L’écologie éveille les consciences, et ceci, qu’importe le domaine. Nous verrons ici au travers de quelques artistes comment l’écologie s’empare également du domaine du Street art et du graffiti. Le graffiti fait partie de ces pratiques dont on se doit de dire qu’elles induisent une trace écologique relativement lourde, de part les composants toxiques utilisés. Ce mouvement d’éco-street art est né suite à l’influence de la « Guerrila gardening » : mouvement né aux États-Unis destiné à rendre sa place à la verdure dans les grandes villes. Certains artistes, sensibles à cette problématique, se mirent en quête de solutions alternatives permettant de garder un rendu similaire mais en utilisant des matériaux de base différents. Leur but est de réveiller les consciences écologiques . En voici quelques uns, bien sur cette liste n’est pas exhaustive.
LE GRASS GRAFFITI avec Anna Garforth
Artiste britannique, elle est issue de la Central Saint Martins School de Londres et est diplômée en design graphique. Usant de matières végétales ou recyclées (mousse, feuilles d’arbre, papiers, etc.), Anna Garforth installe des graffitis biodégradables dans des lieux publics délabrés. Elle utilise ainsi ce que la nature lui offre et recycle ce qui l’entoure pour amplifier ses messages liés à l’environnement et à l’urbanisation. Cette artiste est connue pour ces « moss graffiti » : créations d’œuvres murales en mousse. Outre cette création à la base de mousse, Anna Garforth installe également d’autres formes de street art, mais cette fois-ci ce n’est pas de la mousse qui est collé mais des papiers recyclés de journaux ou encore des feuilles d’arbre. Pour la colle, Anna Garforth fabrique une mixture naturelle à base de yaourt, bière et sucre afin de coller ses phrases poétiques, découpées dans des plaques de mousse récoltées sur des tombes, aux murs et palissades de bâtiments et compose des fresques à base d’origami modulaire en papiers recyclés. Avec cette mousse Anna Garforth tapisse les murs de mots ou de phrases qui l’inspirent. Le procédé est 100% biodégradable puisque la colle ainsi que les matériaux le sont.
Edina Tokodi pratique aussi le grass graffiti
Artiste d’origine hongroise, Edina Tokodi envahit depuis quelques années les quartiers de New-York avec ses « oeuvres vertes ». Membre et fondatrice du collectif « Mosstika Urban Greenery » (collectif d’artistes, à l’esprit écologique, basé New York ), elle se lance dans une guerre éco-urbaine dans le but de rapprocher les citadins à la nature. Mousses et gazons sont ses outils pour réaliser des motifs animaliers sur les façades urbaines. Par ces formes, ces motifs ou encore ces portraits tramés en pelouse (sortes de jardinières verticales évolutives qu’elle intègre à l’espace urbain), elle interroge le passant. On peut retrouver ainsi dans les rues de Willamsburg, à Brooklyn, ses créations d’animaux, de panneaux, d’objets, ou le vert est toujours très présent.
Le message de l’artiste est simple, universel mais efficace. Réconcilier nos villes, et plus particulièrement les citadins, avec la nature. « Je pense que notre distance par rapport à la nature est un cliché. Les citadins n’ont souvent aucune relation avec les animaux ou la verdure. En tant qu’artiste je ressens comme un devoir d’attirer l’attention sur les lacunes de notre vie quotidienne ». « J’ai une sensibilité éco-urbaine. J’ai pris l’habitude de retourner vers les sites de mes œuvres, visiter mes plantes. Parfois je les répare un peu, mais rien de plus, car elles se débrouillent bien seules. Elles ont suffisamment d’eau, d’air. J’aime les laisser vivre par elles-mêmes. À partir du moment où je les mets dans la rue, elles commencent à avoir leur propre vie ».
Le centre de l’œuvre, on l’a compris ce sont les plantes. Outre l’originalité du concept, c’est une œuvre évolutive, vivante qui est proposée.
Ses œuvres enjolivent non seulement les espaces publics, mais aident également à nettoyer l’air : d’après une étude de l’université de Bonn, la mousse fait partie des armes les plus efficaces et assidues contre le polluant atmosphérique le plus présent: les particules. Durant des années, les chercheurs ont comparé la mousse à un dépoussiérant en microfibre géant, capable d’éponger une grosse quantité de particules dangereuses et invisibles.
LE REVERSE GRAFFITI (aussi appelé Clean Tag) avec Moose (Paul Curtis) et Strook (Stefaan de Croock)
Proche du graffiti classique, Moose et Stook composent leurs dessins en creux, par jet d’eau, sur les murs encrassés de la ville et interrogent ainsi directement la stigmatisation pénale visant à qualifier l’art urbain de vandalisme (peut on considérer comme une dégradation un acte qui consiste à nettoyer partiellement un mur’).
Moose, artiste pochoiriste britannique travaille depuis presque une quinzaine d’années sur ce genre de méthode à l’aide de pochoirs et de jets d’eau. Il est d’ailleurs l’inventeur de ce mouvement: le Reverse graffiti.
Que se soit en frottant avec les doigts, une brosse ou un jet d’eau sous pression, le principe du « graffiti invers? est le même : faire apparaître un message en retirant la couche de suie et de poussière d’une surface urbaine. Cette technique prend tout son sens lorsque le message en question interpelle notre usage de l’automobile et notre vision de la ville moderne.Stefaan De Croock alias Strook est lui un artiste belge qui travaille sur le même mode de procédé mais en utilisant un karcher pour enlever l’excédant de mousse présente sur les murs créant ainsi des formes graphiques .Alors que le graffiti évoque un aplat de peinture, le Reverse Graffiti opère donc lui à contre-sens. Dessiner en enlevant la crasse. Ce tag à l’envers peut être un acte de militantisme mais est aussi de plus en plus réputé dans le marketing. Parce que le Reverse graffiti n’utilise pas de peinture ou d’encre, et donc ne peut pas être accusé de défigurer directement un espace public, il est souvent considéré comme légal et utilisé pour la publicité. Des entreprises telles que Microsoft et Smirnoff ont annoncé leurs produits de cette manière. Domino’s Pizza a également eu recours à cette technique lors d’une campagne publicitaire de grande ampleur aux États-Unis. Ce moyen de revendication militante s’avère donc aussi malheureusement détourné de son but premier en servant des multinationales et leur marketing ?Lien vers le site de Stook.
Alexandre Orion
De nationalité brésilienne, c’est à Sao Paulo qu’il a décidé de mettre son talent et son imagination au service de son art mais également de la communauté. Il est diplômé en art et, entre 1995 et 2000, décide de travailler le graffiti. Depuis 1998, il a collaboré en tant qu’illustrateur dans de nombreuses grandes publications brésiliennes. Alexandre Orion est un photographe autodidacte qui a commencé à s’impliquer dans la théorie et la pratique de la photographie en 2001.
Actuellement, il travaille et remet en question la façon dont la peinture et la photographie sont associées, à la fois sur le plan conceptuel et formel. Cette façon subtile, mais provocatrice, explore les limites dans la manière dont l’art est représenté et perçu.
En tant qu’artiste participant au mouvement de street art écologique, Alexandre Orion est un « artiste du chiffon ». Nom qui lui est donné suite à ses pratiques de Reverse graffiti qu’il met en place en astiquant au chiffon les parois métalliques de tunnels routiers de manière à y faire surgir des fresques mortuaires, puis récupère les résidus de ses torchons usagés, qu’il utilise ensuite comme pigments pour ses toiles. Avec plus de 11 millions d’habitants, Sao Paulo est loin d’être la ville la plus écologique du monde. C’est avec une idée originale, qu’Alexandre Orion a voulu faire prendre conscience aux paulistanos de la pollution qui règne au sein de la ville. Muni d’un simple chiffon et d’un seau d’eau, l’artiste brésilien va «nettoyer» la saleté déposée sur les murs d’un tunnel en y dessinant des têtes de mort. cette pratique présente ici encore l’avantage d’être éphémère et ne dégrade en rien les parois d’un mur et peut également contribuer à faire prendre conscience de l’importance du message délivré par l’artiste : à la suite de son œuvre, la municipalité a décidé de nettoyer les murs du tunnel.
LE MUD STENCIL (en français : pochoir de boue) avec Jesse Graves
Jesse Graves est un artiste américain interdisciplinaire. A ce jour il est éducateur en art dans le Wisconsin. Il exerce son art dans les villes et milite entre autre contre l’agriculture intensive.
Son art se rapproche plus de ce qu’est pour nous le graffiti puisqu’il évoque un aplat de matière (peinture ou autres) sur un mur ou une surface visible dans la rue. Le produit appliqué n’est ici plus de la peinture, mais de la terre. Cette terre est donc appliquée sur les différents supports à l’aide de pochoirs en bois, préalablement réalisés, véhiculant des messages écologiques (vélos, végétaux, animaux) ou engagés (bouteilles d’huile entre autre), la terre représente le médium le plus écologique selon Jesse Graves. Ses messages sont engagés, et sensibilisent le public à l’écologie et aux problèmes de nos sociétés modernes.
LE KNITT GRAFFITI avec PolyCotN (Magda Sayeg)
Instigatrice du mouvement désormais mondial « Knitting guérilla », PolyCotN eut la première l’idée de recouvrir des éléments usuels du cadre quotidien de secondes peaux tricotées et colorées, faites de chutes de laines usagées, afin d’égayer les villes, trop grises et monotones à son goût. Cela consiste en des installations d’œuvres tricotées (« Knit ») qui habillent des éléments urbains publics ou privés (statues, arbres, poteaux électriques, bancs publics, etc.)
Interdite au même titre que toutes les autres formes de street art, la technique ne détériorant pas les surfaces sur lesquelles elle est installée, les poursuites sont plus rares et moins sévères.
Les pratiques de cette artiste ont même donné naissance à des travaux de groupe appelé « Yarn bombing » , où chacun des participants prend en charge une partie de l’installation comme par exemple avec le « knitta please » aux États-Unis dont fait partie Magda Sayed. Ce mouvement ce répand à ce jour partout dans le monde.