Gilbert Prousch (souvent épelé à tort Proesch, né à San Martino in Badia, province de Bolzano en Italie, le 11 septembre 1943) et George Passmore (né à Plymouth en Angleterre le 8 janvier 1942), plus connus sous le nom de Gilbert et George, sont un couple d’artistes mondialement connus.
Enfances de Gilbert et George
Gilbert Prousch est né le 11 septembre 1943 dans la province autonome de Bolzano, à Saint-Martin de Thurn dans les Dolomites. Dès sa petite enfance, il est attiré par la pratique manuelle. Il se met à créer et sculpter des statues de Vierge de Fatima, des Madones et même des crèches, influencé par son oncle qui peignait beaucoup et était diplômé de l’école des Beaux-Arts de San Martino, mais également par le curé du village qui avait fait l’Académie de Munich. C’est ainsi que Gilbert confirme sa volonté de devenir artiste. A 17 ans, il quitte son village pour l’Autriche puis part étudier à l’Académie de Munich. Il y passe 6 ans de sa vie, pourtant l’enseignement de l’école ne l’intéresse pas. Suite à cela, il va découvrir des artistes d’une nouvelle génération, comme William Tucker et Anthony Caro. Gilbert décide alors de se diriger vers la Martin’s School of Art. Il obtient son admission à l’école en 1967, grâce à l’aide de Philip King.
George Passmore quant à lui est né à Plymouth en Angleterre, le 8 janvier 1942, où sa famille fut envoyée suite à la guerre. Un premier échec lors de son examen d’entrée en sixième va déterminer son orientation au niveau professionnel. A 17 ans, il quitte l’école, enchaîne les petits boulots et prend des cours du soir au Dartington Hall où il a appris la peinture. Puis il part pour Londres, où il fut pris à la Art School of Oxford Technical College, suite à son refus à la Ruskin School of Drawing. Par le biais de l’un de ses professeurs de Oxford, il obtient un entretient avec Frank Martin et est ainsi admis à la Martin’s School of Art. George, à l’inverse de Gilbert qui disait lui-même avoir toujours voulu devenir artiste, considère son parcours comme une succession de malchance ou de chance qui aboutira à son entrée.
Rencontre du couple
Gilbert et George se sont rencontrés le 25 septembre 1967 alors qu’ils étudiaient la sculpture à la St Martins School of Art de Londres. Les deux artistes vont alors qualifier leur rencontre de « coup de foudre », d’après une interview qu’ils ont accordé au Daily Telegraph en 2002.
Ils déclarent qu’ils se sont connus car George était la seule personne qui pouvait comprendre le mauvais anglais de Gilbert. De nombreuses personnes supposent que Gilbert et George sont amants, bien qu’ils écartent toujours les questions au sujet de leur vie privée.
Sous le signe de la fusion
Ils considèrent la condition humaine comme idéal suprême. L’homme est pour eux, la chose la plus étonnante et le côté formel de l’art (la couleur et les formes) n’est destiné qu’à servir le sujet et n’a aucune importance propre. Ils sont absolument contre l’art pour l’art. Leur art parle de la vie. Ils pensent qu’ils créent les images dont le monde a besoin et non les images que les gens veulent voir. Ils se nomment eux-mêmes, les prédicateurs de la vie. Ils espèrent frapper le spectateur avant qu’il n’ait même le temps de réfléchir.
Ensemble ils se dirigent vers quelque chose de différent, ils créent de nouveaux mouvements. Ils prennent toujours de nouvelles images, mais cela prend du temps pour les utiliser, afin qu’elles aient un sens. C’est une partie du processus de création, ainsi que de ne jamais savoir quand cela commence et où cela finit vraiment. L’âme de leurs créations est une évolution de leurs idées ensemble. Leurs recherches sont très longues, de sorte qu’ils ne savent jamais quelle partie des nombreuses parties de leurs recherches deviendra leur prochain tableau. Ils ne souhaitent pas être trop conscients de où ils vont, ils essaient de garder leur tête vide et arrivent souvent à leur studio sans idées. Ils ferment leurs yeux et laissent leurs mains agir, c’est comme de la magie de laisser sortir le tableau d’eux-même. Ils se sentent maintenant capables de créer des images touts seuls du début à la fin.
Performances de Gilbert et George
The Singing Sculpture, 1970.
La Singing Sculpture est la première oeuvre d’art de Gilbert et George. Il s’agit d’une sculpture composée de deux hommes indissociables, positionnés sur une table « comme une seule et même sculpture ». Pour la Singing Sculpture, George et Gilbert se maquillaient le visage en bronze pour créer une illusion de métal. Ils se décrivent eux-mêmes comme « une statue qui chantait
Underneath the Arches, levait les yeux vers le ciel et avait l’air heureuse ». Cette posture avait le don d’hypnotiser le spectateur. Au début, cette performance durait 6 minutes mais suite à leur succès, ils la prolongèrent à 8 heures, le temps que tous les individus présents dans la salle partent.
Un certain nombre de leurs travaux du début des années 1970 consistait simplement à se saouler tous les deux, habituellement avec du gin. Smashed (1973) est un ensemble de photographies d’une soirée d’ivresse, alors que Gordon’ Makes Us Drunk est un film où le couple boit du gin de la marque Gordon en écoutant Elgar et Grieg, disant de temps en temps « Gordon nous rend très ivre » ou une autre phrase avec de légères variantes. Ce travail, comme beaucoup d’autres de Gilbert et George, est réalisé en restant le visage totalement impassible, imperturbable, en vrai pince-sans-rire.
Les costumes d’hommes d’affaires qu’ils ont portés pour ces performances sont devenus une sorte d’uniforme pour eux, et ils apparaissent rarement en public sans les porter. Il est pratiquement impossible de voir l’un sans l’autre. Ils refusent de dissocier leurs performances de leur vie quotidienne, insistant sur le fait que tout ce qu’ils font est art. Ils se voient eux-mêmes comme « sculptures vivantes ».
« La sculpture vivante est l’éveil de notre néant, de la froideur et de lumière poussiéreuse matinal. »
Mise en scène du corps
Gilbert et George associent la ville à la sexualité car il s’agit d’un va-et-vient perpétuel. A travers leur propos, Gilbert et George soulignent le fait que partout dans la ville de nombreuses personnes pratiquent un acte sexuel. Ils parlent également de prostitution par le biais de Zig Zag Picture et New Horny Picture. Pourquoi la prostitution? car pour eux il s’agit d’une communauté rejetée et oubliée de la société. Il y a également leur volonté de montrer la sodomie, l’anus et les sécrétions afin de prouver leur non conformisme. Pour eux les excréments constituent notre corps , nous nourrissent et constituent notre bien-être. Mais pour eux la merde «l’un des signes ultimes de l’indignité humaine». George et Gilbert disent eux même adorer associer merde et nudité.
Bum Holes 1994
Thirst 1982
Le but premier de George et Gilbert étaient de réaliser des images sexuelles extravagantes. Ayant peur qu’on prenne cela pour de la pornographie, ils décident de découper aléatoirement des morceaux de carton et d’y disposer un papier photosensible. Cet élément sera exposé à la lumière et développé. Le résultat pour eux est psychologiquement sexuel. Ce n’est sans rappeler le vitrail mais les artistes n’en font pas le rapprochement.
Leurs photo-montages
Le couple est certainement plus connu pour ses photo-montages de grand format, comme Cosmological Pictures (1993), souvent teintés en couleurs extrêmement vives, contrastés, et avec des grilles noires en surimpression, le tout ressemblant à des vitraux. L’image de Gilbert et George est souvent présente dans ces travaux, avec des fleurs et des jeunes gens, leurs amis. Leurs premiers travaux dans le genre étaient en noir et blanc, avec des touches de rouge et de jaune dans les séries suivantes. Puis, ils ont utilisé une gamme de couleurs plus audacieuse. Leur travail de 2005, Sonofagod, est revenu à une palette plus sombre et plus foncée.
Ayant, certes, débutés avec leurs performances dans le monde de la sculpture, c’est dans la photographie qu’ils vont s’épanouir. En effet, elle laisse libre cours à une imagination sans limite et leur permet d’aborder tous les sujets qui leurs tiennent à coeur. Ainsi les deux artistes se placent aussi en tant que photographes. Leurs premiers travaux de photo-montage ne présentaient surtout que du noir et blanc avec de timides taches de couleur, mais ils ont vite été vers des couleurs bien plus audacieuses.
Naked Shit Pictures (1995) : série photographique.
Leur série de photos Naked Shit Pictures (1995) a contribué à attirer sur eux l’attention des médias. En 1986, Gilbert et George ont attiré la critique des commentateurs de gauche pour la série de photos montrant avec de belles couleurs des stéréotypes de personnes du quartier East End de Londres, par exemple des skinheads.
Le jaune et le rouge sont des couleurs tape à l’oeil et qui sont les moins artistiques. Souvent associées à McDonald’s, mais en réalité pour Gilbert et George il s’agit des couleurs du Joueur de flûte de Hamelin. Le joueur est un individu vêtu en rouge et jaune qui est suivi par nombreux enfants. George et Gilbert considèrent leur oeuvre comme une mélodie qui va attirer les personnes. Donc une manière d’attirer le regard de tout le monde sur leurs oeuvres. Le rouge est aussi la couleur qui symbolise l’amour ou le sang ou le nationalisme ou encore le socialisme ou bien le sexe. C’est une couleur très fortement chargée en symbolisme.
L’impact du numérique
Ils utilisent les ordinateurs depuis 2001, ce qu’ils font pourrait être fait avec des ciseaux et des images, mais ils trouvent que grâce aux ordinateurs, ils vont plus loin. Ils plient et ils replient l’image jusqu’à obtenir un nouvel objet qui n’a jamais existé auparavant. L’emploi de l’ordinateur les a rapproché de leur cerveau. C’est comme si leur cerveau projetait leur monde artistique directement sur l’écran en face d’eux, comme si tout se passait de l’intérieur. Ils pensent que cela peut être beaucoup plus créatif et que c’est une invention extraordinaire, le meilleur langage pour parler aujourd’hui.
Art For All
En adoptant pour slogan «L’art pour tous», Gilbert et George s’élèvent contre ce qu’ils nomment «la malédiction du XXe siècle» : un art abscons, un art d’initiés. Gilbert et George conçoivent un art qui «s’adresse directement aux Gens en leur parlant de leur vie ». Par extension « L’Art pour tous» est l’ambitieux pari d’un art sans frontière, planétaire. Propulser leurs images dans le monde est le défi que Gilbert et George ne cesseront jamais de relever. « Extrait Intime conversation avec François Jonquet.
Leur devise « L’Art pour tous» s’exprime dans chacune de leurs réalisations et ambitions artistiques qui décrivent l’intensité d’une expérience universelle, celle de vivre dans un monde moderne. Présentant des photos tirées de la réalité, et allant jusqu’à se mettre eux-mêmes en scène, les deux artistes réussissent à créer une forme d’art qui évoque aussi bien la vie quotidienne que des aspects artistiques plus intellectuels.
Leurs oeuvres sont des performances permanentes dans lesquelles ils mettent en scène leur vie de tous les jours. Grands pinces sans-rire, Gilbert et George apparaissent toujours dans un costume gris devenu leur marque de fabrique, le visage impassible. Ils n’hésitent pas à se mettre en scène pour mener leurs travaux à bout en s’inspirant de leurs expériences personnelles. Ils ont aborder durant leur carrière tous les sujets possibles (sociaux, politique, moraux, religieux, sexuels), sans aucun tabou. Ils revendiquent l’idée du « Art for All » (l’Art pour Tous), et tentent de prouver que tout le monde peut accéder à l’art, que tout le monde peut le comprendre.
Cette volonté de mettre en avant l’art pour tous comme slogan principal est aussi dû à leur déménagement dans le quartier ouvrier de Londres à Spitalfields. Voyant le manque de structures artistiques, ils ont voulu ouvrir élargir leur art à un tout autre horizon que l’art élitiste et mondain.
Gilbert et George se définissent depuis toujours comme deux personnes mais un SEUL artiste. Ils affirment ne pas aller dans les musées car c’est contre leur religion, eux ne veulent pas voir l’art, seulement la vie.
Provocateurs ils le sont dans le choix des thèmes qu’ils abordent, mais aussi quand ils déclarent (en 2010) être contre le pape qui a plus de sang sur les mains que Milosevic. Ils considèrent que l’art est en avance sur la politique et qu’il vient en premier. Quand on leur demande s’ils ont des tabous, ils répondent que pour eux, c’est l’affaire des spectateurs de se poser cette question. Ils restent très en prise avec la société et en stigmatisent les peurs et les préjugés.
Pour eux le regard sur l’oeuvre d’art change tout le temps, celle-ci est vue constamment de différentes manières et ils trouvent cela passionnant. Chacun de leurs tableaux doit être impliqués dans le passé, le présent, le futur.
À propos de l’exposition JACK FREAK PICTURES (en 2009)
Les œuvres sont basées sur l’idée de personnalités qui apparaissent dérangeantes, que les artistes traduisent comme des monstres, ce que nous pouvons tous devenir selon eux, si nous fermons les yeux. Ces visions sont additionnées au drapeau national et créent une atmosphère, comme vue à travers une fenêtre dans laquelle les artistes combinent le présent, le passé, le futur. Toutes leurs œuvres sont proposées comme une maison avec 4 piliers, ces piliers étant la mort, l’espoir, la vie, la peur. Gilbert et Georges, tout comme nous spectateurs, se déclarent présents, vivants mais un jour ils ne seront plus là… Entre-temps, ils ont différents degrés d’espoir, de peur avec lesquels il faut travailler, vivre, réfléchir, aimer, sentir et ils sont sexe, argent, race et religion, les mêmes sujets pour tout le monde dans le monde entier.
Gilbert et George fabriquent des images à partir de négatifs, puis ils font une composition à partir des multitudes de négatifs et créent ainsi leur propre vision du monde. Ils font tout eux-mêmes du début à la fin. Tout est fait par eux dans leur atelier londonien. Ils considèrent que l’appareil photographique est un langage plus moderne et tout comme l’oeil, c’est un objectif qui nous donne une perception plus réelle de ce qu’ils représenteraient avec un pinceau.
URETHRA POSTCARDS PICTURES (en 2011)
Tous les 3 à 4 ans, Gilbert et George font des œuvres avec des cartes postales, collectionnées et accumulées depuis des dizaines d’années, certaines datant du début du 20ème siècle et d’autres plus modernes, faites en série pour les touristes. Ces cartes sont un médium inhabituel, mais elles renferment des images et des sujets qui les intéressent grandement et ce, depuis 1972.
Selon Gilbert et George, leurs œuvres aux cartes postales «se prêtent à l’expression de sentiments intérieurs, de pensées troublantes et de vues merveilleuses. Elles cristallisent la rencontre de nos inspirations monarchiques, chrétiennes, nationalistes, violentes, païennes, florales et sexuelles. Elles sont nos boucliers, nos épées, nos emblèmes, nos visions, nos pierres tombales et nos masques».
À partir de cartes postales londoniennes mais aussi de cartes téléphoniques, publicitaires et autres flyers trouvés dans les lieux publiques, Gilbert et George composent des planches à thèmes avec des jeux de répétitions.
Prix
Prix Turner en 1986 (prix récompensant les artistes de moins de 50 ans utilisant les nouveaux médias) Biennale de Venise en 2005 où ils représentent l’Angleterre.
Bibliographie
- Daniel Fausson, Gilbert and George : A portrait, Edition Harper Collins, Londres, 2000.
- Gilbert & George, l’oeuvre en image, Edition Gallimard, 2007.
- Isabelle Baudino, Gilbert & George / E1, Edition ENS, Lyon, 2005.
- Gilbert et George Intime conversation avec François Jonquet Edition Denoël
Expositions
- Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, Gilbert & George, Jack Freak Pictures Bruxelles, 2010
- Brooklyn Museum, « Gilbert & George », Brooklyn, 2008-2009
- Musée d’art moderne de Saint-Étienne, Gilbert & George, Saint-Etienne, 2005
- Lehmann Maupin Gallery, « Perversive Pictures », New York, 2004
- Musée d’art contemporain de Chicago, « Nineteen Ninety Nine », Chicago, 2000
- Musée d’art moderne de la Ville de Paris, Paris, 1997
- National art Gallery, « Gilbert & George China Exhibition », Beijing, 1993
- Biennale de Paris, Paris, 1985
- Musée Solomon R. Guggenheim, « Gilbert and George », New York, 1985