Georges Aperghis

Biographie

Georges Aperghis est un compositeur contemporain grec, puis naturalisé français. Il fut baigné dans le monde des arts depuis sa naissance, puisqu’en effet sa mère était peintre et son père sculpteur. Aperghis apprit la musique de manière autodidacte, puis très influencé par le sérialisme, la musique concrète et par les recherches de Xenakis, il finit par se lancer concrètement dans son art en 1970. À aujourd’hui 76ans, il représente une réelle influence dans son domaine. Mari de la comédienne Edith Scob, décédée il y a très peu, il imagina avec elle une nouvelle vision d’appréhender le théâtre et la musique. C’est un artiste qui a exploré le son de la parole d’une manière originale, et s’inscrit comme un compositeur polyvalent. Aperghis s’est essayé et s’essaie toujours encore au théâtre musical, à la création d’opéra, de pièces pour instruments seuls, d’oeuvres de musique de chambre, pièce vocale ou pour orchestre.

Et c’est avec La tragique histoire du nécromancien Hiéronimo et de son miroir datant de1971, qu’il débutera sa carrière. C’est un théâtre musical pour marionnettes, actrice, mezzo-soprano, luth, violoncelle et bande magnétique. Cette oeuvre représente ainsi sa toute première pièce de théâtre musicale. Elle lie étroitement la musique au texte et à la scène et préfigure sa recherche d’une dramaturgie musicale originale qu’il va poursuivre jusqu’à aujourd’hui. Des suites de cette première amorce, Aperghis créa l’Atelier de Théâtre et Musique (ATEM) à Bagnolet. C’est là que son travail avec sa compagne Edith Scob débuta. Cet espace fut d’abord uniquement consacré au travail du compositeur. Avec la temps, il devint un endroit où créations musicales et théâtrales fusionnent, où se mélangent des musiciens, des comédiens, des auteurs, scénographes et artistes plastiques. Ses pièces intègrent les éléments vocaux, instrumentaux, gestuels, narratifs et scéniques dans un cadre expressif unique. L’élaboration musicale et l’émergence d’un langage signifiant saisi en son état naissant, progressent de pair, par la répétition de bribes textuelles et de cellules sonores, arrangées comme des jeux de construction se jouant de l’attente et du sens. Un grand nombre d’œuvres de théâtre musical jalonnent ce parcours, nous pouvons citer Je vous dis que je suis mort (1978), Sextuor L’origine des espèces (1992) et Machinations (2000).

Conversations de G. Aperghis, 1985 – ATEM – Bagnolet – avec Edith Scob et Michaël Lonsdale, actrice.teur, et Jean-Pierre Drouet percussionniste.

En 1997, ATEM devient T&M. Nous pouvons observer qu’il aura changer de localisation deux fois et s’associera au théâtre de Nîmes avant de s’y implanter réellement en 2020. Aperghis tient un lien particulier avec l’opéra, c’est en ces lieux qu’il réalisa la synthèse de ses travaux expérimentaux. Nous imaginons ici, le texte comme élément déterminant et fédérateur, et la voix comme principal vecteur de l’expression. Le compositeur créa pas moins de huit oeuvres lyriques dont Avis de tempête (2004) qui lui valu le Grand Prix de la critique de 2005. Il compose également de nombreuses pièces pour instruments seuls, des œuvres de musique de chambre, vocales, pour orchestre. Sa musique instrumentale même comporte des éléments théâtraux ou verbaux, comme le suggère le titre des pièces Quatre Récitations pour violoncelle (1980). Plus d’une centaine de pièces compose son catalogue. L’année 2000 a été marquée par deux créations aujourd’hui majeures, entendues à travers toute l’Europe : Die Hamletmaschine-Oratorio, sur un texte de Heiner Müller et le spectacle musical Machinations, commande de l’Ircam, qui s’est vu décerner par la Sacem le Prix de la meilleure création de l’année.

La liste de ses oeuvres est encore longue, c’est pour cela que nous poursuivrons notre étude sur Georges Aperghis en précisant son oeuvres avec quelques exemples. Comme écrit plus au dessus, Aperghis est un artiste très polyvalent, qui n’hésite pas à s’essayer à des thèmes encore inconnus. Il joue avec les codes de la musique et de la mise en scène, et en fait sa signature. Lorsque des pièces comme Dark Side ou Contretemps s’impose pour un public mature, des pièces telles que Le Petite Poucet (2007) rend compte de son intérêt pour la jeunesse. Cette pièce musicale est le fruit d’une collaboration avec le vidéaste-plasticien Hans Op de Beeck. Celui-ci a donc illustré tout l’ensemble musicale imaginé par Aperghis. Tout ce travail offre une immersion visuelle et sonore hors du commun, et plutôt inédite pour Aperghis.

Le Petit Poucet, 2007

Pourtant, dans un autre registre, la performance Retrouvailles souligne son attrait pour l’expérimental. Cette amour pour explorer le son de la parole s’illustre bien ici. Deux percussionnistes produisent des sons avec leur corps par des coups plus ou moins légers, avec la voix et avec des objets. Aucuns mots n’est entendu, pourtant il s’agit bien d’une conversation entre deux hommes qui semblent déjà se connaitre, d’où le titre. Nous y retrouvons des gestes de la vie de tous les jours, se serrer la main, se faire une accolade etc. Cette performance est une reconstitution de situations qui semblent réelles, mais qui perdent de leur réalité par ce processus de travail avec la voix et de gestes saccadés. Par ailleurs, elle est à l’origine d’une idée de Harry Vogt, directeur du Witten Festival, lieu de la première représentation de cette performance.

En outre, cette retrospective du travail de Georges Aperghis ne serait pas complète si nous ne parlions pas plus précisément du spectacle musical Machinations. Cette oeuvre scénique d’une durée d’une heure est composée de quatre voix de femme dont nous ne voyons que les mains et le visage. Une caméra disposée au dessus de leurs mains les filment en train de manipuler des objets qui ont toujours fait parti de l’environnement de l’homme (feuilles d’arbres, cailloux, ossements, parties des mains, doigts, écorces d’arbres, cheveux, sable, coquillages, graines, plumes, etc). Les sons qu’elles produisent sont appelés phonèmes, ils sont en quelques sortes une illustrations sonores de la fragilité humaine détenue par la parole selon différents balbutiements, bégaiements, asthme et c’est là que tout devient interessant, au delà de l’oeuvre globale qui l’es tout autant. Ces objets posés par elles sur leur table seront captés par une mini-caméra vidéo, et on les verra sur les écrans qui se trouveront au-dessus d’elles.

Machinations, 2000

Ces objets doivent être comme une concrétisation des phonèmes, comme si ce qui est prononcé nommait ces objets.Voici pour l’univers qui initialement caractérise ces quatre femmes. Un peu plus loin, un homme devant son ordinateur, scrute les gestes des quatre femmes et intervient sur le déroulement en manipulant leur voix, leur phrasé, accentue tel ou tel paramètre de leur flux sonore et plein d’autres fonctions. L’oeuvre oscille est ces cinq acteurs.rices. Sur le plan visuel aussi, l’homme envahit par moments leurs écrans en y injectant les graphiques des programmes de son ordinateur. Ainsi les phonèmes et objets sonores et visuels changent de nature et entrent, malgré eux, dans un discours musical. Par conséquent, un discours logique se glisse dans les explications de ce spectacle musical, nous pourrions la qualifier de traversée des temps, prenant comme base le jeu de dé pour finir par les programmes de nos ordinateurs contemporains. Nous y voyons ici une critique de l’ambiguïté de la machine de nos société. En outre, Pierre Sublet a recréé en 2019 une nouvelle version de Machinations, cette fois il n’y a plus quatre femmes mais quatre couples. Ils sont toujours accompagné par un ordinateur manipulé, en l’occurence, par une cinquième personne.

Pour résumé

Pour résumé, nous avons affaire à un artiste passionné, curieux et altruiste. La totalité de son oeuvre est parsemé d’ingéniosité, ces nombreux prix en témoigne : prix Mauricio Kagel en 2011, Lion d’Or de la Biennale de Venise en 2015, prix des Frontières de la connaissance (catégorie Musique contemporaine) de la Fondation BBVA en 2016. C’est en 2021 qu’il a obtenu une consécration pour l’ensemble de son oeuvre en recevant le prix Ernst von Siemens Musikpreis de la part de l’académie bavaroise des Beaux-Arts de Munich. Georges Aperghis est indéniablement une véritable référence pour les arts sonores.