Jean Vérame

Jean Vérame est un plasticien français, d’origine belge, vivant en France, né en 1936 à Gand (Belgique).
Peintre et sculpteur, Jean Vérame situe son travail à la dimension du paysage et développe un art nomade à l’échelle de la planète.

Premier contact : Au hasard d’un farfouillage dans les rayonnages d’une médiathèque,un livre d’art m’interpelle, une couverture m’appelle, une couleur me saute aux yeux : du bleu… puis du rouge,du violet, du blanc, du noir ? et la pierre, le désert, le sable… voyage, paysage, méditation… qui est donc Jean Vérame ? Quel est donc ce grand enfant qui, lui , réussit a peindre le monde sans se faire gronder ? un artiste Or musée, un peintre sans institutions ! l’art vibre encore de toute sa liberté !

  • A qui est destinée cette couleur ? A qui fait-il ce don ?
    – A l’Homme à venir : l’avenir.


Intriguée je visionne des documentaires, cherche des photos: la fascination opère. Ce cadeau est pour nous, pour vous , pour moi, pour tous. Rencontre avec un artiste .

Entrevue


Au pied des Alpilles, Jean Verame et Élisabeth, son épouse, nous reçoivent dans leur maison de pierre, au milieu des oliviers, Céleste et Nuage montant bienveillamment la garde au coin de la cheminée. Rencontre avec un Monsieur , avec un des « Trois Fous de St Rémy ».

Jean Verame nous reçoit dans son atelier : les premières questions affluent :

Ce bleu! la force des couleurs, est-ce un choix ? Comment l’expliquez vous ?
Jean Verame : »On ne peut pas vraiment parler de choix, les couleurs s’imposent d’elle mêmes, les plus fortes et celles qui nous sont le plus essentielles finissent par rester après l’écrémage. Quand on achète une boite de crayons de couleur, il y a toutes les couleurs, le marron, le vert olive, le turquoise, mais plus on travaille plus on se rend compte qu’on utilise toujours les mêmes couleurs, le bleu, le rouge, le violet..le turquoise, l’émeraude, restent là, inhabités. Les couleurs s’éliminent d’elles mêmes, on arrive aux essentiels.« 


Le désert


Dans les déserts , ce qui marque autant que le paysage imperturbable qui nous encercle, c’est aussi le paradoxe entre l’éphémère ,la fragilité de la vie dans ses milieux arides, et la permanence, l’a-temporalité de la matière, du sable, de la roche. L’extrême nous renvoi à une puissance mais aussi a une fragilité première, sur ces terres virginales, tout est possible mais tout est impossible. Choisir le paysage , l’espace où s’inscrire relève tout autant d’une sensualité que de la spiritualité, du corps que de l’âme. Peut être est-ce pour cette raison que l’œuvre d’un homme dans le désert est aussi bouleversante et totale. Inédit , tout est inédit, tout est adaptation a l’instant pour la survie, ici encore plus que dans nos faunes urbaines, l’homme doit Être ou crever. L’homme est petit, le désert lui rappelle sa taille dans l’univers et l’humilité qu’il devrait cultiver. C’est aussi de savoir tout abandonner qui fait gagner, savoir se réduire a ses actes, a ses sensations, a ses désirs, c’est saisir sa place propre, c’est grandir et finir par n’être qu’Un, par être l’univers tout entier. L’anonymat de Jean Verame et son désintérêt total pour toute reconnaissance ou récompense est surement sa plus grande force, la plus belle preuve de son humilité et par la de son universalité.
Pourquoi ces désert et pas d’autres déserts , ( Australie, Mongolie, Pérou) ?
J.V.: »A cause de l’hydrométrie, seul les désert les plus arides m’ont attirés, et puis je travaille avec de la peinture, les pluies ne sont pas amies de mon travail. »

Le rapport a l’eau : rapport a l’absence.
Toute existence n’est elle pas fondamentalement un pied de nez au Chaos, au Néant ? L’eau est l’élément matriciel par excellence, elle compose toute vie, elle s’écoule comme nos existences. Comment mieux créer qu’en s’inscrivant or du cadre de toute matrice, de toute naissance antérieure. Jean Verame a toujours choisis des déserts secs, les plus arides de la planète. Il explique lui meme choix par cette extrême pauvreté en eau mais ne conceptualise pas ceci autrement qu’un choix guidé par son désir. Ne peut on pas au fond, être libre que loin de nos cadres, que loin de notre culture, que en dehors de toute culture? Qu’en dehors de toute vie? L’évidence nous apparaît que le désert est certainement l’espace de mort le plus vivant de liberté. L’eau, c’est la vie, l’absence d’eau c’est l’espace des possibles, de toutes les vies, c’est l’espace de a Liberté la plus totale (mais aussi la plus risquée).
Justement, parlons de la peinture, certains écologistes vous reprochent de polluer les roches et les paysages que vous avez peints, que répondez vous a ces attaques ?
J.V.: »Très tôt, des mes premiers travaux en France, je me suis heurté a l’incompréhension et a cette peur de la pollution. Dans les Cévennes, en me voyant peindre le lit de la rivière, un berger m’a attaqué en me reprochant d’empoisonner ses chèvres… je lui ai répondu que ses chèvre ne s’empoisonnaient pas plus qu’en inhalant les gaz d’échappement de sa voiture ! Mais pour ce qui est de ce questionnement écologique, très vite je me suis posé la question de la légitimité de mon travail, avais je le droit de peindre , de laisser ma trace ? Une amie historienne me voyant préoccupé m’a très vite montré la voie de la dé-culpabilisation : « et Lascaux, et les pyramides d’Égypte, et les dolmens , » la terre est pleine de signes, ou que l’on aille, l’homme a laissé sa marque, et même si je n’ai pas la prétention d’être un peindre visionnaire, je suis un homme, et je laisse ma trace qui plus est dans des lieux désertiques… je ne gêne personne. Je n’ai pas d’éducation, je n’ai pas fait de grandes études, mais peut être est ce la ma chance, je ne subit pas le carcan, le poids d’une éducation, alors je peux peindre sans conditionnement. »
On vous a aussi reproché ou accusé d’avoir soudoyé le cheik qui plaidait en votre faveur dans le désert marocain’
J.V.: »Vous savez, dans le désert, une tête d’épingle bleue suffit a éloigner le mauvais oeil, alors moi avec mes rochers bleus, j’ai été très bien accueilli, « avec tout ce bleu, vous avez éloigné le mauvais oeil pour des siècles! » me dira une ancienne du village. Pour les populations locales, le désert est une punition de Dieu, certes, c’est le lieux de leur naissance et ils ne pensent pas le quitter, mais c’est aussi une malédiction. Je ne vais pas refuser qu’on prenne mon travail pour un signe de bonne augure. »La couleur:

Hors du cadre le peinture académique occidentale et de son goût pour la représentation de la nature, Jean Verame peint avec la nature, il peint avec les pierres. La couleur des l’or ne se fait plus outils de message, outils de sens, elle se fait pureté, béatitude. Que dire des rochers peints du Tibesti : Rien. Et c’est ce qu’il y a de plus fort, de plus beau dans l’expérience : que les mots nous manquent.
Nous en venons donc a explorer la dimension la plus sensuelle de cette oeuvre, sa source : le désir.
le désir ne se dit pas, le désir se ressent, il vibre, il embrasse. La couleur désire la roche, désire le désert tout comme le Désir a mené jean Vérame a son oeuvre .

Comment avez-vous réussit a faire aboutir ses projets dans le désert,dans des territoire où la situation politique était plus qu’instable, voire dangereuse’
Jean Verame : « il faut avoir le Foi du charbonnier ! La Foi du Charbonnier. Pour le Sinaï , j’avais reçu une lettre m’assurant que je serais reçu par le président dès que celui ci serait nommé… autours de moi, tous me disaient « ce n’est qu’une lettre » mais j’ai gardé cette foi, cette foi du charbonnier. Si on m’a écrit ça, ça n’est pas pour rien, sinon il aurait suffit de ne pas répondre ou de répondre poliment que mon projet serait étudié plus tard. Mais non, j’avais cette lettre ! Et après des mois et des années de démarches : j’ai eu la signature du président m’autorisant a passer a la réalisation… mais là encore, il y eu divers obstacles politiques et faire face aux suspicions ( « comment était il possible que j’ai eu cette autorisation? Était elle fausse ? ») mais au final, le Désir a vaincu tout les obstacles. »

Mais comment avez vous réussit’
J.V : « En Égypte, je me suis heurté a un système très procédurier, et parfois difficile a mettre en branle : Devant un employé zélé qui vous annonce des délais fous, qui vous dit aimablement « repassez demain » ou qui vous réclame plus ou moins directement un bakchich , je n’ai jamais cédé. Ma technique : rester 2 h debout, en face de son bureau, sans s’assoir, sans rien réclamer… il cède bien avant moi. »

Sur le plan technique, il vous a fallut une équipe, un soutient humain ? Comment organiser le travail et le transport ?
J.V: « je ne savais pas trop comment m’y prendre, mais j’ai rencontré un aventurier averti qui m’a prodigué quelques conseils avisés : ne pas prendre un groupe de plus de 5 personne (éviter les nombres pair pour ne pas laisser la possibilité que des clans se forment au sein du groupe par exemple, 2 contre 2) , éviter plus de 5 personne car au delà, il est difficile de synchroniser le travail et puis, il faut l’avouer, il m’a aussi conseillé de ne pas prendre de femme dans mes expéditions, pour éviter les amourettes. »

Lors de l’expédition du Tibesti, vous avez failli perdre la vie’
J.V: »En effet, je souffrais de déshydratation, une nuit, malade comme je l’étais, je me suis éloignée de ma tente pour passer mon mal a l’écart du groupe, puis, trop faible pour retournerjusqu’à ma tente, je me suis installé dans une petite grotte, entre deux rochers pour me reposer. Le lendemain matin, ne me voyant pas, mon assistant est parti a ma recherche et m’a vu entre les rochers, gisant là a bout de force. Allez savoir pourquoi, il a pensé que j’avais le choléra, il ne s’est donc pas approché , et pendant 3 jours, il m’a laissé là. Là, j’ai pensé a ma propre mort, je l’avoue, et j’ai repensé a un rêve que je faisais a l’adolescence, a cette période floue ou l’on essaye de cerner les choses et la mort entre autre. Je m’étais pris a rêver, que si je mourrais, je voudrais mourir sous un arbre dans le grand nord..mais en y repensant, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas d’arbre dans le cercle polaire, alors je me suis orientée vers une autre idée : j’irais mourir dans le désert, les charognards et la sècheresse laisseraient mon squelette propre et net, alors, avant de partir, j’aurais confié des instruction a un amis, celui ci aura pour mission de venir peindre mon squelette, et je resterai la, squelette peint sur mon rocher. Et bien , entre ces 2 rochers, au Tibesti, j’ai plus que jamais pensé a ce rêve étrange !
Finalement au bout de 3 jours ( ce que mon assistant pensait être la durée d’incubation du choléra) il est venu me secourir et a envoyé un message radio a ma femme, l’armée est intervenue, et m’a requinqué en me prescrivant un régime a base d’oignons ! »

Et l’argent, il faut en parler ? comment avez vous financé vos projets’
J.V.: « Et bien, j’ai trouvé des donateurs ! Je me suis toujours inscrit dans l’espace du gratuit, cela ne me fait pas que des amis , mais c’est ainsi que je conçoit mon espace de jeu. D ailleurs, je suis un passionné des objets du jeu, ‘j’en ai une belle collection, je suis venu de la même façon qu’a la peinture, parce que c’est un espace du gratuit. »

Oeuvres monumentales

Sinaï: Egypte 1980

TCHAD, Tibesti 1989

Bronzes dans le Désert : les bronzes à la sortie de la fonderie avant leur dispersion dans le désert.
 »’L’art n’est pas un manifeste : il faut défendre la liberté là ou elle est en péril. »’Extrait de l’interview donnée par Jean Verame :
Journaliste : « Pour qui pourquoi jeter ces bronzes dans le désert' »
Jean Vérame: « la pierre est un élément universel, il est un fragment de l’univers, en lui donnant ses lettres de noblesse en bronze, il n’est pas question de le mettre dans le marché de l’art mais de l’offrir a l’homme, ça doit être a l’homme d’aujourd’hui comme l’homme de demain jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’hommes […]
les déposer dans le lieu le plus propice a les recevoir, dans un lieu beau propre , extraordinaire, et vivant, le sable ca bouge, voilà pourquoi le Sahara. »

Biographie


Jean Vérame est un plasticien français, d’origine belge, vivant en France, né en 1936 à Gand (Belgique).
Peintre et sculpteur, Jean Vérame situe son travail à la dimension du paysage et développe un art nomade à l’échelle de la planète.
-1965 : Extrait et colorie un millier de pierres d’une plage du Cap Ferrat (Alpes Maritimes).
-1967: Dresse des pyramides de schistes dans les montagnes de Rute (Alpes Maritimes) et des monticules de galets dans le Tech-Ceret (Pyrénées Orientales).
-1968 : Dispose des Tumuli de pierre au Mouton d’Anou (Alpes Maritimes) et des Roches cristallines dans le Massif du Castelet (Alpes Maritimes).
-1970/74 : Peint sur un kilomètre les parois, les plages rocheuses et les galets du lit d’une rivière des Cévennes hors de l’eau comme sous l’eau.
-1976 : Peintures sur deux kilomètres et demi le long de la côte du Désert des Agriates, en Corse, marque les roches de signes.
-1978 : Déplace et dresse 17 pierres marquées de bleu dans un Canyon à Amarillo, au Texas. Exploration du Désert du Sinaï.
-1979 : Peint et marque de signes sept pierres granitiques dressées dans un pré en Normandie.
-1980/1981 : Peint dans le désert du Sinaï, en Égypte, sur le plateau de Hallaoui, douze zones réparties sur 80 km2}}.
-1984 : Réalise un travail multidimensionnel, à des échelles diverses sur un site granitique à 1 200 mètres d’altitude, dans l’Anti-Atlas, près de Tafraout, au Maroc. Ce site s’appelle communément les « rochers bleus ».
-1985 : Peint la toile qui couvre le Musée d’Orsay lors du ravalement de la façade.
-1987 : Installe et dresse quarante sept pierres au pied des Alpilles, à Saint Rémy de Provence.
-1989 : Travail multidimensionnel dans le massif du Tibesti (Nord du Tchad) .
-1992 : Quatre bateaux peints en Bretagne, répartis sur l’étang de l’Abbaye Saint Maurice.
-1995 : Présentation de mille bronzes au musée de l’Homme à Paris. Lancé de ces mille bronzes en cinq vols successifs dans les sables du Sahara.
-1996 : Réalisation d’un volume en vitrail éclairé de l’intérieur et inauguré le 4 mars devant l’Hôtel de ville de Meaux.
-2003 : Exposition personnelle : Vittoria, Espagne: « Prise de terre et Prise de ciel »
-2003 : Vitoria, Espagne: « Prise de terre et Prise de ciel » exposition personnelle.
-2007 : Inauguration d’un volume en vitrail à Marseille. Publication du livre « Sublimes Cartes à Jouer » Ed. du Félin.
-2008 : Publication d’un livre sur les objets du jeu, Ed. du Félin.
-2008 : Publication d’un livre sur les dessins de Jean Verame. Texte de Gilbert Lascault. Ed. du Félin-Kiron.