Artiste d’origine roumaine, né à Varsovie (en Pologne où son père est diplomate) en 1934 ; c’est à Paris, où il va connaître l’apogée de sa carrière artistique, qu’il meurt en 1978.
Lorsqu’André Cadere quitte la Roumanie pour Paris en 1967, il est artiste peintre dans la mouvance de l’op art, il expose d’ailleurs au marché expérimental d’art des peintures parisien. Il fréquente alors Isidore Isou ainsi que le milieu lettriste et va rapidement se rapprocher des artistes parisiens appartenant au domaine des arts contextuels ou plus précisément au domaine des arts remettant en question identité de l’artiste et de l’œuvre, pertinence de la signature et de l’objet (ex : art minimal, land art, art conceptuel).
En 1969, il montre au salon de mai un tableau-relief composé de demi-baguettes colorées, ce qui va être les prémisses de l’œuvre de sa vie.
La même année, il tresse 750 mètres de ficelle sur le portail de l’American Center.
En 1972, il crée la barre de bois rond qui va faire partie intégrante de son activité, comme une sorte d’extension de son personnage. Il met ainsi en place sa « stratégie du déplacement » qui l’élève au monde international de l’art et le conduit à Kassel lors de la Documenta 5 de 1972.
Véritable agitateur artistique, André Cadere utilise son bâton de bois rond multicolore comme signature personnelle et trace mobile et indépendante de son passage dans un lieu. Il conteste les codes institutionnels de vision et de présentation de l’œuvre. Souvent associé à l’art minimal ou à l’art conceptuel, Cadere se présente comme support mobile de son œuvre : un simple bâton de bois rond constitué de segments colorés dont le diamètre est égal à la hauteur. Une erreur est systématiquement intégrée dans la succession « permutante » suivant une certaine logique mathématique, des segments colorés composant la barre ; elle se produit rigoureusement lorsque deux segments sont inversés.
L’artiste qualifie son œuvre de « peinture sans fin », il insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une sculpture mais bien d’une peinture qui ne possède ni recto, ni verso, et finalement aucun sens de lecture de par la diversité, l’infinité des possibilités d’exposition qui s’offrent à elle. Il y a cependant quelques dispositifs « d’accrochage » récurrent de son œuvre, par exemple : une série de plusieurs barres disposées parallèlement au sol, suspendues au mur, une barre unique adossée à un angle ou encore une barre posée sur un rebord.
Insistant scrupuleusement sur l’indépendance de son œuvre dans le contexte politique, Cadere a essayé d’exploiter au maximum la liberté de manœuvre de la barre avec la volonté subversive de nier toutes conditions d’exposition traditionnelle qui sont l’exclusivité des institutions culturelles et commerciales. Il a pour cela présenté son œuvre de manière quotidienne et non exclusive en tous lieux et en toutes circonstances.
André Cadere n’a en fait cessé de contourner les formes classiques de diffusion de l’art.
L’intérêt majeur et subversif de l’œuvre de Cadere réside dans ses promenades, sortes d’expositions mobiles où l’artiste se montre (dans n’importe quels lieux, publiques ou non) son œuvre à la main et atteste ainsi d’une totale indépendance vis à vis des lieux institutionnels d’exposition dans lesquels il s’invite sans autorisation pour exposer son art. Il s’agirait en fait plus d’un « événement » que d’une exposition reprend Paul Ardenne (cf. un art contextuel). Il n’a d’ailleurs jamais craint l’exposition à l’incompréhension et aux réactions négatives engendrées par sa présence (et celle de sa barre) non désirée.
Concernant l’artiste, une importante section documentaire de courts films et d’interviews réalisés par Alain Fleischer et Sarkis rend compte de la démarche complexe ou du processus logique « Caderoniens ». De plus, certains mots de l’artiste témoignent bien de son travail à but subversif :
D’une présentation de ses bâtons Cadere note :
« Cette exposition s’est déroulée dans quatre endroits différents : a) sans permission dans un accrochage de la galerie Sonnabend ; b) du premier jusqu’au dernier jour de l’exposition Actualité d’un bilan organisée par Yvon Lambert (sans y être invité mais avec la permission de l’organisateur) ; c) dans la vitrine et avec l’autorisation de L. Darcy, boulanger-pâtissier (rue de Seine ? à l’époque, le quartier des galeries) ; d) dans un magasin « rétro : Le Grand Chic parisien, situé dans ce même quartier. »
André Cadere, Histoire d’un travail (1977-1978).
À propos des bâtons qu’il promène avec lui, il déclare :
« De ce travail, on peut essentiellement dire que je le produis et que je le montre, ceci étant le complément de cela, le tout constituant une activité quotidienne et insaisissable. Par sa quotidienneté même, cette activité ne peut être relatée. »
André Cadere, Histoire d’un travail.
À propos de l’artiste, il déclare aussi :
« Je veux dire aussi de mon travail et de ses multiples réalités, il y a un autre fait : c’est le héros. On pourrait dire qu’un héros est au milieu des gens, parmi la foule, sur le trottoir. Il est exactement un homme comme les autres. Mais il a une conscience, peut-être un regard, qui, d’une façon ou d’une autre, permet que les choses viennent presque par une sorte d’innocence ».
Lettre à Yvon Lambert, 25 mai 1978.