Artiste intéressé par le Land Art, Chris DRURY présente un travail sur les paysages sauvages dans le monde. Au cours des vingt dernières années, il a développé un répertoire impressionnant et très personnel de sculpture d’environnement naturel. Comme Nils Udo, son but est de mettre en évidence la vivacité de la nature et d’en faire ressortir la beauté aux travers de ses transformations.
Né en 1948 à Colombo au Sri Lanka, Chris DRURY est un artiste du mouvement Land Art. Il a principalement étudié à Londres au Camberwell School of Art et a été diplômé en Art, Design et Sculpture. Il commence sa carrière artistique par de la sculpture figurative puis se tourne vers le travail de la nature. A travers les thèmes abordés, il met en évidence les cycles de destruction et de régénération régulant la nature et la manière dont l’homme affecte ces processus.
Un artisan du minéral et du végétal
Le monde est son terrain de jeu. En effet, il l’explore et laisse sur son passage des stèles dont les principaux matériaux lui sont soumis par la nature : os d’animaux, bois, pierre. Il propose des œuvres en prenant en compte l’environnement dans lequel évoluent ces éléments. Il se définit lui-même comme un artiste sans style particulier n’ayant aucune préférence pour les matériaux utilisés dans ces différentes œuvres.
Les rapports extérieur / intérieur, nature / culture guident l’exploration de cet artiste britannique. Mise en forme et présentation de la nature sont les termes définissants avec précision la vision globale de l’artiste.
Démarche artistique de Chris Drury
Ce qui caractérise Chris DRURY, c’est le fait qu’il définisse ces œuvres comme étant une manière d’attirer l’attention sur quelque chose se trouvant en dehors de l’œuvre même.
Chris Drury
«Une caractéristique de toutes mes œuvres, c’est qu’elles attirent l’attention sur quelque chose qui est en dehors de l’œuvre elle-même, elles ne sont pas auto-référentiel.»
L’artiste établit alors des liens entre différentes manifestations dans le monde, ou avec plus de rigueur, entre nature et culture, intérieur et extérieur, microcosme et macrocosme.
Son point de départ est le lieu et / ou la situation. Son travail est en ce sens un dialogue permanent avec le monde, cherchant à explorer notre place dans l’univers. C’est pourquoi, au commencement, mais également tout au long du processus de création, l’artiste travaille en étroite collaboration avec des scientifiques et des techniciens de diverses disciplines. En général, il utilise le paysage en tant que tel, et les matériaux qui s’y trouvent et produit un art résonnant de son expérience des endroits qu’il a visité et des voyages qu’il a fait.
Une empreinte humaine dans la nature
Pour ses vortex, Chris Drury utilise les propriétés de certains arbres (saule, sycomore) afin de créer des cônes de tailles impressionnantes (20 mètres de hauteur et d’une circonférence de 4 mètres). Méthodiquement choisis, les emplacements réverbèrent des constructions architecturales humaines ou naturelles. Les traces préparatoires de ces vortex ne trouvent pas leurs fonctions sur le long terme. A l’image de ces traces, les constructions ne sont pas réalisées pour durer. A-travers celles-ci, l’artiste marque plutôt son passage, et permet ainsi aux spectateurs de voir réellement l’environnement dans lequel il évolue. Selon lui, c’est une manière de pousser l’individu à une prise de conscience.
Prenons l’exemple de son projet Time Capsule (2002), qui consiste en un enchevêtrement de plants d’arbres, en l’occurrence ici un amélanchier, dont les plants sont planté dans le sol afin de mettre en évidence une forme conique. A l’intérieur, l’artiste introduit une structure de panier tissé en bâtons verts dans laquelle il incorpore de l’argile rouge (de Caroline du Sud) et du ciment. Il espère alors que la construction à base de plants évoluera,et grandira autour de la structure intérieure. Son but est d’étudier les changements qui vont s’opérer autour de cette transformation humaine qui pourrait sans doute durer un ou deux siècles compte tenu de la longévité et de la robustesse de l’arbre choisi. Étant donné que l’amélanchier est aussi un arbre qui change également au cours des saisons (fleurs, feuilles, couleurs, etc), l’artiste souhaite observer ces changements dans ce nouvel environnement. Par ailleurs, en collaboration avec le Jardin Botanique de Caroline du Sud, il favorise la prochaine venue d’oiseaux dans cette espace puisque les baies de cet arbre sont une bonne ressources pour les oiseaux. Un projet artistique qui participe à la création d’un petit écosystème, mais qui s’inscrit dans le même temps dans la durée.
L’interprétation de notre vision du monde
Si l’on regarde tout le travail de Chris DRURY, l’on pourrait dire que l’artiste à une sorte de signature. Un trait de caractère et une personnalité qui se manifeste au travers d’une réflexion philosophique en parallèle avec l’intérieur et l’extérieur; et le microcosme et le macrocosme. Deux de ses projets illustrent parfaitement cette réflexion en mettant face à face l’infiniment grand de l’univers et l’infiniment petit de l’univers humain. Ce qui constitue en en soi un paradoxe, puisque l’univers humain, territoire partiellement exploré s’inscrit dans une sorte de contradiction avec un infiniment petit face à l’univers, mais dans le même temps un infiniment grand à l’échelle humaine. Avec la mise en place de ce qu’il appelle « Chambre », Chris DRURY a voulu mettre en pratique, comme une sorte de métaphore ce paradoxe et ce parallélisme d’un intérieur et d’un extérieur face au microcosme et au macrocosme.
L’effet intemporel des nuages en mouvement, vue au travers d’une lentille placée dans une ouverture sur le toit de la construction de 120 tonnes de pierres de Cornouailles. Une lentille qui projette l’image du ciel au sol, inversant ainsi la perception du spectateur.
Dans le même style il y a le projet Reed Chamber, qui étudie le mouvement des roseaux. Une chambre fait sur un ponton de bois flottant dans un lit de roseaux. La construction fait de chaume et de roseaux, ainsi que de bois de saule et de châtaignier, projette au sol via une lentille et un miroir le mouvement des roseaux par le vent à l’intérieur de la structure.
Le visible et l’invisible
Dans la continuité de son travail sur cette association entre extérieur et intérieur. Chris DRURY s’interroge sur l’indicible au travers d’un projet sur les ombres et la lumière, mais aussi sur l’éphémérité des choses et le passage de l’homme sur terre. Dans cette optique, il élabore un travail qui amène une sorte de décomposition métaphorique. En ce sens, il utilise des matériaux organiques, mais en imputant à sa sculpture une forme qui semble figée dans le temps. Ainsi, en intégrant un élément fixe sur une surface qui semble altérable (sol, terre) ou en insérant un élément altérable dans un espace qui semble immuable, l’artiste amène le spectateur à une réflexion sur le visible et l’invisible.
Le jeu sur la lumière et les ombres que l’on voit parfaitement dans l’œuvre Mushroom Cloud illustre bien cette interaction entre ces deux phénomènes. Par ce processus l’artiste met en place une sorte d’obligation de perception (éclairage de certaines parties des champignons) ce qui oblige le spectateur à évoluer autour de la sculpture. Et le fait que celle-ci se développe dans la longitude et soit en suspension donne cette impression d’insaisissabilité et celle-ci est accentuée par le fait que l’œuvre soit exposée dans un espace clos intérieur.
Plus de 6000 tranches de champignons séchés, scellées dans un cadre d’acier en suspension entre le sol et des fils de nylon, éclairé par en-dessous.
La fascination de l’artiste pour l’eau et le mouvement
Chris DRURY est fasciné par l’eau et son mouvement. Plus précisément, l’artiste est intéressé par cette ressemblance qu’il existe entre l’eau et la terre; et les rythmes dans le corps humain, d’où sa collaboration avec des médecins et des hôpitaux afin de mieux comprendre le fonctionnement du corps humain.
« Nous avons donc ce mouvement de l’eau, mais toute chose est traversée par le mouvement de l’eau, mouvement qui se reproduit dans notre corps, à l’échelle d’un microcosme, dans la façon dont le sang coule dans notre corps, dans notre c’ur : le sang coule en adoptant la forme d’un vortex. On peut observer cela dans l’eau, dans le fleuve, dans les nuages, et dans le corps humain, dans la manière dont le sang est pompé. »