Chiharu Shiota

Chiharu Shiota est une artiste japonaise née en 1972 à Osaka qui vit et travaille à Berlin depuis 1996. Elle a étudié à l’université Seika de Kyoto et dans plusieurs écoles en Allemagne.

Elle a notamment été l’élève de Marina Abramovic et de Rebecca Horn dans les années 90.


Shiota a performé et exposé dans le monde entier ; elle a exposé au Rochester Art Center, au Museum of Art of Kochi. Elle a également conçu le décor de l’opéra « Matsukaze », les décors de Tristan et Iseult pour l’opéra de Kiel. Elle a même exposé en France, en 2013 où elle réalise des installations au Carré St Anne à Montpellier.

Son langage artistique s’est nourri des influences de ces précurseurs comme Louise Bourgeois, Eva Hesse, Ana Mandieta, tant au niveau de l’expérimentation physique et du travail sur l’inconscient, qu’à travers le choix de matériau comme le fil et les textiles.Son travail mélange body art, performance et surtout des installations spectaculaires. Pour cela, elle utilise de la laine noire ou rouge qu’elle entremêle telle une toile d’araignée gigantesque. Si elle ne se met pas en scène elle-même à l’intérieur, elle utilise des objets tel que des chaussures, des valises, des lits… Elle a donc vraiment un univers qui lui est propre et focalise son travail sur la notion du souvenir, les relations entre passé et présent.

L’une de ces œuvres que l’on trouve les plus emblématiques de l’univers poétique de Shiota: The key is in the hand.

En tant que spectateur, notre première impression est celle d’un arrêt dans le temps, comme si les barques et les clés volaient, comme figés dans un mouvement. Lors d’une interview, Shiota explique qu’en réalité les barques représentent des mains qui ne portent pas moins de 50 milles clés qui elles, représentent des corps humains. Les fils rouges représentant le sang. Pour elle, les bateaux portent la mémoire et les corps et les transportent à travers le temps.
Pour la petite anecdote, elle a en sa possession 180 000 clés, qu’elle récupère d’une entreprise, qu’elle trouve ou qu’on lui donne, pour elle ces clés portent déjà beaucoup de messages avec l’histoire de leurs propriétaires. A travers ses clés on peut dire qu’elle met en quelque sorte son public à contribution, comme son œuvre elle tisse des liens avec l’Autre.

Il faut aussi aborder le travail Herculéen que nous propose Shiota.


Telle une araignée elle enveloppe consciencieusement ses installations d’un inextricable réseau de fer comme un cocon, le temps et les choses sont emprisonnées, protégées.

Une autre œuvres emblématique, If the shoe fit

Le point de départ de cette œuvre a été son voyage au Japon après plusieurs années d’absence. Elle a ressentie comme un manque, l’environnement lui semblait réel et familier mais quelque chose n’allait pas.
La principale interprétation que l’on peut faire de cette œuvre c’est le lien ténu entre présence et absence. Les fils rouges représentent la connexion entre ces sentiments, les souvenirs et les chaussures.
Elle fait à nouveau participer son public en collectant parmi eux plus de 400 chaussures et en leur demandant d’inscrire pour chaque chaussure une note pour décrire leur importance. A la lecture de ces notes on peut alors imaginer tout l’univers autour de ces chaussures. Au final, c’est un réseau graphique qui connecte les éléments, évoquent la puissance des liens interpersonnels, et l’inévitable dépendance du sujet à ses racines.

Finalement ses œuvres généralement regroupent toujours les même idées, les même notions..

Voici quelques exemples des installations arachnéennes :

In Silence, 2002 et 2019
Installation au bon marché en janvier 2017

Son exposition à Mimoca met en avant la recherche de son identité, l’éloignement de son pays, de sa culture natale, tout est questionnement autour du souvenir, de la mémoire, des liens tissés à l’intérieur de l’être humain, le reliant au passé et à ses interrogations.

DURING SLEEP, 2002 – Lit en metal, literie et laine noire
Group exhibition: Another World – Twelve Bedroom Stories

Dans During Sleep: des personnes sont emprisonnés dans les toiles. On retrouve un peu de de l’influence de Marina Abramovic, à tisser des liens à la fois indirect et direct avec son observateur qui le fait rentrer totalement dans son univers artistique.

After the Dream, 2013 – Montpellier

L’exposition « After the Dream » de Shiota a eu lieu du 4 Octobre au 17 Novembre 2013 au carré saint Anne a Montpellier. Dès l’entrée dans les lieux, nous sommes comme happés par cette oeuvre monumentale, qui remplit les moindres recoins de l’église saint Anne, ce lieu déjà chargé de symbolique apporte une puissance particulière a cette oeuvre onirique. Entre robes et tissage, le spectateur déambule dans un labyrinthe, retrouvant une expérience de tout les sens, perdu au milieu de cette installation ou la vie et la mort semblent constituer les éléments premiers, archaïques d’un processus de ressourcement.

Chiharu Shiota – After the dream, 2013 – Carré Ste Anne – Montpellier

L’oeuvre vogue silencieusement entre oubli et souvenir, rêve et sommeil, on approche de l’oeuvre avec une inquiétude sourde, teinté de curiosité. On peut directement ressentir les obsessions et les angoisses de l’artiste, qui a travers son propre imaginaire, nourrit le notre de sentiments brumeux et contradictoires. Les fils noirs, non sans connoter le fil d’ariane, symbolise le retour du voyageur. Cet enchevêtrement de fils diffracte la lumière et laisse entrevoir l’ombre de 4 grandes robes blanches, silhouettes fantomatiques.

La puissance de l’installation réside dans le fait qu’elle abolit la séparation entre le visiteur et l’œuvre telle qu’on pourrait la ressentir dans d’autres expositions. Ici, ils partagent le même espace. Ce qui marque particulièrement c’est ce sentiment difficilement exprimable de présence de l’absence, à la fois inquiétante et merveilleuse, une douce angoisse qui nous plonge entre rêve et cauchemar, le tout, dans une délicate poésie.

Sa réalisation est spécifique à l’architecture du lieu et à son identité, Shiota utilise le plafond et les piliers comme structures d’environnement immersif. Lorsque nous rentrons dans l’église,on apercoit cinq longues robes blanches pendues au plafond, entre les piliers, au centre de l’espace. Un fil noir qui s’apparente à une toile d’araignée emprisonne les robes dans un tissage complexe. Le visiteur ne peut envahir l’espace, les robes sont comme « protégées » par la multiplicité des fils. Shiota a crée un cocon dans lequel nous sommes totalement immérgés; le visiteur est surpris, fasciné par l’immensité de l’installation, il se déplace à l’interieur de la pièce en contournant les fils. La structure de l’oeuvre et légère et aérée, néanmoins, l’ambiance tamisée des lumières est oppréssante, mystèrieuse à la limite de l’angoisse, le spectateur serait la proie à venir d’une bête de l’ombre…

L’oeuvre de Chiharu Shiota entraîne le spectateur dans un monde pétrifié où résonnent les thèmes de l’absence et du souvenir. Les fils sont symbole du temps qui s’écoulent, des souvenirs qui s’entrechoquent et se déchirent :

« Les fils sont tissés l’un dans l’autre. Ils s’enchevêtrent. Ils se déchirent. Ils se dénouent. Ils sont comme un miroir des sentiments »

Chiharu Shiota


Toutes ces structures demandent au spectateur de pénétrer dans l’oeuvre, de la vivre, et la parcourir. On se sent comme pris dans une toile, presque étouffé. L’oeuvre nous touche et nous prend à parti.

Wall, 2010

Un femme nue couchée sur un fond entièrement blanc, a su elle des dizaines de tuyaux transparents dans lesquels circulent (ou pas) du sang. 
Pour le coup, la métaphore la plus évidente quand on voit cette vidéo est celle de la vie qui ne tient qu’à un fil. 
Nous avons affaire à une ambiance très médicale, notamment par la neutralité du fond blanc, la nudité de la femme qui semble agoniser (effet obtenu par l’accélération de la vidéo qui « augmente » la vitesse de respiration de la femme), mais surtout avec ces tuyaux, qui ne sont pas sans rappeler ceux des transfusions sanguines et autres perfusions. 
Ces tuyaux sont des « fils » qui nous maintiennent en vie. Mais ici, disposés sur le corps et sur le sol par dizaines, ils pourraient aussi, si on ne les considère pas au premier degré, sembler être des veines, des vaisseaux sanguins. L’image serait alors d’autant plus morbide : cette femme serait en totale agonie, en fin de vie, lorsqu’on voit ces veines dont la circulation est faible, partielle, voire inexistante dans certains tuyaux. 
Au niveau du son, le larsen, le bruit sourd qui accompagne la vidéo tout du long n’est pas sans rappeler l’univers médical : c’est comme si l’on entendait avec les oreilles de cette femme, qui n’entend plus clairement, car elle est dans un état second, un malaise, un coma, ou bien un réveil d’anesthésie. 
L’artiste nous expose face à notre plus grande vulnérabilité. Le film en est presque impersonnel, et paradoxalement d’une abstraction très figurative.

Eye to Eye

Quelques une de ses expositions personnelles :

2013 : After the Dream, Carré Saint-Anne, Montpellier, France
2012 : Labyrinth of Memory, La Sucrière, Lyon, France
2011 : Home of memory, La Maison rouge, Paris, France
2010 : Dialogue with absence, galerie Christophe Gaillard, Paris, France
2009 : Flowing Water, Nizayama Forest Art Museum, Toyama, Japon
2008 : Breath of the Spirit, The National Museum of Art, Osaka, Japon
2007 : From in silence / art complex, Kanagawa Arts Foundation, Kenmin Hall, Kanagawa, Japon
2005 : During Sleep, Museum Moderner Kunst Kärnten, Klagenfurt, Autriche
2002 : Uncertain Daily Life, Kenji Taki Gallery, Tokyo, Japon

Liens

-Site internet de l’artiste