Apollinaire

Guillaume Apollinaire (né Wilhelm Albert Włodzimierz Apolinary de Kostrowicki herb. Wąż. Apollinaire est en réalité – jusqu’à sa naturalisation en 1916 – son 4e prénom) est un poète et écrivain français, né sujet polonais de l’Empire russe. D’après sa fiche militaire, il est né le 26 août 1880 à Rome et mort pour la France le 9 novembre 1918 à Paris.
Il est considéré comme l’un des poètes français les plus importants du début du xxe siècle, auteur de poèmes tels que Zone, La Chanson du Mal-Aimé, Mai ou encore, ayant fait l’objet de plusieurs adaptations en chanson au cours du siècle, Le Pont Mirabeau. Son œuvre érotique (dont principalement un roman et de nombreux poèmes) se trouve être également passée à la postérité. Il expérimenta un temps la pratique du calligramme (terme de son invention, quoiqu’il ne soit pas l’inventeur du genre lui-même, désignant des poèmes écrits en forme de dessins et non de forme classique en vers et strophes). Il fut le chantre de nombreuses avant-gardes artistiques de son temps, notamment du cubisme à la gestation duquel il participa, et poète et théoricien de l’Esprit nouveau, et sans doute un précurseur majeur du surréalisme dont il a forgé le nom.

Biographie

En 1901 et 1902, il fut précepteur pour la vicomtesse Élinor de Milhau, d’origine allemande et veuve d’un comte français. Il tomba amoureux de la gouvernante anglaise de ses enfants, Annie Playden, qui refusa ses avances. C’était alors la période « rhénane » dont ses recueils portent la trace (La Lorelei, Schinderhannes). De retour à Paris en août 1902, il garda le contact avec Annie et se rendit auprès d’elle à deux reprises à Londres. Mais en 1905, elle partit pour l’Amérique. Le poète célébra la douleur de l’éconduit dans Annie, La Chanson du mal-aimé, L’Émigrant de Landor Road, Rhénanes.
Entre 1902 et 1907, il travailla pour divers organismes boursiers et commença à publier contes et poèmes dans des revues. En 1907, il rencontra l’artiste peintre Marie Laurencin, avec qui il entretint une relation chaotique et orageuse. À cette même époque, il commença de vivre de sa plume. Il se lia d’amitié avec Pablo Picasso, Jean Metzinger, Paul Gordeaux, André Derain, Edmond-Marie Poullain, Maurice de Vlaminck et le Douanier Rousseau, se fit un nom de poète et de journaliste, de conférencier et de critique d’art. En septembre 1911, accusé de complicité de vol parce qu’une de ses relations avait dérobé des statuettes au Louvre, il fut emprisonné durant une semaine à la prison de la Santé ; cette expérience le marqua. En 1913, il publie Alcools, somme de son travail poétique depuis 1898. Sa seconde demande en décembre 1914 fut acceptée, ce qui lança sa procédure de naturalisation. Peu avant de s’engager, il tomba amoureux de Louise de Coligny-Châtillon, rencontrée à la Villa Baratier, dans les environs de Nice en septembre 1914 et la surnomma Lou. La comtesse était divorcée et menait une vie très libre. Guillaume Apollinaire s’éprit d’elle et la courtisa d’abord en vain. Puis quand sa demande d’engagement fut enfin acceptée et qu’il fut envoyé à Nîmes, elle finit par accepter ses avances et par le rejoindre pendant une semaine, mais elle ne lui dissimula pas son attachement pour un homme qu’elle surnommait Toutou. Rapidement, Guillaume dut partir au front. Une correspondance naquit de leur relation ; au dos des lettres qu’Apollinaire envoyait au début au rythme d’une par jour ou tous les deux jours, puis de plus en plus espacées, se trouvaient des poèmes qui furent rassemblés plus tard sous le titre de Ombre de mon amour puis de Poèmes à Lou.
Sa déclaration d’amour, dans une lettre datée du 28 septembre 1914, commençait en ces termes : « Vous ayant dit ce matin que je vous aimais, ma voisine d’hier soir, j’éprouve maintenant moins de gêne à vous l’écrire. Je l’avais déjà senti dès ce déjeuner dans le vieux Nice où vos grands et beaux yeux de biche m’avaient tant troublé que je m’en étais allé aussi tôt que possible afin d’éviter le vertige qu’ils me donnaient. »

Mais la jeune femme ne l’aimera jamais, du moins comme il l’aurait voulu ; ils rompirent en mars 1915 en se promettant de rester amis. Le 2 janvier 1915, il fit la connaissance de Madeleine Pagès dans un train. Il partit avec le 38e régiment d’artillerie de campagne pour le front de Champagne le 4 avril 1915. Malgré les vicissitudes de l’existence en temps de guerre, il écrivit dès qu’il le put pour tenir et rester poète (Case d’Armons, et une abondante correspondance avec Lou, Madeleine et ses nombreux amis). Il se fiança à Madeleine en août 1915. Transféré à sa demande au 96e régiment d’infanterie avec le grade de sous-lieutenant en novembre 1915, il fut naturalisé français le 9 mars 1916 sous le nom de Guillaume Apollinaire. Il fut blessé à la tempe par un éclat d’obus le 17 mars 1916, alors qu’il lisait le Mercure de France dans sa tranchée. Évacué à Paris, il fut trépané le 10 mai 1916. Après une longue convalescence, il se remit progressivement au travail, fit jouer sa pièce Les Mamelles de Tirésias (sous-titrée drame surréaliste) en juin 1917 et publia Calligrammes en 1918. Il épousa Jacqueline (la « jolie rousse » du poèmes), à qui l’on doit de nombreuses publications posthumes.

Affaibli par sa blessure, Guillaume Apollinaire mourut le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole, « grippe intestinale compliquée de congestion pulmonaire » ainsi que l’écrit Paul Léautaud dans son journal du 11 novembre 1918. Il fut enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris alors que, dans les rues, les Parisiens célébraient la fin de la guerre. Au passage de son cercueil, les parisiens criaient « À mort Guillaume ! » (pour Guillaume II, l’empereur allemand’)
La tombe de Guillaume Apollinaire au cimetière du Père-Lachaise, division 86, présente un monument-menhir conçu par Picasso et financé par la vente aux enchères de deux œuvres de Matisse et Picasso le 21 juin 1924. La tombe porte également une double épitaphe extraite du recueil Calligrammes, trois strophes discontinues de « Colline », qui évoquent son projet poétique et sa mort, et un calligramme de tessons verts et blancs en forme de c’ur qui se lit « mon c’ur pareil à une flamme renversée ».
Son nom est cité sur les plaques commémoratives du Panthéon de Paris dans la liste des écrivains morts sous les drapeaux pendant la Première Guerre mondiale.

Regards sur l’œuvre

Influencé par la poésie symboliste dans sa jeunesse, admiré de son vivant par les jeunes poètes qui formèrent plus tard le noyau du groupe surréaliste (Breton, Aragon, Soupault – Apollinaire est l’inventeur du terme « surréalisme »), il révéla très tôt une originalité qui l’affranchit de toute influence d’école et qui fit de lui un des précurseurs de la révolution littéraire de la première moitié du xxe siècle. Son art n’est fondé sur aucune théorie, mais sur un principe simple : l’acte de créer doit venir de l’imagination, de l’intuition, car il doit se rapprocher le plus de la vie, de la nature. Cette dernière est pour lui « une source pure à laquelle on peut boire sans crainte de s’empoisonner » (œuvres en prose complètes, Gallimard, 1977, p. 49). Mais l’artiste ne doit pas l’imiter, il doit la faire apparaître selon son propre point de vue, de cette façon, Apollon, Ades et Zeus se battirent, mais ce fut Athéna qui gagna parle d’un nouveau lyrisme. L’art doit alors s’affranchir de la réflexion pour pouvoir être poétique. « Je suis partisan acharné d’exclure l’intervention de l’intelligence, c’est-à-dire de la philosophie et de la logique dans les manifestations de l’art. L’art doit avoir pour fondement la sincérité de l’émotion et la spontanéité de l’expression : l’une et l’autre sont en relation directe avec la vie qu’elles s’efforcent de magnifier esthétiquement » dit Apollinaire (entretien avec Perez-Jorba dans La Publicidad). L’œuvre artistique est fausse en ceci qu’elle n’imite pas la nature, mais elle est douée d’une réalité propre, qui fait sa vérité.
Apollinaire se caractérise par un jeu subtil entre modernité et tradition. Il ne s’agit pas pour lui de se tourner vers le passé ou vers le futur, mais de suivre le mouvement du temps. « On ne peut transporter partout avec soi le cadavre de son père, on l’abandonne en compagnie des autres morts. Et l’on se souvient, on le regrette, on en parle avec admiration. Et si on devient père, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un de nos enfants veuille se doubler pour la vie de notre cadavre. Mais nos pieds ne se détachent qu’en vain du sol qui contient les morts » (Méditations esthétiques, Partie I : Sur la peinture).
C’est ainsi que le calligramme substitue la linéarité à la simultanéité et constitue une création poétique visuelle qui unit la singularité du geste d’écriture à la reproductibilité de la page imprimée. Apollinaire prône un renouvellement formel constant (vers libre, monostiche, création lexicale, syncrétisme mythologique). Enfin, la poésie et l’art en général sont un moyen pour l’artiste de communiquer son expérience aux autres. C’est ainsi qu’en cherchant à exprimer ce qui lui est particulier, il réussit à accéder à l’universel. Enfin, Apollinaire rêve de former un mouvement poétique global, sans écoles, celui du début de xxe siècle, période de renouveau pour les arts et l’écriture, avec l’émergence du cubisme dans les années 1900, du futurisme italien en 1909 et du dadaïsme en 1916. Il donnera par ailleurs à la peinture de Robert Delaunay et Sonia Delaunay le terme d’orphisme, toujours référence dans l’histoire de l’art. Apollinaire entretient des liens d’amitié avec nombre d’artistes et les soutient dans leur parcours artistique (voir la conférence « La phalange nouvelle »), tels les peintres Pablo Picasso, Georges Braque, Henri Matisse et Henri Rousseau.
Son poème Zone a influencé le poète italien contemporain Carlo Bordini et le courant dit de Poésie narrative.
Derrière l’œuvre du poète, on oublie souvent l’œuvre de conteur, en prose, avec des récits tels que Le Poète assassiné ou La femme assise, qui montrent son éclectisme et sa volonté de donner un genre nouveau à la prose, en opposition au réalisme et au naturalisme en vogue à son époque. À sa mort, on a retrouvé de nombreuses esquisses de romans ou de contes, qu’il n’a jamais eu le temps de traiter jusqu’au bout.

Quelques oeuvres

Poésie


-Tombe de Guillaume Apollinaire au cimetière du Père-Lachaise à Paris
-Le Bestiaire ou Cortège d’Orphée, illustré de gravures par Raoul Dufy, Deplanche, 1911. Cet ouvrage a également été illustré de lithographies en couleurs par Jean Picart Le Doux, Les Bibliophiles de France, 1962.
-Alcools, recueil de poèmes composés entre 1898 et 1913, Mercure de France, 1913.
-Vitam impendere amori, illustré par André Rouveyre, Mercure de France, 1917.
-Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, Mercure de France, 1918.
-Aquarelliste
-Il y a…, recueil posthume, Albert Messein, 1925.
__Romans et contes__
-Mirely ou le Petit Trou pas cher, roman érotique écrit sous pseudonyme pour un libraire de la rue Saint-Roch à Paris, 1900 (ouvrage perdu).
-Que faire ?, roman-feuilleton paru dans le journal Le Matin, signé Esnard, auquel G.A. sert de nègre.
-Les Onze Mille Verges ou les Amours d’un hospodar12, publié sous couverture muette, 1907.
-L’Enchanteur pourrissant, illustré de gravures d’André Derain, Kahnweiler, 1909.
-L’Hérésiarque et Cie, contes, Stock, 1910.
-Les Exploits d’un jeune Don Juan, roman érotique, publié sous couverture muette, 1911. Le roman a été adapté au cinéma en 1987 par Gianfranco Mingozzi sous le même titre.
-La Rome des Borgia, qui est en fait de la main de Dalize, Bibliothèque des Curieux, 1914.
-La Fin de Babylone – L’Histoire romanesque 1/3, Bibliothèque des Curieux, 1914.
-Les Trois Don Juan – L’Histoire romanesque 2/3, Bibliothèque de Curieux, 1915.
-Le Poète assassiné, contes, L’Édition, Bibliothèque de Curieux, 1916.
-La Femme assise, inachevé, édition posthume, Gallimard, 1920.
-Les Épingles, contes, 1928.