Vito Acconci

Vito Hannibal Acconci est un artiste qui a fait son apparition dans les années 60, c’est un artiste au développement aussi complet que complexe, après des études de littérature de la langue anglaise au Holly Cross collège dans le Massachusetts (1962), il entame des études de poésie a l’université d’Iowa (1964), quelques années d’enseignement en théorie de l’art à New-York plus tard il commence sa carrière d’artiste en tant qu’écrivain de fiction et poète, qu’il publie dans des magazines comme Olympia Magazine avant de fonder et co-édite une revue avec Bernadette Mayer intitulée « 0 à 9 » (revue rééditée en 2006). Mais Vito Acconci devient très vite un artiste pluridisciplinaire. Il mélange art conceptuel, art corporel, process art, performance, cinéma, video et installation et enfin architecture avec la création de son agence en 1988.


Bien que les domaines artistiques de l’artiste soient vastes, son oeuvre tourne sensiblement autour d’une problématique commune : l’espace. En effet en lisant les interviews de Vito Acconci on comprend que ce qui le pousse a expérimenter de nouveaux moyens d’expressions c’est l’appréhension de l’espace. Ce qui compte dans le travail de Vito Acconci c’est de réduire les distances, c’est l’espace dans lequel on se trouve, l’interaction qui existe entre l’oeuvre et l’espace, l’espace et le spectateur, l’oeuvre et le spectateur, le spectateur et l’artiste.

L’ESPACE DE LA PAGE

Dans les écrits de Vito Acconci se qui nous marque au premier abord c’est la forme, l’artiste a sa propre conception de l’art poétique et de l’espace de la page. En effet il s’agit ici aussi d’espace a parcourir, le fond doit prendre place, doit se modeler sur la forme. La poésie acquiert ici un caractère visuel et non seulement conceptuel.

« J’ai commence par envisager la page a peu près comme l’équivalent d’un objet minimal. Je me posais des questions : comment aller
de la marge de gauche a la marge de droite ? (‘) La page était une étendue a traverser. »

« avec le mouvement du langage dans l’espace performatif clos sur lui même dela page imprimée »

De 1967 à 1969 Vito Acconci publie des expérimentations en langues et en poésie dans la revue qu’il co-édite avec Bernadette Mayer intitulée « 0 à 9 ». L’intention de l’artiste est alors que la page devienne un « champ » où le spectateur puisse éprouver à la fois visuellement et conceptuellement.

« Je peux considérer mon utilisation de la page comme un espace type, un lieu de performance miniature ou abstrait. »

Il s’intéresse à l’esthétisme du minimalisme, à l’abstrait et aux propriétés matérielles des signes. Sol LeWitt, Steve Paxton, Michael Heizer, Robert Smithson, Yvonne Rainer, Dan Graham, Jackson Mac Low, Adrian Piper, entres autres, y contribuèrent par des diagrammes, des textes et des dessins. Leurs productions étaient ensuite mises en parallèle avec celles de poètes contemporains, de musiciens et d’écrivains européens historiques.

Mais en 1968 lors d’une performance dans l’atelier de Rauschenberg la conception de la poésie change pour Vito Acconci, il devient alors question de mêler poésie et environnement, de l’inclure a celui ci, la poésie devient alors « une intervention a caractère performatif ». L’artiste repousse alors les frontières de son espace d’expression, la page qui était « un espace type, un lieu de performance miniature ou abstrait» est mise de coté au profit de lecture-performances au cours desquelles il associe jeux de langage et déplacements. Durant la même période Acconci fait la découverte du travail des danseurs du Judson Dance Theater, cette rencontre sera décisive pour le reste de sa carrière.

« Ce dont je me souviens nettement, c’est de certains des artistes de ce groupe, tout comme de certaines manières de faire qui étaient caractéristiques de leurs travaux et qui ont changé ma vie a l’époque, assurément. La danse est devenue pour moi synonyme d’espace ce qu’elle n’avait jamais été jusqu’alors (‘) l’enjeu ne portait plus tant sur les pas, les gestes, leur écriture et la manière de les interpréter, que sur la façon dont l’espace y était mis en jeu, dont il devenait possible de se rapporter a lui, de le penser autrement »

En 1969, Vito Acconci arrête sa carrière de poète, cet arrêt est marqué par la création de Following Piece, il s’agit ici littéralement de quitter l’espace de la page et de passer a un nouvel espace d’expression.

« Pour moi, Following Piece était une façon, une façon littérale, de quitter ma carrière de poète. Il le fallait. D’une certaine manière, la poésie est quelque chose que l’on fait chez soi. On s’assoit a sa table, on écrit dans son bureau. Pour ne par rester dans cette pièce, j’avais la solution de sortir en ville. »

Commence alors pour l’artiste tout une série de performances mais les mots continueront d’accompagner son travail que ce soit sous forme de poésies, de discours, d’annotations, de textes descriptifs ou de scénarios.

L’ESPACE DU CORPS / L’ESPACE ET LE CORPS

En 1965 avec la découverte des travaux du Judson Dance Theater Vito Acconci est alors dans ses premiers questionnement performatifs, mettre en valeur l’espace et le penser. Vito Acconci a d’abord expérimenté l’espace de son corps, tout comme il l’avait fait avec la page, le corps comme un espace réduit d’expression, il l’a mordu, il l’a peint, il l’a recouvert de rouge a lèvre avant de s’en servir comme outil pour appréhender l’espace extérieur a lui même. Chuter dans l’espace, concevoir l’espace environnant, se positionner dans l’espace, tout une série de performance se suivent pour permettre a Vito Acconci de prendre place dans l’espace. (Trademarks, Run off, Fall, Hands Up/ Hands down, Arm Bending, Lean, Down/Up ect..)

Vito Acconci se démarque dans son appréhension de l’art, pour lui l’art ne se regarde pas et n’est en aucun cas un objet, c’est pourquoi il accorde une place privilégiée a son spectateur au sein de ses oeuvres. Le spectateur doit se trouver au centre de l’oeuvre il doit interagir avec l’espace qui accueille l’oeuvre. Ce qui compte dans le travail de Vito Acconci c’est de réduire les distances, c’est l’espace dans lequel on se trouve, l’interaction qui existe entre l’oeuvre et l’espace, l’espace et le spectateur, l’oeuvre et le spectateur, le spectateur et l’artiste.
Le fondement de cette démarche étant qu’une chose n’obtient pas le statut d’objet si l’on s’en sert, si on interagit avec.
C’est donc naturellement que l’artiste va nier la galerie du moins le caractère commerciale de celle ci. Les oeuvres de Vito Acconci sont presque toujours présentées dans une pièce dont il s’agit de l’unique fonction, toujours dans l’idée de réduire les distances, de créer un lien d’interaction immédiat entre le spectateur et l’oeuvre, le spectateur pénètre dans l’oeuvre, l’oeuvre doit se confondre avec la galerie pour niée celle ci. Pour Vito Acconci l’art est une activité comme les autres, il refuse sa mystification et de manière plus générale toute mystification.

L’ART VIDEO ET L’ESPACE DE L’ECRAN

L’Art vidéo est né dans les années 1960 en Amérique du Nord suite à l’invention par l’entreprise électronique Sony du fameux Portapack en 1965. Avant cette révolution technique, les caméras étaient grandes, lourdes, et quasiment immobiles. Cette invention a permit d’enregistrer des images tout en se déplaçant, elle fut donc à l’origine du développement de l’art corporel. Les précurseurs de l’art vidéo, comme Vito Acconci, dont l’influence s’étend encore à la génération d’artistes contemporains, ont commencé à exercer dans les années 70.
Son réseau acquis de galeries et d’artistes de l’art conceptuel lui permet de se tourner dès 1969 vers les arts visuels. Il s’intéressera désormais à l’espace réel : l’espace physique, l’espace social, l’espace culturel, le quotidien, le temps? Il pense que la multiplicité des relations entre l’exécution d’une performance dans le temps, la production d’une bande vidéo, et l’engagement de l’artiste dans le choix de la date et de l’endroit où sera exécuté la performance et l’installation, lie intrinsèquement l’art vidéo à la « performance ». Son travail se focalise essentiellement sur la présence, le signe et la trace du « performer ». Il définit l’art minimaliste auquel il se rattache comme « l’art qui impose de reconsidérer l’espace dans lequel on se trouve. » Vito Acconci vit son corps comme un sujet de photographie, de vidéo et de performance. Au cours de sa carrière il explorera les possibilités de nombreux médias : la photographie, le son, la performance et les actions, et la vidéo. Il nommera « Actions Activities » ces performances conçues pour des médias spécifiques. C’est grâce à son distributeur Castelli-Sonnabend Tapes and Films, qui louait ou vendait ses titres sous forme d’éditions non limitées à des prix très abordables aux écoles d’art et musées, que les vidéos et les installations de l’artiste devinrent populaires et favorisèrent l’ascension des nouveaux médias.

« Me spécialiser dans une technique reviendrait à m’assigner un terrain, un terrain duquel il faudrait que je me déterre moi-même constamment à mesure qu’une technique se substituerait à une autre alors au lieu de me tourner vers le « terrain », je détourne mon attention et deviens « instrument », je me concentre sur moi même en tant qu’instrument agissant sur n’importe quel terrain disponible. »

Le projet vidéo Body Building in the Great Northwest, réalisé en 1975 et The Red Tapes en 1976 ou il y expose ses réflexions sur les
espaces marquent la fin de la carrière audiovisuelle de l’artiste. Malgré la reconnaissance des spectateurs et l’engouement des exposants, Vito Acconci demeure insatisfait par les limites matérielles de ses œuvres et cherche désormais un nouveau médium.
Il souligne les « limites devenues insupportables pour lui, du lieu qui l’accueille comme celles du bord de l’écran. La « page » est devenue à nouveau trop petite ».
Il abandonne définitivement la vidéo pour les espaces publics. Il réalisera par la suite des sculptures, des installations et des environnements, qui impliquent la participation du public. Ses projets relèvent d’une conception politique de l’art, selon laquelle l’espace public devrait « fonctionner comme un forum, être un lieu de débats et de discussions ».
Vito Acconci s’intéresse aux relations et a la limite entre espace public et privé, qui inclut les interactions entre le sujet et son environnement cette problématique le conduira a l’architecture et la création de Acconci Studio en 1988.

ESPACE URBAIN ET ARCHITECTURE

« l’architecture a commence avec la performance comme structure qui entoure lecorps »

Un de ses premiers projets dans le domaine de l’architecture consistait a la restructuration de la façade du Storefront for Art and Architecture, un lieu d’exposition new-yorkais orienté vers l’architecture alternative. Il disposa de grands pans de murs mobiles sur des poteaux verticaux. Fermé, l’immeuble présentait un mur normal, ouvert, l’espace s’étendait vers la rue, ce qui rendait l’exposition accessible à tous les passants.

En 1988 il fonde Acconci Studio, un cabinet de travail réunissant artistes et architectes qui étudient le rapport de l’architecture domestique à l’environnement. Les projets de ce studio énoncent une nouvelle conception de l’espace, des bâtiments, des parcs, de la circulation des personnes. Lui et son équipe s’intéressent à tout ce qui se présente, de la conception d’une cuillère à celle d’une ville.
Après une carrière où Vito Acconci se sera essayé a différentes formes d’arts et moyens d’expressions toujours dans le but de cerner dans sa globalité l’espace la création d’Acconci Studio se présente comme la suite logique de ce projet. En effet pour Vito Acconci l’architecture se présente une fois encore comme un espace a traverser :

« L’année dernière a Mariendad est le meilleur film que j’ai vu sur l’architecture, il n’y est question que d’espace a traverser exactement comme dans
l’écriture »

Si l’artiste peut faire se parallèle c’est que l’écrivain, le poète doit convaincre son lecteur d’aller d’une marge a l’autre, de la première a dernière page, dans le film le personnage principale essaye de convaincre une femme qu’ils ont une relation dans le passé, il essaye de l’amener la ou il voudrait qu’elle soit, il tente de la convaincre qu’elle se trouve la ou il a décidé qu’elle se trouverait. Dans l’architecture de Vito Acconci il n’y a que très peu de statique, il s’agit dans la majeur partie du temps d’espace de passage, de transition, des ponts, des tunnels, des bancs..

«L’objectif de notre travail est de produire un mix, un mix de cheminements possibles, un mix de cheminements alternatifs, de canaux alternatifs.»

Vito Acconci ponctue toujours ses œuvres d’un commentaire poétique et d’une analyse philosophique.

En 2003, la Capitale européenne de la culture Graz en Autriche a lancé un projet de construction, Vito Acoonci a installé une structure d’acier en forme de coquillage à moitié ouvert qui flotte sur la rivière de Graz. La rencontre entre l’esthétique naturelle et artificielle a créé une espace proche de notre environnement en utilisant de la chaleur solaire. Cette architecture a transformé la ville Graz en endroit de tourisme.

ANNEXES

Art conceptuel : l’art conceptuel n’est pas un mouvement structuré, ni une tendance univoque, il concerne des artistes qui ont pour première exigence d’analyser ce qui permet à l’art d’être art.

Art corporel : L’Art corporel, en anglais body art, est un ensemble de pratiques artistiques effectuées sur ou avec le corps humain. Une exploration du corps.

Procces art : Le Process Art met l’accent sur le « processus » de la création artistique, plutôt que sur des compositions ou plans préétablis. Les concepts de changement, d’improvisation, ainsi que l’utilisation de matériaux non traditionnels comme la terre, l’eau, la cire, le feutre et le latex sont importants dans ce mouvement artistique.

Performance : désigne un mode d’expression contemporain qui consiste à produire des gestes, des actes, au cours d’un événement dont le déroulement temporel constitue l’œuvre, et qui contient souvent une part d’improvisation.

Installation : productions de l’art contemporain qui se définissent par l’occupation d’un espace donné, par la mise en situation de différentes techniques d’expression et de représentation, ainsi que par le rapport participatif qu’elle implique avec le spectateur.

BIBLIOGRAPHIE

  • Nick Kaye, Multimédia : vidéo, installation, performance.
  • L’ART VIDEO, Beaux Arts éditions
  • L’ART VIDEO, Thames & Hudson éditions
  • CHEVIER, Jean François. Les relations du corps. Paris : L’Arachnéen, impr. 2010. 1 vol. (247 p.)
  • Musée des beaux-arts (Nantes). Vito Hannibal Acconci Studio. 1 vol. (510 p.)
  • WARD, FRAZER. Vito Acconci. London : Phaidon Press Limited, 2002. 160 p.