Jeff Wall est né en 1946 à Vancouver au Canada. Issu d’une famille de la middle class aisée et cultivée, il est un artiste qui pratique la photographie. Il veut montrer au spectateur que la photographie est un outil de fabrication, documentaire qui mène à une réelle réflexion sur la réalité.
Il effectue des études d’histoire de l’art à l’université de Vancouver entre 1968 et 1973 et y rédige une thèse sur le mouvement dada et plus précisément sur le photomontage et le cinéma qu’il a soutenue en 1977. De 1970 à 1973 il étudie à Londres au Courtauld institute les pièces de la peinture moderne et travaille sur John Heartfield et Marcel Duchamp. De 1974 à 1975, il obtient un poste d’enseignant au Nova Scotia College of Art and Design d’Halifax. Il devient progressivement un artiste talentueux et reconnu. Son travail montre qu’il est possible de renouveler la photographie documentaire. Avant de pratiquer la photographie, Jeff Wall tente une courte carrière dans l’art conceptuel entre 1960 et les années 1970 et travaille avec Dennis Wheeler sur des projets vidéos et des scénarios. Il commence les tableaux photographiques en 1977.
En 1969-1970, il réalise un recueil de photographies intitulé Landscape Manual. Des textes narratifs et critiques commentent des paysages urbains (routes de banlieue, terrains vagues, voitures, maisons’). L’ouvrage peut apparaître comme une parodie du regard « objectif » du documentaire photographique.
A partir de 1978, il débute une longue série, les Transparencies dont la première photographie s’intitule The Destroyed Room (1978) qui représente une chambre de jeune fille dévastée par l’artiste. Ses œuvres photographiques sont de dimensions imposantes (pouvant mesurer jusqu’à deux mètres sur trois) et sont présentées à l’intérieur de très sobres caissons lumineux ce qui peut faire penser à des panneaux publicitaires ainsi qu’à des diapositives immenses. Ainsi l’artiste se situe entre une perspective cinématographique et une autre plus journalistique.
Il est très vite considéré comme novateur dans son domaine mais aussi ambigus car ses travaux sont difficile à classer se situant entre le cinéma, la photographie et la peinture.
Le support artistique de Jeff Wall
Il choisit de se placer dans la lignée du peintre Édouard Manet (1832-1883) et du poète Baudelaire (1821-1867), et de représenter la vie moderne. En effet, Baudelaire au XIX° siècle écrit le Spleen de Paris mettant en évidence une réflexion sur la poésie du paysage urbain et Edouard Manet peint de nombreuses scènes dans le Paris de son époque.
Jeff Wall transpose Paris à sa ville natale Vancouver qui devient donc son support artistique. La ville est un lieu de dramatisation, de mise en scène que l’artiste repère et remarque pour ensuite reproduire ces scènes dans ses photographies. Les photographies de Jeff Wall pourraient être qualifiées de « photographies de cinéma », dans la mesure où elles résultent de mises en scènes minutieusement calculées, pour un résultat final donnant l’illusion d’une photographie documentaire ou un cliché tiré de la « réalité ». Il fait, en effet, peu d’instantanés seulement quelques uns, comme Pleading (1984). Il réalise la plupart de ses photographies en studio et utilise l’informatique pour les retravailler. Il considère que l’artiste transmet la représentation de l’évènement tandis que le journaliste figure la réalité. Il fait souvent appel à des acteurs. Il utilise parfois la vidéo, comme outil de préparation de ses photographies. Ses photos sont la représentation du mouvement et la vidéo lui permet donc de contrôler tous les aspects du mouvement.
Il s’inspire également de tableaux de grands peintres classiques qu’il réinterprète et adapte par la photographie. Ainsi, sa première œuvre The Destroyed Room est une directe référence à la mort de Sardanapale de Delacroix (1798-1863), ou aussi l’inspiration de son maitre à penser Manet qui peint
Un bar aux folies bergères (1888) pour sa photographie Picture for Women (1979). Comme nous l’avons précisé précédemment, il utilise des cadres lumineux pour le support de ses grandes photographies comparables à des toiles, ce qui leur donne un aspect publicitaire et documentaire que le spectateur ne peut pas manquer. Cette technique est alors dans les années 1970 novatrice dans le domaine de l’art et c’est en cela que l’on remarque Jeff Wall. Par la suite, de nombreux photographes reprendront ce procédé. Il finit toutefois par abandonner cette technique à la fin des années 1990. La plupart des photographies de Jeff Wall ne sont tirées qu’à un ou deux exemplaires. Elles sont assez rares il en existe à peu près cent vingt depuis 1978.
Les thèmes abordés par Jeff Wall
D’une étonnante beauté plastique, ses clichés sur le banal et ses questionnements sur la représentation font prendre conscience au public que la photographie est, avant tout, une fabrication avec ses enjeux et discours. Les compositions illustrent des romans, évoquent des films, des tableaux classiques que l’artiste connaît et apprécie notamment les films de Luis Bunuel.
Réalité ou mise en scène
Jeff Wall ne travaille pratiquement pas en instantané, il préfère parcourir la ville en voiture pour y repérer des idées, des lieux, des situations. Ses photographies sont le plus souvent des mises en scène avec des acteurs et des poses prédéfinies. Le paradoxe est que dans certaines cette mise en scène est transcendante, on la remarque clairement mais dans d’autres, on croit y voir la réalité, une photographie prise dans un contexte réel et non artificiel. C’est là tout l’art de Jeff Wall qui nous fait voyager entre ces deux notions: réalité et fiction. Dans Picture for Women, l’artiste nous fait un clin d’oeil sur cet aspect.
Le réalisme social
Jeff Wall effectue une série de 1978 à 1983 qui s’intitule Young Workers de huit portraits de jeunes gens dans la même posture et de toutes nationalités. Il montre ainsi la réalité du monde du travail qui est un passage obligé pour la subsistance. Il ose montrer la face sociale du travail avec des techniciens de surfaces (Volunteer 1996), des ouvriers (Untanglig 1994) et le caractère diversifié de cet univers.
La violence
Dans certaines photographies de Jeff Wall la violence transparait, elle s’impose au spectateur. Elle peut être de différents niveaux. Dans Mimic (1982) elle est celle d’un acte raciste. Cette composition est à l’origine un événement vécu par l’artiste. Dans The Arrest (1989) l’homme est encerclé, prisonnier, et nous le montre par son expression vaine. Puis, la violence de Dead Drops Talk (1992) c’est celle de la guerre et de ses effets négatifs, la mort est l’issue unique de l’œuvre.
Le double
La dualité est souvent présente dans ses œuvres. En 1979, il réalise Double Self-portrait où il est présent doublement sur la photographie. La pièce dans laquelle il se trouve est divisée en deux par le centre avec l’angle de la pièce, créant ainsi un simple effet de miroir plutôt qu’un dédoublement.
Man in Street de 1995 montre un autre aspect du dédoublement un jouant sur le terme même du double. Le personnage est un schizophrène. La photographie est aussi coupée en deux en son milieu.
Les expositions de Jeff Wall
Je ne ferai pas l’énumération exhaustive de toutes les expositions de la carrière de Jeff Wall mais je citerai seulement les plus récentes. Les dernières expositions de Jeff Wall ont été des rétrospectives. La première s’est déroulée au à Bâle de 2004 à 2005. Puis c’est Londres et la qui ont accueilli les œuvres de l’artiste et enfin le (Museum of Modern Art) de New York de février à mai 2007. Dernièrement, l’exposition Anonymes (jusqu’au 19 décembre 2010) au Bal (Paris, place de clichy) présente deux de ses œuvres : Men Wainting (2006) et Search of premises (2009).