp et les échecs

Duchamp arrête sa production artistique après Le Grand Verre et se consacre aux échecs.

La participation du spectateur, l’oeuvre ouverte

«Ce sont les regardeurs qui font les tableaux»
«Somme toute, l’artiste n’est pas seul à accomplir l’acte de création car le spectateur établit le contact de l’œuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et par là, ajoute sa propre contribution au processus créatif.» Marcel Duchamp

Marcel Duchamp, Erratum musical (1913)

Le principe en est simple, dit-il :
« Installez-vous face à un clavier, n’importe lequel et pressez chaque touche l’une après l’autre, au hasard (compte tenu du fait qu’aucune note ne doit être répétée), sans modulation, ni accentuation particulière ».

On trouve le descriptif d’une bande son pour Le Grand Verre (La Mariée) dans La Boîte Verte, recueil de notes publiées en 1934 et reprises dans Duchamp du signe.

Les prémices d’une musique minimale et aléatoire furent ainsi exprimés dans La Boîte Verte, livre publié en 1934, mais dont la conception remonte aux années 1912-1915. « Chaque touche de clavier du piano correspond à un numéro (de 1 à 88). Un petit papier tiré au hasard porte un numéro. Le pianiste joue la note sélectionnée ».

On peut y voir les prémices, voire l’influence qu’une telle conception de la musique a pu jouer 50 ans plus tard chez Fluxus et chez John Cage.

Erratum musical, interprété ici par Stephane Ginsburgh, se compose des 88 notes d’un clavier de piano jouées dans un ordre aléatoire, sans répétition ni accent.

Duchamp et le cinéma


Duchamp est aussi à l’origine comme d’autres artistes de DADA du cinéma expérimental.
En 1926, il réalise un court-métrage expérimental intitulé Anemic Cinema, d’une durée de 7 minutes et signé Rose Sélavy, avec la complicité de Man Ray et du réalisateur Marc Allégret. Des disques en mouvement sont filmés sur lesquels sont parfois inscrits des phrases ? comme par exemple « L’enfant qui tète est un souffleur de chair chaude et n’aime pas le chou-fleur de serre-chaude », où l’absurde, l’humour noir et l’allitération sont de mise. Le film fut projeté en août 1926 en séance privée.

Anemic cinema, court métrage réalisé avec la collaboration de Man Ray et Marc Allégret, 1926

Dix séquences de disques optiques interrompues par les neuf disques de calembours suivants : Bains de gros thé pour grains de beauté sans trop de bengué (1) L’enfant qui Tète est un souffleur de chair chaude et n’aime pas le choux ? fleur de serre chaude (2) Si je te donne un sou, me donneras-tu une paire de ciseaux ? (3) On demande des moustiques domestiques (demi-stocks) pour la cure d’azote sur la côte d’Azur (4) Inceste ou passion de famille, à coups trop tirés (5). Esquissons les ecchymoses des esquimaux aux mots exquis (6). Avez-vous déjà mis la moelle de l’aimée dans la poêle de l’aimée ? (7). Parmi nos articles de quincaillerie paresseuse, nous recommanderons le robinet qui s’arrête de couler quand on ne l’écoute pas (8). L’aspirant habite Javel et moi j’avais l’habite en spirale (9).
L’anagramme imparfait du titre annonce tout à la fois l’aspect tournoyant des disques optiques et les boucles de mots, contre pétries et blagues potaches.

« Le cinéma m’a surtout amusé pour son côté optique. Au lieu de fabriquer une machine qui tourne, comme j’avais fait à New York, je me suis dit : pourquoi ne pas tourner un film ? Ça ne m’intéressait pas pour faire du cinéma en tant que tel, c’était un moyen plus pratique d’arriver à mes résultats optiques. (…) Non, je n’ai pas fait de cinéma, c’était une façon commode d’arriver à ce que je voulais.
D’ailleurs ce cinéma était très drôle. On travaillait millimètre par millimètre parce qu’il n’y avait pas de machines très perfectionnées. Il y avait un petit rond, avec des millimètres marqués, nous tournions image par image. On a fait ça pendant deux semaines.
Les appareils n’étaient pas capables de prendre la scène à n’importe quelle vitesse, ça se brouillait, et comme ça tournait assez vite ça faisait un effet optique curieux. On a donc été obligés d’abandonner la mécanique et de faire tout nous-mêmes. Un retour à la main, pour ainsi dire ».

Duchamp entretient un rapport complice avec le cinématographe :
En 1918, il apparaît comme figurant dans Lafayette, We Come! de Léonce Perret (un homme blessé).
En 1924, il participe au tournage d’Entr’acte de René Clair : dans ce court-métrage expérimental et comique, Duchamp apparaît en joueur d’échecs face à Man Ray.
En 1944, il est « l’artiste » dans le film expérimental de Maya Deren, Witch’s Cradle.
En 1947, il participe à la direction artistique du film Rêves à vendre (VO : Dreams That Money Can Buy) d’Hans Richter, pour un épisode sur une musique de John Cage.

La boîte verte puis la boîte en valise : le multiple d’artiste

Boîte verte (Edition de notes sur la mariée…) – 1934 


image duchamp_boite2.jpg (73.7kB) image duchamp_valise.jpg (37.3kB)

Etant Donné de Marcel Duchamp : aux origines de l’installation

Etant donnés 1)La chute d’eau 2)Le gaz d’éclairage – 1946 – 1968

Etant donnés 1)La chute d’eau 2)le gaz d’éclairage est la dernière oeuvre de Marcel Duchamp, sorte de testament posthume réalisée dans le plus grand secret de 1946 à 1968 (mort de Marcel Duchamp le 2 Octobre 68).

Elle a été montrée le 7 juillet 1969 au musée de Philadelphie sans aucune cérémonie d’inauguration, ni déclaration à la presse. Appelée par Marcel Duchamp «environnement» ou «sculpture- construction».

Description : Une vieille porte de grange avec deux trous à hauteur des yeux. A travers un trou pratiqué dans le mur du fonds de la grange le spectateur-voyeur peut voir la mise en scène suivante : Une jeune femme nue se tient couchée sur des brindilles et des feuilles sèches, ses jambes écartées découvrent un sexe imberbe. Elle tient une lampe. Dans le fond une chute d’eau, et un paysage de collines et de bois. 

Cette pièce est la conclusion de l’oeuvre de Marcel Duchamp, l’artiste dont se réclament tous les artistes majeurs des années 70 et 80. L’artiste qui a véritablement initié l’art contemporain dans de nombreux aspects, ce que Pierre Restany appelle L’autre face de l’art.

Duchamp laisse un carnet d’instructions pour remonter cette œuvre à partir des pièces détachées dans son atelier.

Chronologie


1904 : Marcel Duchamp rejoint ses frères à Paris et suit des cours à l’Académie Julian.

  • 1909 : Il commence à réaliser des toiles inspirées de Cézanne et fréquente les « cubistes dissidents », comme Gleizes et Metzinger, qui se réunissent régulièrement chez son frère Jacques Villon à Puteaux.
    1912 : Le Nu descendant l’escalier (voir photo ci-contre) est retiré du salon des Indépendants et est exposé au salon de la Section d’or organisé par les frères Duchamp, à Paris.
    Il commence à travailler au Grand Verre.
    1913 : Le Nu descendant l’escalier est exposé à l’Armory Show, New York. Duchamp apparaît comme l’un des principaux représentants de l’avant-garde française.
    1915 : Il se rend aux Etats-Unis où il retrouve son ami Francis Picabia. Rencontre avec Man Ray qui restera son ami toute sa vie durant.
    1917 : Il envoie au comité de sélection de la Société des Artistes indépendants, dont il fait partie, sa Fontaine, sous le pseudonyme de Richard Mutt. L’objet est refusé, ce qui donnera lieu à la publication d’une série d’articles où il justifie son acte, intitulés The Richard Mutt Case.
    1919 : Rentré à Paris, il collabore avec les dadaïstes.
    1920 : De retour à New York, il fonde avec Man Ray et Katherine S. Dreier, riche héritière philanthrope, un organisme visant à promouvoir l’art contemporain en achetant des œuvres à de jeunes artistes. Suite à une blague de Man, ils l’appellent la Société Anonyme.
    1921 : En collaboration avec Man Ray, il publie le premier et unique numéro de New York Dada. Une « dadadate » selon Man Ray.
    1923 : Duchamp abandonne son Grand Verre, et la rumeur court qu’il abandonne même l’art.
    1924 : Il participe au tournage du film avant-gardiste Entr’acte de René Clair. Dans la première scène du film, il joue aux échecs avec Picabia sur le toit du théâtre des Champs-Elysées.
    1925 : Duchamp, par son attitude préoccupée par le temps, la vitesse et la décomposition des mouvements, il est amené à faire du cinéma expérimental, appelé l' »Optical cinéma », avec son film unique Anemic Cinéma.
    1926 : Le Grand Verre est exposé au Musée de Brooklyn. C’est à cette occasion que la glace du Grand Verre est fêlée.
    1932 : Il fait partie de l’équipe de France du Championnat d’échecs et publie, en collaboration avec un autre joueur, un ouvrage sur les fins de parties.
    1935 : Il présente ses Rotoreliefs au concours Lépine.
    1938 : La boîte-en-valise, ensemble de reproductions de ses ?uvres en modèle réduit, est tirée à 300 exemplaires.
    1939 : Publication de Rrose Sélavy, recueil de contrepèteries et de jeux de mots.
    1942 : A New York, il collabore avec les Surréalistes réfugiés, notamment avec André Breton pour l’exposition First Papers of Surrealism. Pour cette exposition, il tisse dans l’une des salles un réseau constitué de deux kilomètres de ficelle entrelacée.
    1947 : Il organise avec Breton la Deuxième Exposition Internationale du Surréalisme à Paris Le Surréalisme en 1947, et réalise la couverture du catalogue avec l »uvre Prière de toucher.
    1953 : Le magazine grand public Life lui consacre un article. C’est le début de la célébrité.
    1954 : Ouverture du Musée d’art de Philadelphie grâce à Louise et Walter Arensberg, amis et mécènes de Duchamp, qui ont fait don de leur collection. Le nouveau musée comprend 43 de ses œuvres.
    1958 : Publication de Marchand du Sel, le premier recueil des divers écrits de Duchamp.
    1959 : Publication de la première monographie sur Duchamp par Robert Lebel
    1964 : La galerie Schwartz, Milan, réédite treize ready-mades disparus, en huit exemplaires.
    1966 : La Tate Gallery de Londres organise la première grande rétrospective de son ?uvre.
    1967 : Exposition Raymond Duchamp-Villon / Marcel Duchamp au Musée d’art moderne de Paris.
    1968 : Marcel Duchamp meurt le 2 octobre à Neuilly.
    1973 : Rétrospective Duchamp au Musée de Philadelphie et au Musée d’art moderne de New York. dévoilement de l’oeuvre Etant donnés.

Œuvres

– Femme-cocher, 1907, 31,7 x 24,5 cm
– La Broyeuse de chocolat, 1912
– Les joueurs d’échecs, 1911
– Neuf Moules Mâlic, 1914-1915
– Le Roi et la Reine entourés de nus vites, 1912
– Le Passage de la Vierge à la Mariée, 1912
– Nu descendant un escalier, 1912
– Roue de bicyclette (1913)
– Fontaine (1917)
– Femme-cocher, 1907, 31,7 x 24,5 cm
– La Broyeuse de chocolat, 1912
– Le Roi et la Reine entourés de nus vites, 1912
– Le Passage de la Vierge à la Mariée, 1912
– Nu descendant un escalier, 1912
– Roue de bicyclette, 1913
– Trois stoppages étalon, 1913
– In advance of the broken arm, pelle à neige, 1914
– Apolinère Enameled, émail à la façon d’une réclame, 1914
– Porte-bouteilles, 1914
– La Broyeuse de chocolat no 2, 1914
– Le Grand Verre, 1915-1923
– Fontaine, urinoir renversé et signé « R. Mutt », 1917
– L.H.O.O.Q., reproduction de La Joconde affublée d’une paire de moustache, 1919
– Air de Paris, objet, 1919
– Fresh widow, fenêtre aux carreaux teintés de noir, 1920
– Rotative plaques verre (optique de précision), ?uvre cinétique, 1920
– Why not sneeze Rrose Selavy ?, boîte surréaliste : morceaux de marbre blanc taillés comme des cubes de sucre contenus dans une cage à oiseaux d’où sortent un os de seiche et un thermomètre, 1921
– La Mariée mise à nu par ses célibataires, mêmeou Le grand verre commencé en 1915 et volontairement inachevé en 1925
– La Boîte-en-valise, 1936-1941 (en série jusqu’en 1968), coffret de cuir rouge contenant 80 œuvres en reproductions diverses : fac-similés et objets miniatures, 41,5 x 38,5 x 9,9
– Prière de toucher, sein en mousse collé sur la couverture du catalogue de l’Exposition internationale du surréalisme à la Galerie Maeght, 1947
– Étant donné le gaz d’éclairage et la chute d’eau, peinture (première version), 1949
– Dada, 1916-1923, 1953, affiche pour la Galerie Sydney Janis, New York
– Coin de chasteté, objet, 1963
– Étant donnés : 1° la chute d’eau, 2° le gaz d’éclairage, variante tridimensionnelle de Grand verre, élaborée depuis 1946, inachevée en 1966
– La Mariée mise à nu par ses Célibataires, mêmes, Paris, Editions Rrose Sélavy, 1934

Bibliographie


*Marcel Duchamp par Arturo Schwarz ed. Fall
*Marcel Duchamp Ingénieur du temps perdu – entretiens avec Pierre Cabanne ed. Belfond
*Notes de Marcel Duchamp, Ed. Flammarion, Coll. Champs, Paris, 1999
*Jean-François Lyotard, Les Transformateurs Duchamp, Galilée, 1977

*Duchamp Marcel, Marchand du sel, Édition originale de ses écrits, réunis et présentés par Michel Sanouillet, Paris, Le Terrain Vague, 1959.

  • Duchamp du signe. Ecrits réunis et présentés par Michel Sanouillet, Flammarion, 1975
  • Yves Arman, » Marcel Duchamp joue et gagne  »,Marval Press, 1994
  • Ecke Bonk, » Marcel Duchamp. The Portable Museum  », Londres, 1989
  • Françoise Le Pelven,  » L’art d’écrire de Marcel Duchamp  », Editions Jacqueline Chambon, 2003
  • Bernard Marcadé,  » Marcel Duchamp  », éd.Flammarion
  • Florence de Méredieu,  » Duchamp en forme de ready-made  », Paris, Blusson, 2000
  • Marc Partouche,  » Marcel Duchamp  », éd.Images et manoeuvres, 1992

Textes de référence

  • Marcel Duchamp, entretien avec James Johnson Sweeney (extrait), 1955 entretien avec James Johnson Sweeney
  • Marcel Duchamp, « L’artiste doit-il aller à l’université ? », allocution (extrait) à l’université d’Hofstra, New York, 1960 l’artiste doit-il aller à l’université’
  • Marcel Duchamp, discours au Musée d’Art moderne de New York, 1961, dans le cadre de l’exposition Art of assemblage discours au musée d’art moderne de New York
  • « Rendez-vous du dimanche 6 février 1916 », Minotaure, 10, Paris, 1937
  • « SURcenSURE », L’usage de la parole, 1, Paris, 1939, p. 16.
  • RROSE SELAVY, Collection « Bien Nouveaux », Editions GLM, Paris, 1939
  • (avec Vitaly Halberstadt), L’opposition et les cases conjuguées sont réconciliées, Bruxelles/Saint-Germain-en-Laye, 1932
  • Collection Société Anonyme, 33 notes critiques (1950)
  • The Creative Act / Le Processus créatif. Texte d’une intervention à Houston, Texas, 1957. (Repris dans : Duchamp du signe, 1994, p. 187-189).
  • « A propos des ready made » (1966)
  • « A propos de moi-même ». Conférence donnée dans plusieurs musées et universités des Etats-Unis (1964).

Liens

http://www.fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_Duchamp page wikipédia sur Marcel Duchamp

Documents : entretiens de Georges Charbonnier avec Marcel Duchamp.
Anemic Cinéma, DVD 1
Dada Cinéma (Entr’acte) DVD
Documentaire 1 et 2 sur Duchamp 2 DVD
De Duchamp au Pop Art, DVD