ORLAN

Orlan est une artiste plasticienne française, née le 30 mai 1947 à Saint-Étienne, qui vit et travaille entre Paris, New York et Los Angeles. L’artiste a choisi d’écrire son pseudonyme en lettres capitales : ORLAN.

Orlan est une artiste s’exprimant à travers différents supports : peinture, sculpture, installations, performance, photographie, images numériques, biotechnologies. C’est une des artistes françaises de l’art corporel les plus connues du grand public en France et à l’étranger. Son œuvre se situe dans divers contextes provocateurs, légitimée par son engagement personnel. Son vrai prénom est Paulette Du Brouet.

Dès les années 1960, ORLAN interroge le statut du corps et les pressions politiques, religieuses, sociales qui s’y inscrivent. Son travail dénonce la violence faite aux corps et en particulier aux corps des femmes, et s’engage ainsi dans un combat féministe. Elle fait de son corps l’instrument privilégié où se joue notre propre rapport à l’altérité.

1964

ORLAN fait ses premières performances dont Body Sulptures (images ci-dessous) dans sa ville natale, Saint-Etienne. Elle n’a que 17 ans. Elle pratique le yoga, la peinture, la sculpture, la poésie, la danse et le théâtre.

1977, date pivot et repère : la sculpture et performance intitulée « Le baiser de l’artiste »

« Le baiser de l’artiste », l’une de ses première performances étant « le baiser de l’artiste » présenté en 1977 au FIAC (foire international d’art contemporain). Accostant les gens en criant « un vrai baiser d’artiste pour 5 francs ! C’est pas cher ! ». Des hommes, des femmes s’approchent, observent, se lancent, mettent une pièce puis retentit une musique signal du commencement et Orlan embrasse à pleine bouche. Un vrai baiser: chose promise, chose due. Puis au bout de 10 secondes environ une alarme sonne la fin. Lorsqu’elle présente sa performance, elle fait l’objet de nombreuses critiques et déclenchera son renvoi immédiat du poste de formateur et animateur socio-culturel qu’elle occupe. Les gens ont une certaine idée de l’art, pensant qu’il faut nécessairement « l’extirper » de soi et en faire quelque chose (peinture, sulpture, poésie, …).

Orlan se définie tout entière comme œuvre d’art, son corps est sa matière première, travaillant sur le statut du corps dans la société contemporaine qui cherche à s’approprier les individus.

1978

Première performance-chirurgicale : Orlan qui devait tenir une conférence sur l’art vidéo et la performance artistique doit être opérée d’urgence à cause d’une grossesse qu’elle ignorait. Le foetus qu’elle porte en elle n’est pas viable et il doit être retiré pour lui sauver la vie. Avant de se faire opérer elle a tout juste le temps de demander à ce qu’on film l’opération. C’est la première opération performance de l’histoire de l’art.

Orlan compare son opération à une messe. D’après elle, la lumière plongeante sur elle et le comportement des chirurgiens rappelle les rites catholiques.

1982

Avant l’arrivée d’Internet, Orlan est créatrice de la première revue d’art contemporain et de création sur Minitel Art-Acces.

Orlan a connu des expériences professionnelles très diverses : enseignante (expression corporelle, théâtre, yoga, dessin), comédienne, vendeuse, étalagiste, accessoiriste de théâtre, décoratrice d’intérieur, animatrice-radio, présentatrice d’émissions télévisées, directrice de workshops.

1983

Le Ministère de la Culture charge Orlan d’un rapport sur l’Art-Performance.

Elle réalise la performance Le drapé – Le baroque. Il s’agit de créer l’identité de Sainte Orlan, travestie en Madone, selon un rituel très particulier. Après de nombreuses heures de maquillage de d’habillement, Orlan enchaîne 3 à 5h d’action au ralenti. Le rituel commence par l’entrée d’Orlan, drapée de plusieurs mètre de tissus, portée sur un palanquin par quatre ou cinq hommes. Elle tient dans ses bras une pelote de bandes de draps qu’elle déroule progressivement. L’enfant est souvent matérialisé par un pain à la croûte bleue et à la mie rouge, qu’Orlan mange parfois jusqu’au vomissement. Elle détache ses cheveux, se démaquille et dénude l’un de ses seins, donnant une image d’extase. Orlan se place ensuite à quatre pattes sur un très long tapis rouge, dans lequel elle s’enroule progressivement, jusqu’à former une balle de tissu énorme qui disparaît lentement dans l’espace.

1984

Enseigne à l’École Nationale des Beaux-Arts de Dijon.

1990

Orlan est la première artiste à utiliser la chirurgie et la chirurgie esthétique qu’elle détourne de ses usages. La réincarnation de Sainte Orlan ou Images, Nouvelles Images : première d’une série d’opérations-chirurgicales-performances est un autre point de repère dans l’œuvre qui évolue radicalement tout en se poursuivant avec logique.
Dès lors, les médias s’emparent de l’histoire d’Orlan pour en fabriquer une autre à leur convenance, produit de consommation sous forme d’articles de magazines, loin, très loin de sa démarche.

Depuis 1990

Elle remet en jeu son image dans ces opérations-chirurgicales-performances (neuf à ce jour), durant lesquelles le bloc opératoire devient son atelier d’artiste d’où sortent les œuvres (dessins au sang, reliquaires, textes, photos, vidéos, films)
Son travail a toujours dénoncé les pressions sociales exercées sur le corps, en particulier sur le corps féminin. Pendant plus de dix ans elle a travaillé sur l’identité et l’iconographie chrétienne et le baroque avec sa propre image qu’elle aimait beaucoup.

1993

Le 14 juillet Orlan se marie avec Stéphane Napoli (dont elle ne prend pas le nom) écrivain et historien d’art.
Le 21 Novembre, lors de la 7ème opération-chirurgicale-performance de New-York, elle se fait placer des implants de silicone habituellement utilisés pour rehausser les pommettes de chaque côté du front, ce qui crée deux bosses. Ses actions sont filmées et transmises par satellite.

1997

Orlan élabore de grandes sculptures à l’intérieur desquelles se dérouleront ses prochaines opérations-chirurgicales-performances et qui deviendront ensuite des installations vidéos interactives.
Orlan travaille sur son identité judiciaire avec la collaboration des services scientifiques de la recherche de la police Danoise pour l’exposition Exogène.

1998

Actuellement Orlan entreprend un tour du monde des standards de beauté dans d’autres civilisations et époques, elle commence par les civilisations précolombiennes au musée Carrillo Gil à Mexico. Orlan prépare de nouvelles pièces : des photos numériques et des installations 3D interactives en vidéo à partir des déformations du crâne, le strabisme et les nez postiches chez les Mayas et Olmèques et sur les représentations du Dieu Xipe Totec (représenté en sculpture sous la forme d’un prêtre qui a enfilé la peau de ses victimes).
Il est a noter que plusieurs créateurs de mode se proclament influencés par le travail d’Orlan dont : Jeremy Scott et W< (dont les mannequins sont maquillés en hommage à Orlan avec les mêmes bosses que celles réelles d’Orlan).

De 1999 à aujourd’hui

Durant les années 2000, Orlan s’est vue élevée au rang de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres par Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture en 2003. Elle reçoit la médaille d’Or et de bronze à l’occasion de sa rétrospective au Musée d’Art Moderne de Saint-Etienne en 2007. En 2010 Mitterrand à l’époque ministre de la culture la décore du titre de Chevalier de l’Ordre du Mérite.

De même Orlan, de façon peut-être plus charnelle, modifie-t-elle son corps comme un objet soumis au couple désir-technologie?

Après avoir élaboré une image idéale de la femme composée de fragments de femmes à la beauté emblématique, Orlan subit opération sur opération, pour faire correspondre son corps à une image virtuelle, et composite. « Au tout début de cette performance, pour arriver à convaincre un chirurgien (car je n’en trouvais pas) j’ai construit mon autoportrait en mixant, hybridant, à l’aide d’un ordinateur des représentations de déesses de la mythologie grecque choisies non pas pour les canons de beauté qu’elles sont sensées (vues de loin !) représenter mais bien pour leurs comportements, pour leurs histoires.

Diane a été choisie parce qu’elle est insoumise aux dieux et aux hommes, qu’elle est active voire agressive, qu’elle dirige un groupe ; Mona Lisa, comme personnage-phare de l’histoire de l’art, comme repère parce qu’elle n’est pas belle suivant les critères de beauté actuels, parce qu’il y a de l’homme sous cette femme ; nous savons désormais que c’est l’autoportrait de Léonard de Vinci lui-même qui se cache sous celui de la Joconde (ce qui nous ramène à un problème d’identité) ; Psyché parce qu’elle est aux antipodes de Diane, elle convoque tout ce qui est fragile et vulnérable en nous ; Vénus, parce qu’elle est une image de renaissance et qu’elle incarne une idée de beauté charnelle que je combats !… Cependant que Psyché incarne la beauté de l’âme ; Europe, parce qu’elle se laisse emporter par l’aventure, que son visage regarde large vers l’horizon… Après avoir mélangé ma propre image à ces images, j’ai retravaillé l’ensemble comme n’importe quel peintre le fait, jusqu’à ce que le portrait final émerge, sans faire apparaître les images qui le trament… en aucun cas je n’ai voulu ressembler à ces représentations » .

Ce discours d’Orlan semble loin de la réalité. L’intention première d’Orlan, commune à l’usage habituel de la chirurgie esthétique est de ressembler éternellement à ces images parfaites de la beauté et de la jeunesse. Miroir, suis-je toujours la plus belle ? Certains artistes sont décidés à faire tout et n’importe quoi pour attirer les médias à eux.

Une fois cette première étape franchie, Orlan décide de transformer son corps non plus pour ressembler à l’image composite du corps humain parfait, mais pour recréer son propre corps à l’aide de la technologie. Le corps considéré comme une machine, un objet, est ainsi soumis aux fantasmes de l’artiste et au progrès technique. « Je suis également prête à travailler avec les biotechnologies, la génétique, l’intelligence artificielle, la robotique et toutes techniques médicales de pointe… si je trouvais au Japon ou ailleurs un laboratoire disposé à me faire une proposition… Montrer ce qui d’habitude est tenu secret et établir une comparaison entre l’autoportrait fait par la machine-computer et l’autoportrait fait par la machine-corps » .

Les oeuvres de Stelarc ou d’Orlan prolongent l’état d’esprit d’un Body Art qui veut détruire le corps et en faire un objet. Une étape doit être franchie par les artistes, c’est de déterminer les limites que l’homme doit se donner, et créer à l’intérieur de ces limitations, un autre type de recherche humaine et artistique. Cette réflexion doit replacer l’homme au centre de cette réflexion. Que ce soit dans le domaine social, environnemental, perceptif,…le champ d’exploration est vaste. Mais à l’utopie du progrès et de la conquête qui ont été les paradigmes depuis 500 ans, nous devons accepter une limitation humaine, développer les multiples potentialités du corps et de l’esprit humain, et axer notre réflexion par exemple sur les dégâts environnementaux et psychologiques occasionnés par la modernité, ou sur de nouvelles perceptions permises par le virtuel, ou sur le bonheur de vivre ensemble sur une planète pour l’instant compatible avec la vie, etc…

Ce n’est pas en flattant un goût morbide du nouveau et du spectaculaire que l’artiste assume sa responsabilité, mais aussi en sachant dire non. Finalement le conservatisme est celui de cette conviction dans un progrès pour le progrès.

Les institutions de l’art, en montrant de telles approches de l’art technologique, assument elles aussi un projet : celui de soumettre le corps humain aux impératifs d’une société technologique inhumaine. Elles le font parce qu’elles s’insèrent dans la société du spectacle qui attend de ses institutions un art toujours nouveau, liée à un faux progrès, un art spectaculaire et simpliste. Les institutions de l’art technologique sont financées soit par l’état qui promeut ainsi une certaine idée de la modernité technologique, soit par des multinationales qui souhaitent promouvoir des machines et leur donner un supplément d’âme. Nous devons nous interroger si des démarches comme celles de Stelarc ou de Kac, ne servent pas des logiques économiques, comme celles de la marchandisation du vivant, et la soumission de l’homme à la technologie. Rien dans leur discours ne s’oppose à cette lecture, au contraire.

Liens

https://www.orlan.net