Gordon Matta-Clark

Gordon Matta-Clark est un artiste américain connu pour ses œuvres réalisées dans les années 1970. Il est célèbre pour ses coupes de bâtiment une série de travaux dans des bâtiments abandonnés dans lesquels il a enlevé des morceaux de planchers, de plafonds, et de murs et notamment « Conical Intersect » que la Biennale de Paris 1975 avait organisée : une percée architecturée dans le vif d’un immeuble.

Le 22 juin 1943, naissance à New York de Gordon Roberto Matta et de son frère jumeau John Sebastian Matta Batan, fils d’Anne Clarck et du peintre surréaliste d’origine chilienne : Roberto Matta.
En 1962, Gordon Matta commence des études d’architecture à l’université Cornell, à Ithaca. Mais il quitte l’école d’architecture pour un an, en 1963, pour étudier la littérature française à la Sorbonne, à Paris.
C’est à Paris qu’il a pris connaissance des philosophes français déconstructivistes et des situationnistes, comme Guy Debord. Ces radicaux culturels et politiques ont développé le concept du détournement, ou « la réutilisation d’éléments artistiques préexistants dans un nouvel arrangement ». De tels concepts alimenteront son travail plus tard.

« Quand je détruis un bâtiment, je m’élève contre de multiples aspects de la condition sociale : j’ouvre un espace clos, conditionné non seulement par une nécessité physique, mais aussi par l’industrie qui prodigue des « boîtes » (boxes) en ville et en banlieue et s’assure par là même une clientèle passive et isolée ? un public virtuellement captif. »

Gordon Matta-Clark


En 1968 il termine ses études et réalise sa première œuvre « Rope Bridge »
En février 1969, Matta-Clark, qui habitait à Ithaca, fut invité à l’exposition Earth Art, organisée par Willoughby Sharp sur une proposition de Tom Leavitt, qui eut lieu au « Andrew Dickson White Museum of Art », à Ithaca ou il rencontre Robert Smithson qui deviendra son ami. La même année, il assiste Dennis Oppenheim à la création de deux projets, toujours pour l’exposition Earth Art. Sharp alors encourage Gordon Matta-Clark à déménager à New York ou il pourra l’aider dans ses projets et le conseiller ainsi il lui ouvre les portes du monde de l’art New-Yorkais.


En 1971, Matta-Clark a fondé Food, à SoHo, un restaurant géré par des artistes. Food est devenu très connu parmi les artistes et était un lieu de rendez-vous central pour des groupes tels que Philip Glass Ensemble, Mabou Mines, et les danseurs de Grand Union. Ce n’est que cette année qu’il décide d’ajouter le nom de famille de sa mère, Clark, à son nom, afin de séparer son identité de celle de son père.


C’est également en 1971, que Gordon Matta-Clark est accepté pour la Biennale de São Paulo mais il boycotte cette exposition en signe de protestation contre le gouvernement militaire répressif au Brésil. À partir de 1973 il voyage un peu partout en Europe : Italie, Allemagne (notamment Berlin), France. Jusqu’à la mort de son frère jumeau, en 1976.
Sa dernière œuvre finie est celle qu’il réalisa en février 1978 au Musée Comtemporain de Chicago et qui s’intitule Circus-Caribbean Orange.

Entre 1970 et 1978 l’oeuvre de Gordon Matta-Clark n’aura de cesse de dénoncer les enseignements de l’école et les théories classiques et conventionnelles de l’architecture, rejetant les principes de fonctionnalité et d’ornementation, préférant la confrontation directe de l’artiste et du bâtiment, envisagé alors comme un objet :

« Le fait qu’on dirait que toute l’epérience artistique et architecturale soit de l’ordre du cosmétique est sans conteste l’une des motivations qui ont été à l’initiative de mon oeuvre : on n’arrête pas d’appliquer couche sur couche de cosmétiques, et on veut nous faire croire que c’est cela la véritable substance de ce qu’est l’espace, de ce qu’est un immeuble »

Gordon Matta-Clark meurt le 27 août 1978 d’un cancer.

Déconstructions

Gordon Matta-Clark est célèbre pour ses travaux qui ont radicalement altéré les structures existantes. Ces Building Cuts changent la perception du bâtiment et de son environnement proche. Ces découpes de bâtiments se faisaient la plupart du temps sur des immeubles ou maisons abandonnées : elles laissent apparaître le découpage, le déchiquetage, le bord brut des entrailles.


Il ne s’agit pas de cosmétique, de maquillage comme l’imposent les constructions modernes, mais d’histoire, de temps et de mémoire. Paradoxalement, cette déconstructions peut quand même être considérée comme une forme d’architecture, car l’effet produit par le déchiquetage ou la découpe dans les bâtiment contribue à donner de la valeur au site ou à le protéger. L’immeuble, donc, comme matériaux et support de création, l’architecture qui se transforme en sculpture.

Splitting se présente comme l’oeuvre emblématique du travail de déconstruction de l’architecture entrepris par Gordon Matta-Clark. Le bâtiment ici est découpé sous toutes les coutures, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. L’artiste avait, sur ce projet, une liberté totale, sans intermédaire entre lui et le bâtiment sur lequel il souhaitait travailler :

« Splitting a été au 332 Humphrey Street, à Eglewood dans le New Jersey. c’était un quartier à prédominance noire, qui devait être détruit pour laisser place à un projet de rénovation urbaine qui ne fut jamais achevé. Le travail commença par la découpe d’une tranche de deux centimètres et demi à travers toute la structure de la maison, la partageant en deux. La seconde étape concista à rogner au burin les douze mètres linéaires de fondation pour pouvoir abaisser de trente centimètres la partie arrière de la maison. Les cinq degré d’inclinaison ainsi obtenus formaient une fissure centrale qui animait la maison d’un morceau de lumière du soleil qui se répendait dans toutes les pièces. »

Il fit quelques modifications supplémentaires au premier étage. A l’endroit ou le plafond et les mûrs extérieurs se touchaient dans chaque coin, il fit une découpe de six côtés, avec six angles droits.

Photomontages et Médias

Matta-Clark utilisait un grand nombre de médias pour garder trace de son travail de découpe, entre autres le film, la vidéo, et la photographie : Il édite Splitting : c’est un livre qui montre une série de photomontages sur son oeuvre : Gordon Matta-Clark associe des images les unes au autres, présentant ensemble, l’un à coté de l’autre, les clichés des découpes réalisées dans les murs. (Certains éléments de ses coupes de bâtiments faisaient partie de ses expositions et étaient présentés tels des installations)

Les photomontages réalisés pour Splitting recomposent littéralement l’espace. Les images s’articulent, s’ouvrent autour de la fissure qui traverse la maison et propose de nouvelles perceptions. Cette démarche est intéressante parce qu’elle signifie une sorte de propositon de la part de l’artiste, comme une maquette, les photomontages ici nous dévoilent un projet d’espace, un lieu aux perspectives étranges, contradictoires.

« Dans la maison d’Humphrey Street la découpe a rendu l’espace plus articulé » explique-t-il. La pratique du photomontage en tant que « puzzle » semble alors parfaitement logique, ou en tout cas très bien adaptée, le photomontage de Matta se conjugue avec son travail sur l’espace et les déconstructions d’immeubles. (Ces « polyptiques » ne sont pas encore véritablement du photomontage dans la mesure ou il n’y a pas incrustation d’une image dans l’autre.)

« J’utilise le collage et le montage. J’aime beaucoup casser – c’est dailleurs ce que je fais avec les immeubles. J’aime beaucoup l’idée que le procédé sacré du cadrage des photos est tout autant « violable » […] J’ai commencé par essayer d’utiliser des images multiples afin de tenter de capturer l’expérience « globale » de mon travail. C’est un approximation de cette sorte de « prise de contact » ambulatoire de ce que signifie l’espace. Au fond, c’est une façon de traverser l’espace. »

ll y a dans ces images une coordination de plusieurs points de vue différents, la restructuration d’espaces complexes qui amènent le spectateur à retrouver dans son décor familier des choses qu’il n’avait peut-être pas vues.
La photographe est pour Gordon Matta-Clark une découpe du réel. Le photomontage qui est un ensemble de morceaux d’images, illustre la métaphore de manière plus explicite. Découper un bâtiment pour en dévoiler l’intérieur, la structure, c’est mettre en évidence de quoi était faite l’intimité des foyers. Les découpes de l’artiste révèlent alors l’intégration intime de l’espace de vie compartimenté et dévoilent comment les familles s’adaptent à la structure sociale ue son contenant lui impose. Le type de construction est alors mis à jour, ainsi que l’adaptation de la famille privée à cette ordre invisible, imposé par une architecture socialement conformiste.

Mais ces médias qu’il utilisait lui servaient également à produire des œuvres à part entière. Tel Open House (1972), film retraçant l’installation, à New York, d’un container divisé en son intérieur par trois corridors qui desservaient différentes pièces à ouvertures alternées.

Sauna View 1-2 est une vidéo montrant des amis de Gordon Matta-Clark dans un sauna, par la suite il fit une coupe du sauna afin de révéler la structure du mur.

Son travail comprend des performances et du recyclage, des travaux sur l’espace et la texture, et ses coupes de bâtiment ainsi que le dessin qui faisait partie de son travail, et pouvait être lié ou non à l’architecture (réalisé au feutre, à l’encre, au crayon, ou en mélangeant certains de ces outils)