William S. Burroughs

Auteur culte, libertaire, associé à la Beat Generation, expérimentateur, brouilleur de piste, homo, drogué et copié, Burroughs est aujourd’hui une référence de la littérature trash.

William S. Burroughs né le 5 février 1914, fils de bonne famille de la bourgeoisie américaine il mène une adolescence sans histoire.
Après des études médicales inachevées à Vienne, Autriche, il s’installe à New-York où il obtient son diplôme de Littérature Anglaise à Harvard en 1936. Il garde néanmoins pour toujours un goût prononcé pour la chirurgie et la modification du corps, le cerveau et son fonctionnement, les drogues et leurs agissement sur le corps et l’esprit…

Au début de Junky, il témoigne : «J’ai détesté l’université et la ville dans laquelle je vivais. Tout en elle était mort. L’université était un faux décors anglais entre les mains de diplômés de fausses universités anglaises».

En 1944, Burroughs travaille en tant que détective privé avec la pègre de New York.

Fréquentant alors les lieux underground new-yorkais, ceux où la petite pègre croise les artistes méconnus, il fait des rencontres, notamment celle du poète gay Allen Ginsberg, qui lui présente l’écrivain Jack Kerouac (connu pour son roman Sur la route, 1957) en 1944. Ils resteront intimement liés, créant ensemble un mouvement artistique basé sur le refus de l’American Way of Life des sixties, la fameuse Beat Generation (mouvement de la contre-culture qui influencera le mouvement hippies des années 60, jusqu’aux punks des années 70).

C’est durant cette période de détective privé qu’il rencontre Joan Vollmer, elle sera sa femme. Ils partageront un appartement avec Jack Kerouac et sa femme Eddie Parker.
Il écrira avec Kerouac le roman Et les Hippopotames ont bouillis vifs dans leur piscine, roman inspiré par l’affaire Kammerer-Carr.

A cette même époque, Burroughs découvre la drogue (héroïne, morphine, opium). Le 6 septembre 1951, il est ivre et tue accidentellement sa femme d’une balle dans la tête, en essayant de reproduire la performance de Guillaume Tell (qui tira une flèche sur la pomme posée sur la tête de son fils) ; il est alors inculpé pour homicide involontaire. Après un court séjour en prison, il abandonne son fils (né en 1947) et écrit Junkie, sur ses déboires de toxico. C’est le premier livre d’une oeuvre scandaleuse par ses thèmes (homosexualité, mort, drogue) et par sa forme brute est sans concession.

Les années qui suivent sont synonyme d’errance et de déchéance pour Burroughs. Il écrit, dans Queer (1985), qu’il ne serait jamais devenu écrivain sans le meurtre de sa femme. Il était dans un tel état de «lifelong struggle» que le seul moyen de s’en sortir était d’en parler, «I had no choice except to write my way out» (pour se sortir de cette lutte incessante, il n’avait d’autre choix que d’écrire). Il parcours l’Amérique du Sud, puis le Maroc en 1954 et enfin s’installe en 1956 au Beat Hotel à Paris avec Ginsberg et Kerouac. C’est à Paris qu’il fera éditer son livre le plus célèbre par la maison Olympia Press :

Le Festin Nu. Après un débat houleux sur sa violence et sa soi-disant pornographie, Naked Lunch paraît aux Etats-Unis en 1962, mais il fera l’objet de longues luttes devant la justice et sera même condamné en 1965. Ses romans suivants seront tout aussi provocateurs – sur la forme et sur le fond – comme notamment

La Machine Molle (1961) ou Le Ticket qui explosa (1962). Plus tard, son écriture s’apaisera et deviendra franchement accessible avec Les Garçons sauvages (1971) ou Le Havre des Saints (1973).

Burroughs refusera en bloc l’idéologie américaine. Libertaire, il place l’individu au-dessus des valeurs alors [et toujours] vénérées par la nation : la famille et l’argent. Il refuse le capitalisme comme le communisme. Il dévore des romans de science-fiction et s’essaie à toutes les drogues.

En 1980, il suit une de désintoxication à l’apomorphine, puis s’installe à Lawrence, Kansas avec son amant, depuis 1974, James Grauerholz. Il meurt le 2 février 1997 à sa propriété.

Oeuvre :

Voici un aperçu de l’oeuvre (incomplète car documents non retrouvés ou manquants) de cet artiste qui a inventé, renouvelé, expérimenté toutes sortes d’arts (son, peinture, littérature, cinéma…). Une oeuvre trash, bizarre, psychédélique, magique inspirée de ses délires et hallucinations perchées dans un « univers magique » (qualificatif employé par William S. Burroughs). Entrez donc dans ce voyage expérimental au travers de ses oeuvres.

Littérature :

Burroughs est connu pour ses livres trash, obscènes dont les thèmes principaux choquent : homosexualité, sexe, drogues, mort.
Il écrit The Electronic Revolution, un essai publié en 1970 qui décrit le langage comme un virus (postulat de base du Cut-Up). Le commentaire est joint en fin de dossier.

Livres notables :

-Junkie, 1952

« On devient drogué parce qu’on n’a pas de fortes motivations dans une autre direction. La came l’emporte par défaut. J’ai essayé par curiosité. Je me piquais comme ça, quand je touchais. Je me suis retrouvé accroché. La plupart des drogués à qui j’ai parlé m’ont fait part d’une expérience semblable. Ils ne s’étaient pas mis à employer des drogues pour une raison dont ils pussent se souvenir. Ils se piquaient comme ça, jusqu’à ce qu’ils accrochent. On ne décide pas d’être drogué. Un matin, on se réveille malade et on est drogué. »

Premier ouvrage de Burroughs, Junky décrit la réalité crue d’un héroïnomane en errance, doué du regard terriblement lucide de l’écrivain. De New York à Mexico, William Lee, double romanesque de l’auteur, fait l’expérience de la came, de la privation, de la prison et de la fuite : il apprend « l’équation de la came », qui n’est ni une jouissance ni un plaisir, mais un mode de vie. Un livre qui fit scandale lors de sa première publication, et qui laisse présager l’œuvre à venir.

-Le Festin Nu (Naked Lunch) qui parait en 1959 chez Olympia Press en France.

« Ce livre, longtemps interdit, est devenu légendaire. Le festin nu est une descente aux enfers de la drogue ? morphine, héroïne, cocaïne, opium? Sujétion, délivrance et rechute, tel est le cycle qui constitue l’un des problèmes du monde moderne. Suite d’épisodes enchevêtrés et disparates où se mêlent hallucinations et métamorphoses, clowneries surréalistes et scènes d’horreur à l’état pur, cauchemars et délires poético-scientifiques, érotisme et perversions, Le festin nu est d’une veine à la fois terrifiante, macabre, et d’un comique presque insoutenable. »

-Trilogie des Nova :

Nova express, 1963 – The Ticket That Exploded (Le Ticket qui explosa), 1967 – The Soft Machine

(La Machine molle), 1968

-And the Hippos Were Boiled in Their Tanks, en collaboration avec Jack Kerouac, parue en 2008 (date étrange à vérifier)

Art Sonore :

Technique basée sur le découpage de mots, phrases, fragments tirés de texte originaux, articles, textes d’autres auteurs qui sont réarrangés de manière à créer un nouveau texte. 
Il utilisera le Cut-Up autant dans sa littérature que dans ses enregistrements sonores parus chez Industrial Records, éditeur de musique expérimental et de bruitisme.

Le cut-up est inventé par l’artiste Brion Gysin (auteur appartenant à la Beat Generation) mais popularisé par William S. Burroughs, dans les années 60. Il s’agit d’une technique littéraire, plus tard qualifiée de genre littéraire, qui consiste en un découpage et un assemblage de textes : créer un texte inédit à partir de textes préexistants, en adoptant une écriture mécanique.
Il suffit de prendre une page de papier (journal, discours politique, livre, poèmes…), et de la couper au milieu. Il y a maintenant quatre sections : 1 2 3 4. Après avoir réarrangé les sections en plaçant la section 4 avec la section 1 et la section 2 avec la section 3, on obtient une nouvelle page, composée d’un agencement aléatoire de textes. La signification peut être presque la même, ou totalement différente, dans tous les cas il y a du sens. Le cut-up n’existe pas avant sa conception puisqu’il n’est pas pensé antérieurement. C’est le fruit d’une composition hasardeuse.
Ce procédé reste accessible à tous puisqu’il y a une réelle indépendance entre le texte et son créateur. La mécanisation de l’écriture pose donc la question de l’auteurisme. Les cut-ups constituent souvent des messages codés, que seul le
«coupeur» peut comprendre. Par exemple, de la prose peut être entièrement composée à partir de cut-ups réarrangés. Cette méthode amène la notion d’inconscient, qui, on le sait, a beaucoup retenu l’attention de nombreux écrivains (Freud, Les Surréalistes…).
Couper et réarranger une page de mots introduit, en plus de l’imprévisibilité et de la spontanéité, une nouvelle dimension dans l’écriture : la création de nouvelles images. Le texte est traité comme une image, pris dans sa dimension matérielle. Le cut-up offre à l’écriture la possibilité d’user du collage comme la peinture, le cinéma, la photographie le faisaient depuis longtemps.
A travers cette méthode émerge une « troisième voix », c’est-à-dire un nouveau sens, un esprit (Mind), qui n’était présent ni dans le premier texte, ni dans le second, mais bien dans le dernier qui a fait son apparition dans la composition des deux.
Oeuvres produites par William S. Burroughs, avec la méthode du cut-up :
The Exterminator (1960) avec Brion Gysin
Minutes to go (1960) avec Brion Gysin, Gregory Corso et Sinclaire Beiles
La trilogie : The soft machine (1961) The Ticket That Exploded (1962) Nova Express (1964)
œuvre Croisée (1976) Lettres de Tanger à Allen Ginsberg (1990)

Oeuvre croisée (The Third Mind) est un recueil de travaux écrits par William S. Burroughs et Brion Gysin entre 1965 et 1970. Il est composé de textes fictionnels et d’essais sur la poésie, à travers lesquels les auteurs questionnent la création littéraire, et la production de sens.

Jusque-là un artiste plutôt underground, la parution de son 1er album Call Me Burroughs lui accorde une toute nouvelle célébrité. « En plein milieu des années 1960, Call Me Burroughs était un disque essentiel. Tous les Beattles en avaient un exemplaire […] »

Le simple fait que de nombreuses personnalités connues apprécient et parlent des œuvres de Burroughs a suffit à intéresser un plus large public. De plus, Burroughs et son cut-up ont été une inspiration pour certains artistes de la scène rock des années 1970, en particulier

David Bowie (qui réfère de nombreuses fois à des éléments ou des personnages « burroughsiens ») et le groupe des Rolling Stones (« Casino Boogie», Exile on Main St., 1972). « Cette chanson a été faite en cut-ups. Dans le style de William Burroughs […] « Million dollar sad» ne veut rien dire. […] On a simplement écrit des phrases sur des morceaux de papier et on les a coupés. C’est ingénieux. Le style Burroughs. Et puis vous les jetez dans un chapeau, les piochez et les assemblez en vers. » (Mick Jaggers et Keith Richards, dans une interview pour le magazine Uncut (avril 2010))

lien vers «Casino Boogie» :

Révolution électronique

La révolution Electronique, de W. S. Burroughs, revendication du cut up comme une révolution des consciences « Dans la révolution électronique, j’avance la théorie qu’un virus est une très petite unité de mot et d’image. J’ai suggéré alors que de telles unités pouvaient être activées biologiquement pour agir comme des tensions virales communicables. »
Dans ce texte, W.S.B. établissait des considérations sur le mot comme virus, l’état des mass-médias et leur capacité de contrôle, et y avançait des modes opératoires de brouillage des discours officiels et de renversement des institutions autoritaires. La méthode du cut-up, récurrente dans l’oeuvre de William Burroughs, y apparaît, entre autres, comme une modalité virale, « comme une arme à longue distance ». Utilisée par Burroughs avec des techniques sonores, et des expérimentations cinématographiques. Pour une réappropriation et une réactivation des sens : des significations autant que des sensations, pour une révolution des consciences.
La méthode du cut-up a été utilisée par Burroughs dans l’écriture, puis sur bande magnétique et dans des expérimentations cinématographiques. Montages, collages, arrangements, variations à partir de matériaux préexistants pour la création de sens nouveau ou de visions hallucinatoires. Ce point d’écoute permettra au public d’approcher au plus près l’oeuvre foisonnante de cet artiste et d’entrevoir ses infiltrations dans les pratiques, les techniques et les médias actuels.

Cinéma

Burroughs a aussi écrit et réalisé pour le cinéma. Il est aussi acteur et fait de nombreuses apparitions dans nombre de films.

Films

Towers Open Fire, co-réalisé par Anthony Balch et William S. Burroughs, écrit par William S. Burroughs, avec William S. Burroughs, 1963
William Buys a Parrot, réalisé par Anthony Balch, écrit par William S. Burroughs, 1963
The Cut Ups, adapté et réalisé par Anthony Balch, d’après une histoire de William S. Burroughs et avec William S. Burroughs, 1966
The Discipline of D.E., adapté et réalisé par Gus Van Sant d’après une nouvelle de William S. Burroughs, 1982
BURROUGHS, d’Howard Brookner, documentaire sur la vie de William S. Burroughs, 1985 -https://www.imdb.com/title/tt3581384/
Drugstore Cowboy, adapté et réalisé par Gus Van Sant, avec William S. Burroughs, 1989 bande annonce

Shotgun Art

Ce n’est pas évident pour un grand écrivain comme Burroughs de passer à l’Art visuel, mais il a réussi. L’envie de peindre s’est manifestée vers la fin de sa vie et il a réalisé des tableaux extraordinaires. Selon lui, c’est la mort de son ami Brion Gysin, en 1986, qui lui a donné la liberté de devenir peintre.

Un jour, William est arrivé au champ de tir où il avait l’habitude de venir depuis plusieurs années avec des bombes de peinture. Il les a accroché devant des planches et s’est mis à tirer dessus. C’est ainsi qu’il a inauguré le « Shotgun Art ». Il peint avec des pinceaux, des armes à feu, des couteux à peinture? Pour le Shotgun Art, il faut une planche en bois, on place une bombe de peinture devant et on tire dessus. La peinture se disperse sur le bois et on n’a aucun moyen de prévoir le résultat.

Il fit une exposition au Los Angeles County Museum of Arts en 1996.

Beat Generation

William S. Burroughs est associé à la Beat Generation. A l’origine de ce mouvement, trois écrivains en herbe : Jack Kerouac, Allan Ginsberg et Williams S. Burroughs, même si ce dernier ne s’est jamais vraiment identifié à ce mouvement.

Ces trois amis se sont rencontrés à New-York, à la fin de la deuxième guerre mondiale et ont crée ce mouvement littéraire et artistique dans les années 1950. La Beat Generation apparaît comme une constellation de la révolte. Ce mouvement artistique est basé sur le refus de l’American Way of Life.

La Beat Generation est une contre-culture qui influencera le mouvement hippy des sixties et même les punks des années 1970.

Définition de la Beat Generation selon Kerouac

« Beat Generation, membre d’une génération qui a grandi après la seconde guerre mondiale, guerre de Corée, et qui s’est rassemblée autour d’un relâchement des tensions sexuelles et sociales et a épousé l’anti-embrigadement, le détachement mystique et les valeurs de la simplicité matérielle, soit disant en conséquence de la désillusion de la guerre froide. »