Alighiero Boetti

Considéré comme le père de l’art conceptuel après-guerre, Alighiero Boetti est une figure important de l’art Povera.

Alighiero Boetti naît en 1940 à Turin et meurt à Rome en 1994. C’est à 22 ans qu’il arrête la peinture pour se consacrer à d’autres techniques et d’autres matériaux. Sa première exposition à lieu dans sa ville natale à la valeur Christian Stein.


L’art Povera consiste en un appauvrissement des signes dans le but de les réduire à des archétypes. Dans cette mouvance, Boetti se dirige plutôt vers un art, fondé sur des mécanismes conceptuels qui mêlent processus d’élaboration et mise en situation d’attitudes précises, par lequel il rejet toute définition de l’homme et de l’objet. Il privilégie le processus de création de l’objet fini et le sens conceptuel de l’oeuvre. A cette fin il emploie des matériaux bruts, issu du monde industriel comme le chiffon, la terre, la pierre et les néons, des cartons, des effets lumineux, des tubes d’éternité, du tissu destiné aux vêtements militaire, des napperons de pâtissier. Il veut remettre en question les lois de la composition traditionnelle. Il marie la rigueur de l’art conceptuel avec l’esthétique du jeu et de la couleur. Parmi ses thèmes de prédilection, figurent le hasard, la multiplicité et la dualité, une dualité qui se voit dans la séparation de son nom en deux puisqu’il s’agit de s’interroger sur son double et de remettre ainsi en cause l’identité et l’individualité de l’artiste. Beaucoup d’oeuvres de l’artiste consistent en des énigmes philosophiques et ludiques qui s’adressent au spectateur.

Parmi les supports de travail de l’artiste, la feuille de papier tient une place importante. En effet elle permet à l’artiste de développer de nombreux processus conceptuels visuels, que ce soit la forme géométrique ou le langage, auquel Boetti a porté une attention particulière, que ce soit en travaillant les lettres, les mots, les chiffres, les nombres, les phrases, les codes ou les dates. Les mots ainsi que leur configuration alphabétique, possèdent un potentiel poétique que Boetti veut explorer par divers modes de transcriptions possibles que ce soit en redistribue les lettres d’un mot selon l’alphabet, en transcrivent phonétiquement un mot italien, en évoquent un mot par des virgules disposées. Certaines calligraphies au stylo à bille sur papier, dont le griffonnage était délégué par Boetti à des mains souvent anonymes, laissent les signes émerger en blanc d’un fond coloré. Une autre manière d’explorer le langage, pour lequel Boetti préfère la broderie en couleurs au papier, consiste en l’insertion de mots dans un carré comme illustre l’oeuvre Ordine e disordine réalisée en 1973. Ces mots s’inscrivent sur cent broderies carrées,  chacune étant partagée en seize cases ne contenant, à chaque fois, qu’une seule lettre. Cet « ordre » est contredit par la permutation des seize lettres sur chaque broderie.

Oeuvres

Il Muro : une oeuvre majeure
Cette oeuvre fait référence aux multiples images, dessins d’amis, photographies, objets trouvés et pages de calendrier que l’artiste accrocha au fil des ans sur un mur de son appartement. C’est donc une oeuvre en constante évolution et qui se fait sur plusieurs années. Ce mur lui permet aussi de créer des oeuvres indépendantes.

Mappa

La spécificité de cet artiste réside dans le fait que nombre de ses oeuvres sont réalisées par des femmes afghanes. En effet il est de tradition pour Boetti d’exclure l’artiste de l’oeuvre et d’interposer entre l’oeuvre et l’artiste le temps et l’espace. « Bizarrement, j’ai la patience de les attendre, ou plutôt je ne les attends pas, elles arrivent quand elles arrivent. Il y a donc ce temps très long, et il y a aussi l’incertitude » explique l’auteur à propos du temps nécessaire à la confection des oeuvres d’art.  C’est une nouvelle conception de la relation de l’artiste à son oeuvre d’art. Le but de cette démarche est d’effacer la subjectivité de l’artiste. Les oeuvres les plus significatives de l’artiste sont les multiples broderies, qui arborent des motifs variés, qu’il a fait confectionné par ces femmes afghanes. C’est durant un voyage en Afghanistan que l’artiste découvre les tradition artisanale de ce pays en matière de tissage. Déléguer la réalisation de ses oeuvres d’art à ces femmes est une façon pour l’artiste de leur permettre de s’approprier des sujets tels que la vision globale du monde et d’exprimer leur identité à travers les points de broderie dont chacun porte l’empreint d’une femme pour former un grand tout. Comme l’a souligné en substance Jean-Hubert Martin, Conservateur Général du Patrimoine, Alighiero e Boetti implique des femmes afghanes dans l’art contemporain à une époque récente où la spécialité est considérée par les Occidentaux uniquement comme occidentale

L’oeuvre de cet artiste polyvalent se décline de plusieurs sortes mais les oeuvres caractéristiques de cet artiste sont ses Mappa qui sont de grandes cartes du monde que l’artiste commence après l’invasion soviétique de 1979. Ces cartes sont très intéressantes non seulement d’un point de vue artistique mais aussi d’un point de vue historique car elles consistent une description fidèle de la géopolitique d’un monde où les nations et les drapeaux sont modifiés selon les évènements advenus. En effet, les cartes se suivent selon un fil temporel et leur succession set à raconter l’ordre et le désordre du monde. D’ailleurs leur esthétique dépend entièrement dé la géopolitique puisque elle est déterminée les évolutions géopolitiques, les changements de frontières et les emblèmes nationaux. Le concept de mutation l’identité se retrouve encore dans ces oeuvres à travrers les mutations des territoires. Elles sont le témoin d’une histoire. Les nappa sont l’occasion de parler de manière concrète de son époque. A leur propos, l’artiste dit :

« Le monde est fait comme il est, non pas comme je l’ai conçu (‘); lorsque l’idée de base, le concept émerge, tout le reste ne nécessite pas de choix. »

Alighiero Boetti

Boetti 298 001

Tutto

Parmi les autres oeuvres, Tutto est réalisée en 1987, peu de temps avant la mort de l’artiste. Cette broderie appartient à la série des pièces brodées. Elle se compose de 88 couleurs et comprend divers motifs inspirés de journaux et de magazines. Ces motifs sont découpés et juxtaposées au hasard et préfigurent un chaos. Le hasard occupe donc une place importante comme le désir l’artiste.