On Kawara est un artiste contemporain japonais. Il nait le 2 Janvier 1933 à Kariva au Japon et meure le 10 Juillet 2014 à New York.
Il est un artiste autodidacte, On Kawara réalise ses premières sculptures en 1953, il voyage beaucoup en Amérique et en Europe dès 1959.
Il est célèbre pour ses séries de dates peintes jour après jour, Date Paintings, depuis la fin des années 1960. Mais aussi pour ses énormes livres One Million Years past et One Million Years future, dans lesquels sont inscrits toutes les années composant un million d’années.
I Got Up, I Went, I Read, I Met, I Am Still Alive : c’est au travers des ces formules que l’on peut véritablement saisir la logique implacable du travail de On Kawara. Ces courtes locutions mettent en évidence l’étroite correspondance qui associe son œuvre et sa vie. Pour I Got Up, On Kawara va s’imposer pendant des plusieurs années d’envoyer chaque jour à des amis deux cartes postales sur lesquelles il précise l’heure de son lever. I Met, consiste en des listes de nom des personnes rencontrées dans la journée. I Am Still Alive, est un simple télégramme envoyé aux personnalités du monde de l’art, qu’il transmet comme l’indice de sa propre existence. Ainsi, au moins depuis 1966, On Kawara envisage la création comme le retentissement de ses habitudes de vie. Pour lui, l’art ne réfère qu’à des faits concrets et ne s’appuie que sur des données objectives. Sa production correspond à son rythme de vie quotidien, elle rend compte de ses gestes les plus familiers, de ses voyages à travers le monde, de ses rencontres les plus imprévisibles.
Il est une série, au coeur de ces problématiques, qui tient une place importante dans son travail : les Date Paintings regroupent aujourd’hui plus de deux miles toiles et continuent à suivre un même protocole. Cette oeuvre, fondatrice, marque son engagement définitif à des démarches programmatiques. Cette série montre avec évidence son obsession pour la question du temps. Si la première toile s’impose naturellement le 4 Janvier 1966, ce projet est le fruit d’une réflexion qui s’est construite progressivement. Il semble que ses voyages à travers le monde, Etats-Unis, Mexique, Europe aient joués un rôle déterminant dans sa production artistique.
Les Date Paintings s’appuient sur un principe élémentaire : rien d’autre ne figure que la toile que la date du jour de leur exécution, leur production implique un protocole de fabrication très soigneux. On Kawara procède à une application lente de la matière. D’abord le fond, une première sous-couche brune, puis plusieurs couches de peinture généralement noire ou bleutée sont ensuite étalées, afin d’atteindre une tonalité sombre sur laquelle vient s’inscrire d’un blanc lumineux la date du jour. La langue et les règles typographiques du calendrier correspondent au pays dans lequel il séjourne. On Kawara s’octroie tout de même des libertés, comme dans le choix des formats et dans l’usage des couleurs. Les dimensions des toiles peuvent ainsi varier de 20,5 x 25,5 cm jusqu’au format le plus imposant de 155 x 266cm.
Le principe de travail reste cependant identique, et ne répond qu’à une seule exigence : la toile doit être achevée dans la journée, sinon elle est détruite. Chacune est ensuite sous-titrée, rangée, puis inventoriée dans un journal où elle fait l’objet d’une classification détaillée.
Certaines libertés sont également prises par rapport aux expositions, lorsqu’elles sont présentées, les Date Paintings sont généralement accompagnées de leur boîte dans laquelle figure une coupure de presse. Il semble que de puis quelques années ce principe ne soit plus systématique et que l’idée même de conserver les coupures ait été abandonné. Les Date Paintings ont fait l’objet de nouvelles initiatives en terme d’accrochage, comme pour l’exposition A Pictures of the Real World organisée par Robert Nickas à la galerie Paula Cooper à New-York en 1994. Elle fut conçue par le commissaire comme une conversation muette entre plusieurs Date Paintings et des photographies aussi diverses que celles de Dan Graham, Larry Clark ou encore Nan Goldin.
Peindre un tableau toujours identique mais par ailleurs toujours différent. Peindre un tableau qui soit à la fois image et absence d’image. Concilier l’idée d’une permanence et une volonté de renouvellement perpétuelle, malgré leur profonde cohérence les Date Paintings forcent les contradictions.
Le cas de la carte postale dans I Got Up est intéressant dans la mesure où il s’agit d’un objet hybride qui fonctionne des deux côtés, d’un côté une image, et de l’autre le texte, les deux étant inséparables. Chaque carte postale consiste donc à une ‘uvre à deux faces que l’on peut retourner selon ses envies. Beaucoup d’expositions ont mis en évidence la dialectique du texte et l’image, en disposant les cartes postales sous des vitrines sans privilégier une face par rapport à l’autre.
Au sein de ce texte, s’opère un dédoublement de la perception : la date inscrite nous informe sur le temps de la réalisation, le jour précis où la peinture a été effectuée, alors que sa typographie, se pliant à des règles culturellement déterminées, nous renvoie au lieu de réalisation. Ainsi chaque date est à interpréter à travers un double regard qui nous renseigne sur l’origine temporelle et géographique de l »uvre.
One Million Years Past, 1969, et One Million Years Future, 1980. La première répertorie une à une les années qui précédent 1969, la seconde comptabilise le million qui succède à 1980. Chacune se déploie sous une liste de deux milles pages, tiré à douze exemplaires et contenu dans dix volumes de deux cent pages, chaque ensemble s’organise tel un poème arithmétique élaboré dans un arrangement de paragraphes et de chapitres. Innombrables pages de mathématiques où la durée d’une vie humaine ne tient qu’en quelques lignes et se perd dans un océan de chiffres. Voilà une ‘uvre qui certes ne comble pas le regard mais s’offre comme une invitation à la lecture du temps. A la différence de Roman Opalka chez qui toute la production créatrice va en direction d’un seul et unique projet, l »uvre d’On Kawara apparaît comme un mélange complexe d’une multitude de procédures simultanées.
On se rend compte à travers la série Date Paintings, malgré l’importance de la pratique picturale dans ses occupations quotidiennes, à quel point celle-ci est accompagnée d’opérations créatives liées à l’écriture.
Dans l’espace d’une journée, On Kawara passe d’une forme d’expression à une autre, il passe d’une activité artisanale à des démarches radicalement conceptuelles.
Le 100 Years Calendar, une ‘uvre évolutive qui dessine le calendrier complet du XXe siècle, tous les jours depuis le 1er janvier 1900 jusqu’au 31 décembre 2000, sont mentionnés. Surlignés en jaune, les jours vécus par On Kawara, un point vert devant une date indique qu’On Kawara a peint ce jour là une seule Date Painting. Un point rouge, indique qu’il en a peint plusieurs. C’est donc une véritable biographie qui devient un objet visuel.
Dans les années 1960, notamment aux Etats-Unis, des artistes conceptuels comme Joseph Kosuth ou Robert Barry, envisageaient la pratique artistique avant tout comme une philosophie de l’art, un exercice critique de questionnement sur sa nature et ses visées. Le langage était perçu comme une alternative aux recherches formalistes tournées exclusivement vers des finalités esthétiques.
On Kawara produit une image à partir d’une matrice conceptuelle, deux séries éloignées dans le temps témoignent de cet exercice de réécriture. De manière paradoxale, en faisant ressortir le texte au seuil du visible, On Kawara fait de nous, des spectateurs aux yeux grands ouverts et des lecteurs aveugles.
Même mort, On Kawara « tweete » encore. Depuis le mois de janvier 2009, l’artiste japonais partagé quotidiennement « I am still alive #art », et uniquement ces mots, en lettres de tailles souvent différentes. Par un procédé d’automatisation de ses tweets, il réussit à se survivre. Mais On Kawara s’est éteint le 10 juillet 2014 à New York, où il vivait depuis 50 ans, à l’âge de 81 ans.
Au printemps 2015, le Guggenheim de New York, présentera une rétrospective On Kawara, nommée « Silence ».