
Christian Boltanski est un plasticien français, né le 6 septembre 1944 à Paris. Photographe, sculpteur et cinéaste, connu avant tout pour ses installations, il se définit lui-même comme peintre, bien qu’il ait depuis longtemps abandonné ce support. Boltanski est reconnu comme l’un des principaux artistes contemporains français. Né à la fin de la Seconde Guerre mondiale dans une famille juive, d’un père juif d’origine russe et d’une mère chrétienne corse, il est resté marqué par le souvenir de l’Holocauste (l’extermination des juifs). Il commence à peindre en 1958, à l’âge de 13 ans, alors qu’il n’a jamais connu de véritable scolarité ni suivi de formation artistique au sens traditionnel du terme. La plupart des tableaux qu’il réalise alors sont en majeure partie de grands formats représentant des personnages dans des circonstances macabres ou bien encore des scènes d’histoire.

A partir de 1967, il s’éloigne de la peinture pour expérimenter d’autres modes d’expression, comme la rédaction de lettres ou de dossiers qu’il envoie à des personnalités du monde de l’art. Pour les constituer, il utilise des photocopies qu’il mêle à des documents originaux ou à des photographies qu’il tire des albums de sa famille. A travers ces nouveaux matériaux, il intègre à son œuvre des éléments issus de son univers personnel, au point que sa biographie devient l’une de ses principales thématiques.
En effet, sa vie et son œuvre se confondent, mais non pas dans le sens du sacrifice romantique où l’œuvre se fait aux dépens de la vie, mais dans le sens où l’œuvre est l’invention d’une biographie faussée et présentée comme telle. Boltanski reconstruit des épisodes d’une vie qu’il n’a jamais vécue, en utilisant des objets qui ne lui ont pas appartenus ou des photographies retravaillées. Il rédige même une sorte de biographie officielle, en 1984, pour le catalogue de la rétrospective que lui consacre le Musée national d’art moderne. Il la fait démarrer au moment où sa vocation artistique s’impose à lui : « 1958. Il peint, il veut faire de l’art. 1968. Il n’achète plus de revues d’art moderne, il a un choc, il fait de la photographie, blanche et noire, tragique, humaine? ». Par cette initiative, le genre hagiographique et convenu des notices habituelles est tourné en dérision, tandis que le lecteur est convié à repenser le sens que prend toute vie dès lors qu’on la considère d’un point de vue rétrospectif.
C’est pourquoi l’expression de « mythologie individuelle » qui intitulait une section d’exposition à laquelle il participait en 1972 caractérise si bien son œuvre : il y raconte sa vie sous la forme d’une fiction dans laquelle chacun se reconnaît. Comme il le dit lui-même :
« Les bons artistes n’ont plus de vie, leur seule vie consiste à raconter ce qui semble à chacun sa propre histoire ».
En couple avec l’artiste Annette Messager , Christian Boltanski est aujourd’hui reconnu comme l’un des principaux artistes contemporains français. Il enseigne à l’école nationale supérieure des beaux-arts de Paris.
Ce couple d’artistes occupe une place éminente au sein de l’Art contemporain, ils font partis de la même galerie.
Oeuvres
Boltanski cherche à communiquer de l’émotion dans toutes les expressions artistiques qu’il utilise : photos, cinéma, vidéo . Ses thèmes récurrents sont la mémoire, l’inconscient, l’enfance et la mort.
Une des particularités de Boltanski est sa capacité à reconstituer des instants de vie avec des objets qui ne lui ont jamais appartenu mais qu’il expose pourtant comme tels. Il raconte une vie qu’il prétend avoir vécu et tous les objets de ses dossiers, livres, collections et autres sont les dépositaires d’un souvenir auquel se rattache un pouvoir émotionnel fort, permettant à chaque individu de s’y reconnaître. Ces objets, il les met en scène non seulement dans l’espace mais également dans le temps, puisque chaque objet nous remémore un passé, un passé qui soit réel fictif ou encore personnel.
Ainsi les œuvres de Boltanski sont basées et font appel au souvenir, du souvenir d’enfance au souvenir des défunts, et d’une histoire personnelle à l’histoire commune de toutes et de tous. En 1972 lors d’une exposition il intitule une de ses sections « mythologie individuelle », ce qui caractérise et résume bien son œuvre.
Il travaille le thème de l’hallucination, là où absence et existence se confondent.
Il met en perspective dans certaines de ses vidéos les souffrances endurées par les juifs. Celles-ci expriment, sans aucun mot, l’horreur de la guerre. L’absence est un sujet récurrent dans son travail : la vidéo comme la photo sont des présences, des mémoires qui font revivre les absents.
Si l’œuvre de Christian Boltanski appartient au registre le plus contemporain de l’expression plastique par la multitude des matériaux employés, la pâte à modeler, le carton ondulé, la photographie ou des objets trouvés, l’artiste revendique néanmoins une filiation avec la peinture traditionnelle qu’il a pratiquée à ses débuts. Selon lui, la peinture se caractérise non pas par l’habileté de la main, mais par sa vocation religieuse et son pouvoir sacré. C’est dans ce sens que toute l’œuvre de Boltanski peut être perçue comme la continuité de la tradition picturale : en tant qu’elle interroge lareligiosité de .
Tous les objets qu’il convoque dans ses dossiers, ses livres, ses collections, au-delà d’apparences modestes, confinant parfois à la dérision, sont les dépositaires d’un souvenir qui leur procure un fort pouvoir émotionnel. Qu’il présente ces objets sous forme de vitrines, d’archives, de réserves ou simplement d’expositions, il les met en scène dans l’espace, mais aussi dans le temps. Chaque objet nous replonge à sa manière dans le passé : le passé personnel, réel ou fictif, dramatique ou comique, de l’artiste, le passé d’un objet, ou le passé de l’humanité entière. Ce sont des reliques.
Toutes les œuvres nous isolent du moment présent pour nous transporter dans un espace de méditation, voire de recueillement pour les pièces des dernières années qui s’articulent autour du thème de la mort. Même les séries comiques comportent un caractère grinçant qui évoque l’idée d’un règlement de compte avec des événements passés encore pesants dans la mémoire. Ces œuvres comiques interrogent la mémoire individuelle, tandis que les œuvres qui traitent de la conservation des documents, dans le musée ou les centres d’archives, interpellent la mémoire collective.
Ainsi, toutes les œuvres de Boltanski travaillent sur le souvenir, du souvenir d’enfance au souvenir des défunts, de l’histoire personnelle à la grande histoire.
Christian Boltanski est membre du Narrative Art. Ce mouvement revendique l’utilisation de la photographie ainsi que celle d’un texte. Ces deux utilisations sont bien séparées dans l’œuvre ; leur lien doit se faire par une relation mentale.
Notices d’oeuvres
Les peintures que Christian Boltanski réalise entre 1958 et 1967 représentent des images semblant resurgir d’une mémoire enfantine, d’un passé jusqu’alors enfoui. Sans doute parce qu’elles évoquent des événements douloureux.
Parmi ces peintures, La chambre ovale met en scène, dans une architecture à la limite de l’abstraction, un personnage esseulé, assis par terre, et comme pétrifié, dans l’impossibilité d’agir comme le suggère l’absence de ses bras.
Prisonnier auquel on identifie son malheur, interné ou simple enfant puni dans un espace imaginaire, ce personnage réduit à une silhouette sombre, comme une ombre, procure à cette scène son mystère.
Mais bien que cette peinture évoque probablement un événement personnel que l’on ne peut comprendre parce que l’on en ignore tout, elle apparaît étrangement familière, en rappelant à tous le sentiment de la solitude.
La chambre ovale
Cette œuvre picturale des débuts de Christian Boltanski traite déjà des thèmes qui lui seront chers. Toutes les expérimentations qui suivent ne seront que l’approfondissement de ces premières tentatives, comme le remarque le critique d’art Serge Lemoine : « Son travail se présente comme la continuation de la peinture par d’autres moyens. Une peinture au reste figurative, et qui raconte : l’enfance, la famille, les souvenirs, la vie des gens »
La première exposition personnelle de Christian Boltanski témoigne en premier lieu de son intérêt pour le cinéma : organisée dans une salle de projection du 16e arrondissement de Paris, elle présentait, à côté de marionnettes grandeur nature, un film intitulé La Vie impossible de Christian Boltanski.
Après cette première expérience, Christian Boltanski réalise en 1969 quelques courts films à tonalité fantastique, tel que L’Homme qui tousse.
Dans ce film, on observe pendant 3 minutes un homme assis dans une petite pièce délabrée. Il tousse jusqu’à cracher un flot de sang qui se déverse sur ses jambes et souille ses vêtements. Tourné avec des moyens amateurs, le film revêt une qualité d’image documentaire qui ne le rend que plus inquiétant.
Même s’il abandonne peu à peu la forme cinématographique au profit de la photographie, Christian Boltanski explorera dans toute son œuvre cette ambivalence entre la vérité que semble certifier un document et le mensonge qu’implique le spectaculaire
L’homme qui tousse
Une autre oeuvre est « Les trois tiroirs ».
Cet ensemble de trois tiroirs, fabriqués avec des boîtes en fer blanc, est emblématique des premiers travaux de Boltanski sur le thème de l’enfance perdue.
Son premier livre, composé en 1969, Recherche et présentation de tout ce qui reste de mon enfance, 1944-1950, publié à l’origine à cinquante exemplaires, propose en effet une œuvre comme tentative de reconstitution d’une période de sa jeunesse. Il s’agit de neuf pages qui rassemblent une photographie de classe, une rédaction scolaire et d’autres documents du type de ceux que l’on conserve précieusement dans des cartons.
Avec les Trois tiroirs, la reconstitution se fait en volume. Les tiroirs contiennent de petits objets en pâte à modeler reproduisant des choses qui auraient appartenu à Christian Boltanski enfant : des avions, une bouillotte? comme le signalent les étiquettes dactylographiées et insérées sur chaque tiroir. L’artiste évoque ainsi les collections ou les trésors que chacun de nous, enfant, a pu constituer : des objets dérisoires mais cachés avec le plus grand soin.
Dans cette reconstitution Boltanski retrouve le sérieux des jeux d’enfant, ce qui la rend à la fois comique et touchante.
Cette œuvre annonce la série de pièces d’archives qu’il réalisera dans les années 80. On retrouvera les mêmes boîtes de fer blanc, remplies de menus objets, sans valeur marchande, mais renfermant les secrets d’une mémoire affective sans doute immense.
Les trois tiroirs
Dans le prolongement des thèmes de la reconstitution de la vie et de l’autobiographie de l’artiste, Christian Boltanski réalise plusieurs vitrines où il expose des objets personnels comme des reliques ou des éléments issus de fouilles archéologiques témoignant de civilisations perdues. Avec ces œuvres, Boltanski parodie notamment le Musée de l’Homme, lequel, dit-il, l’a beaucoup marqué : on y voit, dans des vitrines un peu poussiéreuses, des objets à l’origine sans vocation esthétique, des objets qui sont des documents plutôt que des œuvres, des objets auxquels le musée a retiré leur valeur d’usage. Christian Boltanski définit d’ailleurs les musées comme « des lieux sans réalité, des lieux hors du monde, protégés, où tout est fait pour être joli ». Ce sont des lieux hors du monde de l’action, ni réels, ni irréels, et qui communiquent cet étrange statut aux objets qu’ils renferment.
En présentant quelques-uns de ses effets personnels dans une vitrine, l’artiste applique à sa propre vie ce processus à la fois conservateur et mortifère.
Vitrine de référence
A partir de 1974, Christian Boltanski réajuste le thème de l’autobiographie à une perspective plus légère et plus humoristique. Comme il l’écrit dans sa biographie, en cette année 74, « il se dépasse, il se surpasse, il prend de la distance et se moque de lui-même, il ne parle plus de son enfance, il la joue? ».
Il semble en effet redouter la solennité de ses précédentes démarches. A propos du personnage de Christian Boltanski dont il cherchait jusqu’alors à raconter l’histoire, il déclare : « A un moment, ce personnage inventé m’est devenu trop lourd, j’ai eu besoin de le tuer? J’ai eu le désir de détruire le mythe et de le détruire par la dérision » (Boltanski, entretien avec Delphine Renard, catalogue du Centre Pompidou, 1984).
C’est ainsi que sont nées les Saynètes comiques, un ensemble de 25 œuvres, composées de photographies retouchées au crayon ou au pastel, dans lesquelles il raconte encore une fois son histoire, mais sur un mode clownesque.
Chaque photographie ou montage de clichés représente un événement familial marquant, un enterrement, un mariage ou un anniversaire, qu’il rejoue pour la prise de vue. Tous les personnages qui apparaissent sont donc incarnés par l’artiste lui-même, à peine déguisé par quelques accessoires, ce qui procure à ses images un caractère modeste, voire négligé, qui rappelle le théâtre de rue et provoque un sentiment de dérision. Les fonds sont souvent dessinés, ce qui accentue l’impression d’économie de moyen, tandis que, pour certaines pièces, des cartels commentent les scènes et redoublent leur dimension grotesque.
Avec les Saynètes comiques, Christian Boltanski révèle pleinement l’aspect parodique de son œuvre.
Le mariage des parents
Christian Boltanski a beaucoup utilisé la photographie dès la fin des années soixante. Les premières œuvres comportaient en effet des photographies de petites tailles, en noir et blanc, des photographies tirées d’albums de famille ou à vocation documentaire, accompagnées de textes ou d’autres éléments. A partir du milieu des années soixante-dix, il redécouvre ce médium pour en faire un tout autre traitement. Désormais, de grandes photos en couleurs assument à elles seules la force de l’œuvre. Boltanski crée ainsi une série qu’il intitule les Compositions. Compositions héroïques, grotesques, architecturales, japonaises, enchantées, les noms sont choisis en fonction des objets qu’elles représentent. Ce sont de grandes photographies au fond très noir qui monumentalisent de menus objets. Leurdimension ainsi que leur éclairage clair-obscur leur procurent un air d’apparition. Le fond noir sur lequel ces objets se découpent, comme dans un théâtre d’ombres chinoises, crée le
Les Compositions théâtrales de 1981 mettent en scène de minuscules pantins en carton ondulé que Boltanski fabrique pour l’occasion, avec du fil de fer et des attaches parisiennes. Ce sont de petits bricolages judicieux qui rappellent les objets en carton ondulé que Picasso réalisait dans les années dix.
Mais, ici, ces jouets sont fabriqués par l’artiste pour lui-même. Ils appartiennent au registre du trésor personnel et relèvent de la sphère intime. Boltanski les compare à des fétiches vaudous, faits de bric et de broc, mais capables d’un fort pouvoir évocateur. Pour le public, ils n’apparaissent qu’à travers la photographie qui les monumentalise et les met à distance. La prise de vue est, selon Boltanski, l’étape du « refroidissement », de la séparation.
« L’objet est du côté de l’intime, du toucher, la photographie du domaine de la représentation », dit-il dans un entretien de 1984. La photographie transfigure le travail manuel de la fabrication.
Composition théâtrale
En 1988, Boltanski s’empare d’un nouvel élément, le vêtement, qu’il utilise tout d’abord pour créer une œuvre profondément émouvante : Réserve, Canada. Il s’agit d’une pièce qui fait allusion aux entrepôts dans lesquels les nazis remisaient les effets des personnes déportées. L’usage du vêtement chez Boltanski est donc d’emblée lié au thème de la mort, comme c’était déjà le cas pour la photographie. Pour lui, « La photographie de quelqu’un, un vêtement ou un corps mort sont presque équivalents : il y avait quelqu’un, il y a eu quelqu’un, mais maintenant c’est parti ». Le vêtement est lui aussi une trace ou une empreinte qui témoigne d’une vie passée.
C’est à ce titre que les vêtements sont présents dans la série des Réserves réalisées à la suite de Réserve, Canada. Chacune est une variation d’installation sur le thème de la disparition et du souvenir. Dans Réserve : la Fête de Pourim, 1989, ou dans Réserve Lac des morts, 1990, les vêtements sont laissés au sol ; dans Réserve du Musée des enfants, 1989, ils sont empilés en rang.
Avec la Réserve de 1990, Boltanski tapisse les murs d’une salle entière de vêtements usagers, voire poussiéreux, qui répandent une odeur de grenier. Car la forte présence de l’œuvre ne se manifeste pas seulement visuellement, mais par une dimension olfactive trop rarement exploitée en art plastique.
Comme les autres œuvres de la série, la Réserve de 1990 crée un environnement incitant à une méditation mélancolique sur le corps comme enveloppe vulnérable, sur la vanité et sur la mort, qui sont les sujets de prédilection de Boltanski durant les années quatre-vingt-dix.
Quelques œuvres :
* L’Homme qui tousse, 1962
* La chambre ovale, 1967
* Essai de reconstitution (Trois tiroirs), 1970-1956
* Vitrine de référence, 1971
* Saynètes comiques, 1998
* Composition théâtrale,1989
* Enfants de Dijon, 1986
* Les archives de C.B. 1965-1988, 1989
* Réserve, 2002
* Les Abonnés du téléphone , 2006
* Shadows,2007
Galerie
http://www.mariangoodman.com/ Galerie de Marian Goodman