Piotr Kowalski

Né à Lvov (Ukraine) en 1927 le 2 Mars et mort à Paris en 2004 le 7 Janvier, Piotr Kowalski est un artiste sculpteur et architecte.
Il faisait parti des rares artistes innovateurs dont le célèbre Léonard de Vinci mais était aussi l’un des grands penseurs d’un art technologique où Frank Popper était le critique mais aussi historien. Il était un artiste qui se remettait toujours en question; un éternel insatisfait qui ne trouvait satisfaction que dans la forme la plus claire, la plus précise pour résoudre un problème complexe.

Il émigre en Suède dès 1946 et part étudier les mathématiques et l’architecture au M.I.T (Massachusetts Institute of Technology) durant les années 1947 à 1952. Dans les années 1950, il travaille auprès de différents architectes tel que Breuer, Prouvé ou Pei, avec lesquels il réalisera des prototypes de transformateur électrique en polyester translucide, ainsi que des boutiques et des écoles.

Il s’installe en France dans les années 1950-1960 où il répond à sa vocation d’artiste-chercheur en créant ce qu’il appellera des « outils d’art ». Il ne quitte son atelier de Montrouge qui se trouve en banlieue Parisienne uniquement pour aller aux États-Unis, au Brésil, en Allemagne ou au Japon.

Kowalski qui est convaincu que plus on a de connaissance du réel et plus l’imaginaire a de choses à manier ; il élabore dessins et maquettes au milieu d’ouvrages consacrés à Marcel Duchamp, dont il admire les expériences-créations comme les Stoppages-étalons ou le Coin de chasteté, et de ses propres Duchampia. Il n’entre aucune dérision dans les machines qu’il crée alors, sa démarche étant radicalement différente de celle de Jean Tinguely. Même si elles créent des formes, le plus important pour lui c’est le processus que l’on peut refaire indéfiniment.

La Machine pseudo-didactique (1961) se compose d’une surface de caoutchouc, tendue entre un point fixe et un point mobile, sur laquelle joue un liquide doré. Il est possible à tout moment d’arrêter le mouvement, de fixer un état précis par moulage et donc d’obtenir une sculpture.

Dans Dressage d’un cône (1967) plusieurs plateaux sur lesquels du gazon a été planté tournent électroniquement : l’action combinée de la force de gravité et de la force centrifuge produit un cône d’herbe. Mais l’artiste n’utilise pas que des moteurs : dans Flèche de sable (1979), le sable versé dans un moule s’écoule sur la table, matérialisant, quand on enlève le moule, la flèche du temps.

Dans Thermocouple (1977), sculpture de grande dimension installée à Linz (Autriche), deux lames verticales, réalisées avec des aciers qui ont des coefficients de dilatation différents, s’écartent en été et se rapprochent en hiver.

Les propriétés plastiques de l’énergie le passionnent : sculptures à l’explosif créées en Californie (1965) ou pour E.D.F. en 1974, tubes en verre remplis de gaz maniés par les spectateurs et qui changent de couleurs dans un champ électromagnétique, environnement lumineux modifié par les spectateurs (Espace Electra, Paris, 1983).

« Le temps, matière de l’œuvre »

Mais, ce qui va le plus compter pour Piotr Kowalski, c’est la transmission de l’information et le travail de cette dernière en temps réel. C’est le temps qui devient le matériau de l’œuvre dès les premiers projets de Time-Machine I conçue en France et en Suède vers 1970 et exposée à la galerie Ronald Feldman de New York (1979) : un magnétophone captait des sons en temps réel et les restituait à l’envers. Des poèmes lus par William Burroughs, des enregistrements de poètes et d’artistes furent ainsi traités, créant une vraie langue dadaïste. Au même moment, l’artiste mettait au point Miroir, qui renversait la perception de l’espace en restituant par rotation ultrarapide l’image de soi telle qu’un autre la perçoit, et non plus l’image inversée vue dans un miroir.

Mais ce sont les progrès de l’informatique qui vont lui permettre de réaliser, à partir de 1978, au Center for Advanced Visual Studies du M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology) Time Machine II, qui ajoute au traitement du son celui de l’image. Cette œuvre interactive permet au public de manipuler à sa guise en la retournant l’image venant de la caméra ou d’une télévision. Ainsi peut-il faire coexister, grâce à deux téléviseurs et à des systèmes sonores juxtaposés, le monde « à l’endroit » de l’image et le « monde à l’envers » de sa restitution renversée ultrarapide. Piotr Kowalski en tire un extraordinaire pouvoir comique quand il inverse les séquences du film Steamboat Bill Junior de Buster Keaton. La dimension poétique et philosophique de l’œuvre n’est pas sans évoquer dans le domaine littéraire L’Invention de Morel (1940) d’Adolfo Bioy Casares ou la nouvelle de Borges, Le Jardin aux chemins qui bifurquent (1941).

« l’art n’a jamais envisagé le temps comme une matière ».

Piotr Kowalski

À la question : « Est-ce une sculpture ? », il peut répondre : « On voit le matériau, on voit les pixels, on voit la matière de l’information ; on ne doit pas être symbolique. » À la suite de Time Machine II, présentée en 1981-1982 lors de sa première grande exposition au Centre Georges-Pompidou, l’artiste a continué à explorer la question du temps et de l’information grâce à d’autres « outils d’art » mettant en jeu les nouvelles technologies.

La Flèche du temps (1990-1992), installation vidéo-numérique comportant un mur de 18 écrans, permet au public de décomposer l’image animée, de mettre en mémoire les images, de les traiter, de les séparer en temps réel, de faire des zooms ou des arrêts sur image avant de revenir au point de départ.

Le Cube de la population, dont le concept date de 1981 le projet est alors présenté par des dessins à Beaubourg mais qui ne fut réalisé qu’en 1992 à la Kunst-Austellungshalle de Bonn, est un immense cube qui contient un nombre constamment réactualisé de billes de verre d’un diamètre inférieur au millimètre qui correspond au chiffre de la population mondiale.

Éclairées d’un laser bleu, les billes entrent par le haut du cube avec un son aigu selon le flux des naissances calculé par les ordinateurs des organisations mondiales et répercuté vers la machine. Un flot d’autres billes qui marquent la mortalité s’écoulent avec un son grave. Cette véritable horloge où s’affiche le nombre constamment changeant de la population mondiale, bien plus significative que tous les comptes à rebours qui furent installés dans l’attente de l’an 2000, est faite pour s’arrêter, saturée, à 10 milliards. Nous avons atteint 6 milliards en octobre 1999, ce qui correspond selon Kowalski à un maximum viable.

Avec cette œuvre, l’« outil d’art » est l’incarnation belle et forte d’un problème complexe, la manifestation tangible de l’abstraction des grands nombres. Œuvre dérangeante, longtemps remisée dans les réserves du musée de Bonn, le Cube de la population devrait être installé à l’initiative de Pontus Hulten, ami de l’artiste, dans le musée des Vandales en Suède.

« L’intervention dans l’espace public »

Le travail de Kowalski a pris place dans l’espace public. Ainsi, près de Paris, la Défense lui doit La Place des degrés (1987-1989) qui traite comme un ensemble trois niveaux le jour grâce à des marqueurs géométriques et la nuit grâce à des lignes lumineuses. L’utopie de l’escalier vivant où s’élève une vague de pierre met en scène la vibration du mouvement de la foule des villes comme l’avait fait en son temps le futuriste Boccioni dans son célèbre tableau la Ville qui monte. L’artiste est également intervenu sur l’escalier monumental (1992) qui va vers la place du Dôme. Au lieu des sempiternelles sculptures de type « ville nouvelle », l’artiste propose une utopie construite sur des projets de connaissance. Tels auraient été sa vision de l’espace des Halles à Paris conçu comme un Luna Park scientifique avec pendule de Foucault, serre et lieux d’expérimentation, ou son monument pour le XXIe siècle à Kōbe au Japon, La Montagne des dix mille pixels (1987-1989), fragmentation inouïe d’une montagne en bassins d’eau qui à distance auraient ressemblé à un écran divisé en pixels. Tels furent l’Axe de la Terre (Champs-sur-Marne, 1992), la Porte céleste (Saint-Quentin-en-Yvelines, 1991) et la Balise calendaire à Échirolles, près de Grenoble (1992). Un film réalisé par Gisèle et Luc Meichler (In situ Kowalski, 1993) en rend remarquablement compte.
La curiosité de Piotr Kowalski, qui aime discuter avec les poètes et les philosophes (Félix Guattari, Jean-Christophe Bailly), s’éveille, à l’instar de celle de Duchamp ou de Léonard de Vinci, non pas aux moyens nouveaux mais aux questions que ces moyens nouveaux permettent de poser autrement et peut-être de résoudre en partie. La beauté du problème requiert l’intelligence du moyen. N’est-ce pas ce que Heidegger suggérait quand il écrivait dans son essai La Question de la technique en 1954 : « L’essence de la technique n’a rien de technique », conseillant d’interroger ce que nous dit l’art de l’essence de la technique ?

Types d’œuvres

  • Grammaire de l’espace
  • Le cube
  • Les néons
  • Le vecteur
  • Espace architecturaux
  • « Porte de Paris » à St Quentin-en-Yvelynes
  • La Défense, place des degrés

EXPOSITIONS

Sa première grande exposition a lieu à Berne en 1963. Elles se multiplieront par la suite : en France et aux États-Unis, mais aussi en Allemagne, en Hollande, dans les Pays scandinaves et au Japon, aussi bien dans des galeries que dans des musées.

Pour la France, il faut citer au moins la grande exposition de l’ARC en 1969 et l’exposition, centrée sur le projet de la Time Machine, au Centre Georges Pompidou en 1981, préparée au cours d’un séjour au Center for Advanced Visual Studies au M.I.T., entre 1978 à 1985.Une exposition a eu lieu à la galerie Marion Meyer à Paris du 31 mai au 28 juillet 2007.

Aux expositions s’ajoutent les réalisations dans l’espace public, dont la Place des Degrés, à la Défense à Paris, achevée en 1990, la Porte de Paris à Saint-Quentin-en-Yvelines en 1991 et L’Axe de la Terre à Marne-la-Vallée en 1992

Mais le lien fondamental qui attache la démarche de Kowalski à la pensée utopique l’a amené à collaborer à de nombreux concours, dont restent les projets (dessins, maquettes), et cette part non aboutie de l’œuvre n’est pas la moins importante.

Bien qu’exposé dans les plus grandes manifestations internationales et les plus grands musées, Kunsthalle, Biennale de Venise, Centre Georges Pompidou, Stedelijk Museum, Documenta, ARC…, il reste probablement pour la majorité des montrougiens, un inconnu.
L’originalité de son travail réside dans la capacité qu’il a eue de découvrir et de faire découvrir aux autres la puissance esthétique des sciences. Mais chez lui la science n’est jamais invoquée comme vérité, c’est tout le champ scientifique qui est reconverti en formes esthétiques pour interroger et perturber nos perceptions acquises et pousser chacun à devenir acteur du réel.
Il est aussi le premier artiste au monde à avoir mis en place une sculpture interactive agissant sur une image de synthèse (cube N°8 en 1967)
L’interactivité et la citoyenneté présentes dans son œuvre sont deux valeurs chères à l’équipe de Montbouge comme ces « vecteurs » qui nous montrent la direction à prendre. (1)

Mais au-delà de la sphère montrougienne, c’est toute la perception du monde qui est mise en chantier ; l’espace, le temps, la lumière, sont autant de matériaux qu’il a fait apparaître sous la forme d’un « Gai Savoir »…

Les œuvres de Piotr Kowalski donnent à penser, elles ont une beauté plastique et les matériaux utilisés sont très sophistiqués (verre photochrome, dichroïque, cuivre, gaz, lave, hologrammes, premiers microprocesseurs pour « time machine »).

Leur valeur la plus haute réside dans ce qu’elles provoquent en nous : « …c’est NOUS que doivent traduire et la pierre et la plante pour que nous puissions nous promener en NOUS-MÊMES quand nous irons dans ces galeries et dans ces jardins » Cette phrase de Nietzsche, citée par Kowalski pour son projet d’aménagement des Halles en 1978 (projet non retenu malheureusement), traduit bien sa volonté et sa démarche.

Le « Cube de la population » exposé à Beaubourg en 1992 montre en temps réel la population du monde. Des petites billes de verre tombent dans un cube transparent au rythme de 4,1 par seconde (taux de naissance) et remplissent ce cube qui, plein de la population mondiale à cet instant, se vide par le bas au rythme de 1,7 bille par seconde pour visualiser les morts.

Bien qu’il soit à juste titre souvent mis en relation avec la science, Kowalski a aussi entretenu des liens étroits avec les poètes Jean-Christophe Bailly et Gherasim Luca.

Article sur l’artiste

•   Dans l'article de l'Intervention 9, l'auteur explique le point de vue de Kowalski sur le rapport entre la science, la technologie et l'art, que les 2 coexistent et deviennent dépendant l'un de l'autre. Kowalski explique que la science est devenu quelque chose de presque indispensable et omniprésente dans notre société.
•   Par la suite il expliquera la finalité de son œuvre time machine , qui permet de vivre par le son et son inversion, le passé et le présent au même moment et donc de vivre un moment hors du temps tout en étant bien réel.
•   Pour finir, l'article nous dit que Kowalski a créé une œuvre «hommage à Foucault», qui est le pendule qui lui a permis de prouver la rotation de la terre sur elle même.

Bibliographie

  • J.-C. Bailly, Piotr Kowalski, Hazan, Paris, 1988
  • Piotr Kowalski, Time Machine + Projets, catal. expos., Centre Georges-Pompidou, Paris, 1981.
  • Intervention 9, 1980 – Article sur Kowalski

Liens