Marina Abramovic & Ulay ont eu une vie et un travail commun durant 12 ans. Ils ont étudié dans son ensemble les éléments qui animent la dynamique relationnelle. Cette étude a été réalisée à travers le prisme du corps. Dans chacune de leur œuvre, ce couple d’artistes explore et redéfinit la notion d’alter ego.
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Marina Abramovic (1946)
Marina Abramovic, née à Belgrade (Yougoslavie) en 1946, est une artiste serbe. Elle étudie à l’académie des Beaux-Arts de Belgrade pendant 5 ans à partir de 1965. Dès 1973, elle commence à réaliser des performances. Elle vit désormais à Amsterdam.
Ses premières performances étaient une forme de rébellion contre son enfance stricte car ses parents étaient des partisans de Tito et contre la culture répressive dans la Yougoslavie de Tito. Elle mena d’ailleurs au début des années soixante-dix des actions purement politiques.
Faisant partie du courant artistique de l’art corporel, elle met son corps à l’épreuve à travers ses performances en utilisant des médicaments, des objets dangereux ou autres.
En 1974, elle réalise une performance qui consiste à enrouler un python autour de sa tête comme un turban et à se coucher au centre d’une étoile de flammes. Plus tard, la performance Thomas Lips consistera à se tailler la même étoile sur le ventre à l’aide d’une lame de rasoir.
Ses œuvres étaient en quelque sorte un moyen de purifier son corps et de se libérer. Elles étaient parfois si dangereuses que le seul moyen d’atteindre l’accomplissement final était lorsque l’une des personnes de l’assistance intervenait ou lorsque Marina Abramovic perdait conscience.
En parallèle de sa carrière artistique, Marina Abramovic se consacre aussi à l’enseignement. De 1973 à 1975, elle donne des cours à l’Académie des Beaux-Arts de Novi Sad. En 1990/91, elle est professeur invitée à l’Ecole des Beaux-Arts de Berlin et à l’Académie des Beaux-Arts de Paris. En 1992, elle a une chaire à l’Académie des Beaux-Arts de Hambourg.
Biographie
* 1946 : Naissance à Belgrade.
* 1965-1970 : Élève à l’Académie des Beaux-Arts de Belgrade.
* 1973 : Premières performances avec des objets dangereux et des médicaments afin de se mettre à l’épreuve.
* 1975 : Participe à la Biennale de Paris. Début de la collaboration avec Ulay, et recherches sur les cultures archaïques et les principes dualistes lors de multiples voyages.
* 1980 : écriture avec Ulay de Relation Work and detour.
* 1982 : Participe à la Documenta 7 à Cassel.
* 1988 : Fin du travail avec Ulay après avoir fait une ultime collaboration, The Great Wall Walk, en Chine.
* 1992 : Documenta 9 à Cassel.
* 1989 : Tentative, à l’aide d’installations diverses composées de bois, de cristaux, et de pierres, de passer de l’état de conscience individuelle à l’état de conscience collective.
* 1992-1995 : Enseigne a l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Hambourg.
* 1997 : Lion d’or de la meilleure installation à la Biennale de Venise.
* 1997-2004 : Enseigne à l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Brunswick.
Ulay (1943-2020)
Ulay de son vrai nom Frank Uwe Laysiepen, né à Solingen (Allemagne) en 1943 est un artiste qui s’est fait connaître par ses performances de la fin des années 60 et dans les années 80. Il fait des études de photographie à partir de 1962 et ce, durant 6 ans. En 1971, il étudie à l’académie des Arts de Cologne.
Il étudie les relations entre le corps, l’espace et la société. Il travaille la destruction de son image ainsi que l’androgynie et le travestissement pour mettre en relief et réintégrer sa personnalité féminine.
Son travail le plus reconnu était en collaboration avec Marina Abramovic. On entend que très peu parler de lui depuis la fin de cette collaboration.
Biographie
* 1957-1961 : études d’ingénieur
* 1962-1968 : études de photographie, il expérimente surtout avec des pellicules Polaroïd
* 1968 : habite Amsterdam et travaille à Londres, Amsterdam, Paris, Rome, New York,
* 1969-1970 : « Polaroïd Book »
* 1971 : Académie des Arts de Cologne
* 1970-1975 : préoccupation des « objets » photographiques, des environnements, le film auto-Polaroïd et des Polaroïd, ainsi que des actions intimistes
* 1975-1976 : Ulay fait des environnements et commence des performances.
* 1976-1988 : travail en collaboration avec Marina Abramovic.
Marina Abramovic & Ulay
En 1975, Marina Abramovic & Ulay se rencontrent. Elle activiste et lui photographe, ils sont nés tous deux un 30 novembre mais pas la même année. Ils forment un couple d’artistes mais aussi un couple dans la vie quotidienne. Ils vivent à Amsterdam.
Dès leur deuxième rencontre à Prague en 1976, ils se mettent à »« créer une situation dans laquelle ils peuvent s’occuper de leur amour, de leur passion, de leurs afflictions et de leurs circonstances sociales » ».
Ballotant entre le désir et le rejet de cette unité, leur œuvre s’inscrit dans une démarche d’excellence et de renvoi à soi-même en tant qu’individu dans le collectif.
»« Nous étions à la recherche d’une clé, d’une façon de pénétrer dans le corps, d’ouvrir quelque chose, ce qui est un désir provenant d’un autre côté de la vérité ou de la réalité. » » Leur première performance était »« Relation in Space » » en 1976. Abramovic/Ulay courent nus l’un vers l’autre en partant d’un point opposé d’une pièce, se touchent en se croisant et répètent ce mouvement, alors que les deux corps se heurtent et que l’un (Marina) tombe sous la violence de l’impact, jusqu’à ce qu’enfin les forces viennent à manquer aux deux artistes.
Ce n’était que le début car par la suite, on compte au total, 68 performances. »« Relation in Space » » fixe les éléments qui définissent le principe des »« Relation Works » » ( »« Pas de lieu fixe, contact direct, prise de risque, mouvement permanent, pas de répétitions ni de reprises» »).
Leur œuvre peut être distingué de deux manières :
* A travers des actions symétriques : les acteurs réalisent un acte similaire face à face.
* A travers des actions asymétriques : les acteurs réalisent individuellement mais en même temps une gestuelle différente.
Finalement après tant de chemin parcouru à deux, ils décident de terminer leurs travaux communs et leur vie commune le 27 juin 1988, après avoir parcouru près de 2000 km en traversant chacun la moitié de la Grande Muraille de Chine. C’est en se retrouvant au milieu du Dragon que ces artistes, après quatre-vingt-dix jours de marche, décident d’un commun accord de se dire adieu.
Œuvres marquantes
Breathing in, breathing out (1976) : les deux artistes répondent à une question qui est «Combien de temps est-il possible de se renvoyer la respiration comme une balle ?» La performance s’est réalisée en deux parties :
Première partie : Leurs lèvres sont comprimées l’une contre l’autre. Leurs narines sont bouchées par des filtres de cigarettes. Ulay commente sa performance en ses termes : »« je respire de l’oxygène et j’expire du dioxyde de carbone » ». Quant à Marina Abramovic : »« Je respire et j’expire du dioxyde de carbone » ». L’inspiration et l’expiration des artistes sont perceptibles durant cette performance de 19 min.
Deuxième partie: la respiration devient le symbole du maintien en vie mutuelle, de la dépendance de l’un envers l’autre et de l’échange entre les principes masculins et féminins.
Expanding in Space (1976) : Dans la première performance de 58 minutes, Abramovic/Ulay courent nus l’un vers l’autre en partant d’un point opposé d’une pièce, se touchent en se croisant et répètent ce mouvement, alors que les deux corps se heurtent et que l’un (Marina) tombe sous la violence de l’impact, jusqu’à ce qu’enfin les forces viennent à manquer aux deux artistes. Une caméra vidéo statique enregistre les mouvements des corps au milieu de la pièce.
Talking about Similarity
(1976) : Ulay est assis sur une chaise en face du public. Il émet un son de sa bouche et ne s’arrête qu’au moment où plus aucun son ne puisse sortir de sa bouche. A l’aide d’une aiguille et d’un fil, il fait deux points pour coudre sa bouche et reste un moment face au public avant de se retirer et de laisser place à Marina. Elle répond aux questions des spectateurs jusqu’à ce qu’elle se trompe et répondent à une question qui ne lui a pas été posée. C’est à ce moment qu’elle quitte à son tour la scène.
Pendant les 45 minutes que dure leur jeu, les deux artistes prennent une décision réfléchie, exprimée toutefois de manière différente: tandis que Ulay se coud la bouche, Marina se contente de fermer brusquement la sienne. Mais l’objectif reste le même: devenir muet. Les comportements masculin/féminin sont ici permutés: c’est la femme qui fait une déclaration et l’homme qui se tait.
Balance Proof (1977) : Les deux artistes tiennent un miroir en équilibre à la verticale. Ils ne se voient pas. Les spectateurs peuvent tourner autour d’eux et voir leur reflet dans le miroir. L’action dure 30 min. Marina Abramovic quitte sa place et Ulay continue à tenir le miroir en équilibre à l’aide de son corps. Puis, il quitte à son tour la scène. Le miroir tombe sans se briser. Cette expérience thématise l’équilibre entre deux corps/personne qui ne peuvent pas se voir.
Expansion in Space (1977) : Les deux artistes sont nus dos à dos entre deux piliers mobiles eux-même entre deux piliers fixes. Ils doivent partir d’un même point et courir en déplaçant les piliers mobiles vers les piliers fixes. Ulay abandonne avant Marina qui elle, redouble d’efforts pour déplacer les piliers encore plus loin. L’extension dans l’espace se fait progressivement par la modification des proportions des piliers les uns par rapport aux autres.
Imponderabilia (1977) : Les deux artistes étaient situés à l’entrée d’un musée. Ils étaient tous les deux nus et postés chacun à un mur de l’entrée face à face. L’espace vide entre les deux acteurs représente le lieu de performance. Les spectateurs pour entrer dans le musée devaient passer entre les deux artistes donc être confrontés à leur nudité. Ce qui était essentiel était de voir le comportement du public. Chacun réagissait de manière différente face à la situation. Certains détournaient la tête, d’autres s’appuyaient sur les épaules des artistes ? Au mur de l’exposition, on pouvait lire : »’Imponderable. Such imponderable human factors as one’s aesthetic sensivity / the over-riding importance of imponderables in determining human conduct »’. Il s’adresse à l’observateur en qualité de protagoniste de la performance et pour qui la possibilité d’observation directe est souvent déguisée.
Light / Dark (1977) : Les deux artistes sont à genoux face à face, éclairés par deux sources de lumière. L’arrière-plan est sombre. L’un commence à donner une gifle à l’autre, puis l’autre rend cette gifle et ainsi, de suite. Le geste est fait de plus en plus vite. Ces gestes mettent l’accent sur les réactions en chaîne d’une dispute jusqu’au moment où l’on en vient aux mains. Le spectateur peut se redécouvrir dans cette réaction typiquement humaine.
Relation in Movement (1977) : la relation repose ici, sur la voiture. Pour être mobiles en toute circonstance, les deux artistes ont quitté leur logement. Ulay conduit, tandis que Marina est sur le siège du passager. Ulay fait des cercles sur une place carré alors que Marina à l’aide d’un porte-voix annonce le nombre de tours effectués. En 16h, ils ont réalisé 2226 tours. Le défi des deux artistes ici, était de se tenir éveillés. Ulay devait maintenir sa concentration et sa voiture en mouvement. Quant à Marina, elle devait exprimer le mouvement en une unité de temps.
Relation in Time (1977) : Ils présentent une relation statique, la solidarité du couple étant symbolisée par le fait qu’ils sont assis dos à dos, les cheveux de l’un attachés à ceux de l’autre. Et ceci durant 18 h.
AAA (1978) : face à face, les artistes produisent un son avec la bouche ouverte, plus le son dure, plus ils se rapprochent l’un de l’autre pour arriver à crier l’un dans la bouche de l’autre. La confrontation des deux protagonistes se manifeste de nouveau par une action agressive l’un envers l’autre.
Cette performance, représente une métaphore de la société occidentale, l’incarnation d’un couple où l’absence de communication gouverne.
Charged Space (1978) : Performance dédiée à Jane Crawford et Gordon Matta-Clark. Elle traite de nouveau du mouvement dans l’espace. Cette fois-ci, ce sont des mouvements de rotation dans l’espace.
Incision (1978) : cette performance associe délibérément le public et joue avec les sentiments de l’artiste et sa prise de positions.
Kaiserschnitt (1978) : le titre « Coupure du Kaiser » indique l’image de la séparation entre les deux acteurs par le cheval en mouvement. Les deux artistes forment une unité lorsque tout est immobile. Puis, c’est lorsqu’ils sont en mouvement qu’ils doivent se défendre contre les forces agissantes.
Three (1978) : L’expérience ici, comprend trois acteurs, les deux artistes et un serpent. Cette performance présente la confrontation entre l’homme et l’animal, entre l’action et la réaction, et l’adoption de la perspective propre à l’animal deviennent le thème de la performance qui dure en tout deux heures.
Continental Videoseries (1983 – 1986) Ces vidéos ont été tournées dans différents endroits du monde oriental et occidental à savoir, Bangkok, la Sicile et Cambridge abordés spécialement du point de vue de leurs rites et traditions spécifiques. Cette expérience utilise le procédé stylistique du « tableau vivant », auquel les artistes ajoutent des éléments linguistiques, et qui concourt à créer une impression d’actions rituelles.
China Ring (unedited video-notebook) (1988) : partis chacun d’une extrémité de la Grande Muraille, les deux artistes devaient se rejoindre au milieu. Il s’agit d’un enchaînement d’images et de séquences d’ordre personnel, dépourvues de tout commentaire. Elles ont donc été enregistrées pendant leur marche sur la Grande Muraille et pendant les travaux préparatoires.
The Lovers, The Great Wall Walk (1988) : Documentaire sur la performance de 90 jours, qui eut lieu le long de la Grande Muraille de Chine. C’est un film dans un film, une histoire dans une histoire. A la fin de cette traversée, les deux artistes se dirent adieu.
Séparée de Ulay, Marina Abramovic va continuer ses performances seule. Se mettant encore parfois en danger.
L’une de ses performances en solo, particulièrement touchante, a marqué les esprits. C’est lors d’une exposition au MOMA en 2010, qu’elle présente
The Artist Is Present
Cette performance consiste à être assise à une table, droite, les yeux vers le bas, attendant qu’une personne vienne s’assoir en face d’elle. À ce moment là, l’artiste lève la tête et regarde le spectateur dans les yeux, avec l’expression la plus neutre possible, malgré toutes les attitudes du public.
Cette performance a durée plusieurs heures.
Comme dit précédemment, à ce moment là, l’artiste était séparée de son compagnon depuis plusieurs années déjà. Or, Ulay fait une apparition lors de cette performance, jouant le jeu, se mettant exactement à la même place que les autres spectateurs qui l’ont précédé, sans bruits, attendant que Marina Abramovic lève la tête.
On peut voir que les deux artistes sont très émus, et Marina ne parvient pas à rester aussi neutre que possible. La communication non verbale qui se fait à ce moment là est très intéressante et touchante.
Citations de Marina Abramovic
- « La performance n’est pas une disparition, mais au contraire une présence au monde. C’est une façon de renouer avec des cultes primitifs et des rituels. »
- « Je crée des situations sans intermédiaire entre l’artiste et le public »
- « Le corps est un lieu de sacrifices et de légendes. »
- « Garder l’attention sur le danger, c’est se mettre au centre de l’instant présent. »