Jean Tinguely

Jean Tinguely, est un artiste plasticien contemporain suisse, né le 22 mai 1925 à Fribourg et mort le 30 août 1991 à Berne et meurt le 30 août 1991 à l’hôpital de l’île à Berne, il repose à Neyruz, dans le canton de Fribourg.
Dès l’âge de 16 ans, il commence un apprentissage comme décorateur, et poursuivra dans cette voie pendant plusieurs années, tout en suivant des cours de dessin et de peinture.
En 1952, Jean Tinguely et son épouse s’installent en France, où il commence à exposer l’année suivante.
Il y rencontre d’autres artistes et adhère au groupe des « Nouveaux réalistes », fondé par le peintre Yves Klein et le critique d’art Pierre Restany en 1960. Reconnu, il expose alors dans le monde entier.

Biographie

Vie personnelle

La biographie de Jean-Paul Tinguely témoigne très tôt de tiraillements et de tensions entre lui et ses parents, Charles Tinguely et Jeanne-Louise Ruffieux. II est fribourgeois et jouit en même temps des droits civiques de la ville de Bâle, dans laquelle il grandit. II semble apprécier cette double appartenance qui lui donne la liberté de choisir et de changer. Ainsi se sent-il, selon son humeur, tantôt fribourgeois, tantôt bâlois. II trouve fréquemment refuge dans les bois des environs de Bâle, afin de s’adonner à la lecture sans être dérangé. Il y réalise les premières œuvres méta-mécaniques: des roues hydrauliques avec effets sonores. « (…) Alors, j’ai commencé à faire une chose très bizarre : plusieurs samedis et dimanches de suite, j’ai commencé à construire de jolies petites roues en bois, bricolées comme ça, le long d’un ruisseau. Aucune idée d’art. Dans la forêt, j’utilisais un ruisseau : il faut dire que c’était une forêt de sapins qui formaient une sorte de cathédrale, avec les qualités sonores d’une cathédrale, les sons s’amplifiaient formidablement bien. J’ai fait jusqu’à deux douzaines de petites roues dont chacune avait sa propre vitesse, et parfois cette vitesse était variable selon la vitesse de l’eau, variable elle aussi. Chaque roue avait une came. Ça frappait, ça actionnait sur un petit marteau qui tapait sur différentes boîtes de conserve rouillées ou pas, des sonorités différentes. Ces sons, ces tonalités, à des rythmes différents, étaient répartis tous les cinq à six mètres, et ces concerts s’allongeaient parfois jusqu’à cent mètres dans la forêt. J’imaginais alors le promeneur solitaire lui aussi dans la forêt, qui entend d’abord ce concert avant d’entendre les bruits de la forêt. Parfois, ça fonctionnait jusqu’à quinze jours, c’était évidemment fragile mais il y en avait quelques-uns qui fonctionnaient pendant des mois. »

Les réactions imprévisibles d’un père autoritaire et les craintes qu’il occasionne chez sa mère restèrent ancrées dans sa mémoire. « J’avais très peur du noir, tout prenait alors des formes inquiétantes, et aujourd’hui encore je ne supporte pas les papiers à motifs, ils me rappellent mes angoisses enfantines. »

Adolescent, il fut traumatisé par le bombardement aveugle de Bâle. « Nous habitions à l’époque sur la Winkelriedplatz. C’était le 16 décembre 1940. Notre quartier fut particulièrement touché, les bombes explosaient tout près, faisant voler les fenêtres en éclats et détruisant tout sur leur passage.’ Notre maison dut être évacuée. Une jeune mère allemande, Frau Zorn, avait pris son bébé dans les bras et, alors qu’elle cherchait un abri, elle fut frappée à la tête par un éclat d’obus. L’impact arracha sa calotte crânienne qui resta suspendue, avec les cheveux, au compteur électrique. La jeune femme gisait morte sur le sol. J’enlevai l’enfant de ses bras. Ma mère eut une crise d’hystérie. On dut l’écarter. Je me cachai dans les ruines, attendant l’ennemi. Je crois que s’il était venu, je l’aurais tué. Peut-être cet événement est-il à l’origine des images sombres qui habitent mon art. Qui sait’…»

Vie professionnelle

Généralité

Jean Tinguely commence sa carrière en tant que décorateur. À partir de décembre 1944, il travaille alors comme décorateur indépendant, continuant toutefois à suivre des cours d’enseignement général de dessin et de peinture et d’enseignement spécialisé à la Section des arts appliqués de l’École des arts et métiers, de Bâle.Il manifeste un intérêt particulier pour les cours portant sur la science des matériaux, le dessin d’objets, le dessin de nus et le dessin de mode. En 1991, il entreprend la décoration du Bar Le Tinguely, dans l’Hôtel Palace de Lausanne, avec de grandes lampes sculptures. Puis, La Cascade, grande sculpture suspendue créée à Charlotte en Caroline du Nord. Durant la ART, à Bâle, et, plus tard, dans diverses gares, on peut voir le Train de marchandises culturel, installation réalisée dans des wagons de marchandises une initiative conjointe de Tinguely, Eva Aeppli, Bernhard et lwan Luginbühl, Milena Palakarkina, Daniel Spoerri, Ben Vautier et Jim Whiting. En même temps que le Train de marchandises culturel, la grande lampe sculpture Luminator est présentée pour la première fois. Déjà sensible à l’art depuis très jeune, Tinguely exploite son goût pour le sujet et y travaille parallèlement avec son métier de décorateur.

Le Torpedo Institut

A partir de 1988, Jean Tinguely crée le Torpedo Institut dans l’usine qu’il a achetée à La Verrerie. Le Torpedo Institut est la plus grande œuvre jamais conçue par l’artiste. Elle constitue la synthèse et le sommet de son art. L’espace dans lequel elle se développe est entièrement obscurci à l’aide d’imposantes plaques qui obturent toutes les ouvertures sur la campagne fribourgeoise. Grinçantes, à peine visibles dans le mauvais éclairage qui hante les lieux, cent vingts machines de Tinguely sont savamment orchestrées dans l’espace. Elles représentent l’ensemble du parcours de l’artiste. Parmi elles, les Méta Malevitch ou Méta Kandinsky des débuts, le Klamauk de 1979, la Grande Méta Maxi Maxi Maxi Utopia présentée en 1987 à Venise, La Dernière Collaboration avec Yves Klein (1988), Le Retable de l’Abondance occidentale et du Mercantilisme totalitaire (1990), des pièces à quatre mains réalisées avec Milena Palakarkina. Tinguely présente aussi ses amis artistes dans le Torpedo Institut. Il y a là quarante figures d’Eva Aeppli, un Oiseau Amoureux de huit mètres de haut de Niki de Saint Phalle, un gigantesque Atlas de Bernhard Luginbühl, toutes pièces commandées pour le lieu par le sculpteur. Il y a des œuvres de Keith Haring, Robert Rauschenberg, Ben Vauthier, Daniel Spoerri, Alfred Hofkunst, d’amis fribourgeois aussi. Les toiles sont montrées sur de grandes grilles coulissantes, comme dans les réserves des musées. Il y a encore des objets chers à l’artiste : des Ferraris, un avion de la deuxième Guerre mondiale suspendu à l’envers. L’idée de Tinguely est d’ouvrir le Torpedo Institut à un nombre limité de visiteurs, loin des fréquentations record des grandes expositions consuméristes de la fin des années 1980. Les visiteurs doivent réserver longtemps à l’avance. Ils sont convoqués à un jour et une heure précis. On leur fournit un casque audio dont le commentaire est incompréhensible et chacun devra donc se débrouiller seul avec les œuvres, dans le dédale, l’obscurité et les pièges que lui réserve l’artiste. À la mort de l’artiste, en 1991, le Torpedo Institut est pratiquement achevé. Il est dès lors le sujet de nombreuses discussions et de multiples polémiques. Il est finalement démantelé contre la volonté de l’artiste qui avait déclaré par testament son désir de voir l’œuvre lui survivre. La postérité sera malheureusement privée de la plus importante création de Jean Tinguely.

Son œuvre

Le style de l’artiste


En tant que décorateur, Jean Tinguely aime créer des compositions audacieuses et si possible animées, avec des moyens mécaniques qui mettaient en mouvement des figurines grâce à des notions mathématiques; pour cette raison, elles sont souvent désignées comme « méta-mécaniques ». Il est maître incontestable dont l’œuvre compte parmi les manifestations les plus vivantes de la sculpture du xxe siècle.
L’artiste s’exprime notamment sur le choix de ses supports (les sculptures animées, de manière générale) en ces termes:
« Je pouvais continuer sur une peinture pendant des mois, jusqu’à l’usure totale de la toile: racler, revenir, sans laisser sécher la peinture! C’était impossible pour moi; je n’arrivais pas à, disons, décider: Voilà c’est terminé… C’est à partir de là, au fond, que le mouvement s’est imposé à moi. Le mouvement me permettait tout simplement d’échapper à cette pétrification, à cette fin. »

Mais Tinguely n’était pas mécanicien, pas plus qu’il n’était technicien ou ingénieur. Aux yeux des spécialistes, ses machines étaient construites de manière lamentable. Cependant, l’artiste possédait le don infaillible de provoquer l’attention des passants, et d’établir ainsi une communication par l’emploi de mécanismes familiers qu’il détournait de leur sens et de leur finalité quotidienne. Avec Euréka une énorme machine conçue pour l’exposition nationale suisse de 1964, cette particularité apparut déjà comme une caractéristique essentielle de son art. Imprégné des œuvres de Marcel Duchamp il s’inscrit dans l’esprit dadaïste qui se manifeste par la bouffonnerie provocatrice et la dérision souvent au cours de manifestations publiques. En 1959, la Biennale de Paris est inaugurée par André Malraux, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, avec une machine produisant des peintures en série.

Le message dans ses œuvres

Jean Tinguely s’est blessé lors des premiers bombardements, il remit ce sens caché dans certains de ses tableaux. Il remet en question l’académisme de l’art. Il crée ses machines dans le contexte des Trente Glorieuses et de son culte du progrès. Construites en partie à l’aide d’objets de récupération, les machines de Tinguely, consciemment imparfaites, refusent le culte de l’objet neuf produit par une société de consommation. Il est en avance sur son temps en pratiquant le recyclage. Il a su se trouver une place écologique dans la société pour pouvoir faire ce qui lui plaisait. Dans une société ou la machine est de plus en plus présente, il l’introduit dans l’art en montrant son aspect ludique et inutile. À l’instar de ses machines qui s’autodétruisent après trente minutes de fonctionnement, il délivre son message philosophique: dans la vie, tout a une fin.

Présentation de quelques œuvres

Le cyclop

Le Cyclop de Tinguely. Photo par Jean-Pierre Dalbéra

Le Cyclop est une sculpture née d’un projet de Jean Tinguely, en collaboration avec d’autres artistes de renom, mais principalement avec Niki de Saint Phalle, ayant conçu cette idée ensemble. Elle est présente à toutes les étapes du projet, prodigue son aide et ses conseils, et suit la progression du travail avec sollicitude et attention. Elle se préoccupe tout particulièrement de la partie antérieure de la construction, la façade. Le but de Tinguely était de créer une œuvre gigantesque, qui rassemblerait des domaines artistiques variés. Haute de 22 mètres, elle se tient au c’ur de la forêt de Milly, où il était invisible au public. Les travaux du

Cyclop ont débutés en 1969 et ont nécessité dix ans de travail pour en ériger la structure. Enfin, il faudra quinze ans de plus pour mettre en place les contributions de chacun des artistes. Avant l’achèvement de l’œuvre, Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle, qui finançaient tous deux ce projet, donnèrent en 1987 le Cyclop à l’état français afin de le préserver. Cependant, ce n’est que sept ans plus tard (soit trois ans après la mort de Tinguely), que le Cyclop fut déclaré officiellement terminé et inauguré en présence de Jacques Chirac et Jack Lang.

Appelé parfois le Monstre de la Forêt ou La Tête, le Cyclop ressemble à une tête gigantesque, avec un ?il unique. De l’eau ruisselle de la bouche, en coulant sur la langue qui sert de toboggan. Pour finir, des bruits métalliques proviennent de boules d’acier qui roulent et heurtent la tête en ferraille. La face du Cyclop, conçue par Niki de Saint Phalle, est recouverte de milliers d’éclats de miroirs qui scintillent et réfléchissent les mouvements naturels des arbres, des nuages, des visiteurs, les ombres et les lumières, le jeu de l’eau sur la langue du Cyclop, instaurant un dialogue permanent entre l’œuvre et la nature environnante. Imbriqués dans la sculpture, quatre chênes centenaires font partie intégrante de l’œuvre.
A l’intérieur, les visiteurs découvrent des œuvres variées, visuelles et sonores, ainsi que des engrenages de ferrailles qui forment la machinerie. Le

Cyclop de Jean Tinguely abrite des œuvres de Eva Aeppli, Arman, Philippe Bouveret, César, Bernhard Luginbühl, Seppi Imhof, Pierre-Marie Lejeune, Giovanni Podestà, Jean-Pierre Raynaud, Larry Rivers, Niki de Saint Phalle, Jesús Rafael Soto, Daniel Spoerri, Rico Weber, une contribution du professeur Etienne-Emile Baulieu et des hommages rendus à Marcel Duchamp, Yves Klein et Louise Nevelson.

L’enfer un Petit Début

L’Enfer, un Petit Début est une installation composée de plus de trente éléments. Jean Tinguely y travailla de 1984 jusqu’à sa mort en 1991. Il y ajoutait sans cesse de nouveaux objets, affinant les supports en associant les idées et les symboles. Cette œuvre amène une réflexion sur la vanité du monde et l’éphémère de la vie. La taille de cette installation peut être évaluée grâce aux éléments reconnus comme les plantes vertes ou les lampes présentes sur l’œuvre. Les rouages ont un aspect vétuste et déglingué car ils sont composés de pièces ayant déjà servies, usées, rouillées, présentant des traces d’une utilisation antérieure, recyclées en quelque sorte sur cette machine burlesque. Ces rouages sont disposés selon des axes verticaux et horizontaux et certains de ces axes peuvent produire un son qui renforce l’impression d’une machine pleine de mouvements, de bruits, de vie. Le ballet des lumières projette autour de l’œuvre des ombres mouvantes dans une sorte de danse macabre, désynchronisée et dissonante. Cet aspect justifie sans doute son titre, L’enfer, un petit début. La machine est composée d’éléments récupérés, de provenance différente, qui, assemblés, forment un tout disparate. De ces objets mis au rebut, oubliés et insolites, la machine va opérer une nouvelle vie pleine de mouvements fragiles, grinçants et imprévisibles. Cette mécanique de l’absurde montre un monde dérisoire, burlesque, tonitruant, animé de mouvements désordonnés et vains. Elle rappelle les attractions de fête foraine, les manèges, la parade des chars de Carnaval.

En somme, l’artiste Jean Tinguely montre que le trop plein de mécanique ne laisse plus de place à la poésie, que ce monde industriel est inquiétant, non pas pour le progrès qu’il engendre mais pour la place qu’il laisse à l’Humain. Il rend perplexe sur la promesse que l’on nous fait d’être heureux par la possession, par la réalisation dans le travail. Déjà en avance sur son temps, il l’est encore plus aujourd’hui. A l’image des nouveaux réalistes, il a réalisé des œuvres chimériques et dénonciatrices, ou tout simplement humaines. C’est surement la raison pour laquelle il ne voulait pas, tout comme ses œuvres, laisser de traces derrière lui, en s’appropriant des objets du quotidien, et remettre ainsi en question le statut de l’art sacralisé et de l’artiste.

Les Méta-Harmonies

Les Méta-harmonies, comme le faisaient déjà ses « ancêtres » les Méta-matics (machines à dessiner) dans les années 60, parodie, tourne en dérision, la figure de l’auteur. Composées de rouages et courroies, morceaux de ferraille rouillée, colorée ou non, et différents instruments de musique (harpe, cymbales, violon, synthétiseur, gong, tambour, grosse caisse, harmonica pour la première) l’immense pièce produit, par le biais d’un moteur, une étrange mélodie carnavalesque.
La série, entamée en 1978, effectue le prolongement des deux reliefs sonores de 1955 (Reliefs Méta-mécaniques), des Concerts pour sept peintures de 1958, et même plus largement, des expérimentations du jeune Tinguely dans la forêt de Bâle (évoquées plus haut).
L’artiste passe cette fois à des créations en couleurs, reflétant le passage de son œuvre vers une expression plus baroque.
Dans la continuité de travaux menés par Alexandre Calder, qui l’impressionnera beaucoup, Tinguely met en place dans ses œuvres un mouvement infini et aléatoire qui ne se répète jamais.
La deuxième Méta-Harmonie a été réalisée l’année suivante, en 1979. Suivirent ensuite en 1984 la Méta-Harmonie III (Pandemonium) et en 1985 la Méta-Harmonie IV (Fata Morgana).
Toutes ces pièces sont de grande taille, et la dernière fait plus de douze mètres de long.

La fontaine Stravinsky

La Fontaine Stravinsky est située devant l’IRCAM, à côté Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou. Elle à été réalisée à l’aide de sa conjointe Niki de Saint Phalle, en 1983.
Constituée « d’automates » (non motorisés, mais un mécanisme, animé par les jets d’eau notamment, en anime certains) fabriquée à partir de différents métaux et de silicone, fait référence à l’œuvre du célèbre compositeur russe du 20ème siècle : Igor Stravinsky. De facon plus ou moins évidente (une des sculptures est nommée après un de ces célèbres ballets, L’Oiseau de feu)

« On s’en fout, de l’Art… »

Tinguely

« Son génie est manifeste à tout moment dans sa présence physique ? ce qui n’est pas vrai de beaucoup d’artistes ? et par son parler paradoxal, origina, drôle et percutant »
«  Une des grandes forces de Jean réside dans le fait qu’il n’a jamais peur d’être ridicule. Il s’exprime sans aucun arrêt, et sans gêne, dans la vie comme dans son travail. Il est comme une de ses machines, toujours en marche. »
« Jean est un être fascinant, hors pair. Sa vitalité écrase tout le monde, même lui même. Il se pousse à bout. Aucune indulgence vis-à-vis de lui-même, souvent trop dur dans son jugement sur les autres car il les mesure à lui ? les pauvres ! »