David Bioules

David BIOULÈS né en 1965. Travaille à Montpellier. Il a fait ses études d’arts plastiques à l’université Paris I.

Oeuvre de David Bioules

Souvent, on me demande « qu’est-ce que tu fais? ». Oser répondre, c’est à la fois logique, quand on prétend «travailler», mais aussi ambitieux : d’autres ne pourraient-ils pas s’en charger? La difficulté, c’est d’expliquer en peu de mots ce qui est continu sous les multiples aspects de son travail. Je me suis souvent intéressé aux choses provisoires, les autres me paraissant par nature périmées, ou peu urgentes. Matérialisant un peu le temps, puisqu’elles nous empêchent d’asseoir nos certitudes : panneaux, objets, tentes,chaises, et maintenant cabanes, qui n’ont pas toujours été là, et dont personne ne devrait prétendre savoir pour combien de temps encore ils ou elles s’inscrivent dans nos paysages. Ce qui relativise leur beauté et leur laideur, c’est justement que ces choses n’ont pas été prévues pour être là. Et c’est dans ces interstices, dans ce temps qui est capable de durer pour toujours, ou bien de s’interrompre dès le lendemain, dans ces espaces qui sont remplis par l’horreur du vide, que le besoin, l’envie, ou le hasard du dessin va, à défaut de faire quelque chose, tout simplement permettre de regarder différemment. Quelque fois pour longtemps.
[modifier] DIFFÉRENTS OBJETS PEINTS

OBJETS URBAINS

Le travail sur les objets urbains prolonge l’éternelle question: que peindre? quête originelle des sujets de la peinture. Si peindre les choses, c’est les voir, les faire voir différemment, et non plus les refaire, c’est aussi une manière utopique, idéaliste et un peu naïve de remonter à la naissance des objets, à l’origine de leur formation. Il y a bien quelqu’un qui a dessiné ces formes, prévues pour être ensuite déposées quelque part, commencer leur vraie existence. Les peindre, c’est aussi les re-dessiner, les faire voir pour elles mêmes, avant qu’elles n’existent dans un contexte, dans une réalité des choses.

TENTES

Si les tentes sont par nature des «installations», et si les audaces colorées des fabricants pimentent le plaisir de les peindre, c’est avant tout le rapport entre la tension des armatures et le négligé trop mou des drapés avachis qui provoque le désir du dessin, comme lorsqu’il s’agit de suggérer un corps dissimulé sous d’illusoires vêtements.

CHAISES

A la manière d’une attention inquiétante et obsédante, mon regard s’est porté sur ces chaises, omniprésentes dans notre vie, qui semblent avoir envahi jusqu’à tous les recoins de notre planète sans un bruit, sans que l’on sache pourquoi ni depuis quand, ni qui les a mises là. Provisoires, donc promises à durer longtemps, jamais bien rangées, jamais là pour elles mêmes. Sont-elles semblables? Nouvelles béquilles de notre corps, on les épouse, on les méprise, on les repousse mais on s’y enveloppe, on s’y emboîte, on s’y tord. Et ici, à ce moment, on prend le soin et le temps de les dessiner, de les parcourir du regard, de les revoir, de les identifier. Et d’y reconnaître leur pouvoir de nous porter, pas seulement notre corps, mais aussi avec nos émotions, nos états d’âme, notre gaîté et notre abattement.

GAINES (objet sur lequel il travaille en ce moment)

Un peu à la manière d’un promeneur, qui peut se laisser porter par sa rêverie ou ses préoccupations, ou bien avoir décidé au contraire de rechercher quelque chose de précis (on va faire une cueillette au bon moment et au bon endroit, ou on va au marché aux puces chercher et trouver ce qu’il nous manque), je me suis mis à regarder des gaines de plastiques, destinées aux câblages, qui sont souvent omniprésentes mais qui sont curieusement faites pour disparaître, être cachées, camouflées, enterrées. […] Je ne fais en réalité jamais de cueillette, mais l’image champêtre de la récolte me convient assez bien dans le sens où on ne sait jamais exactement quand ça commence ni vraiment où cela pourrait finir. Moment de disponibilité aux frontières flottantes, pour des morceaux désordonnés dans un premier temps, portant l’émerveillement des premières découvertes, puis en cherchant plus près de la source, en allant voir dans le neuf, où les tuyaux sont beaucoup plus rangés. Un inventaire est de toute façon toujours condamné à apparaître provisoire, puisqu’il y aura toujours quelqu’un pour déplacer la jauge. Hésitant dans un premier temps à manier eux-mêmes ces matériaux, c’est le pastel qui s’est imposé, venant comme un outil très distant, trop tendre et trop délicat pour supporter toute la présence de ces couleurs grossières et criardes, et le jeu de torsion complexe de ces matériaux modernes. Si petit à petit l’un et l’autre se sont apprivoisés, le résultat pourrait justifier ce pastel plus inquiet et moins épanoui que ce qu’il connote, et une tuyauterie caressée dans son intime crudité. Certains regards, comme celui du chirurgien ou du médecin légiste, sont les seuls à trouver touchant ou sublime la vue de l’intérieur de nos organes. Sans oser officialiser ces comparaisons trop particulières, il y a un réglage affiné et fragile, un presque rien, dans la vue que nous offre ces obscènes gaines, moments éphémères d’une nature non dégradable, conçue pour être cachée de nos yeux, alors qu’on nous annonce, rendant les designers un peu inquiet, la fin du plastique dans l’après pétrole. David Bioules.

SON TRAVAIL

« Peindre des choses, c’est les voir autrement, les couvrir, les recouvrir, les oublier. C’est les faire exister en peinture, se mettre en face. Si l’histoire a usé de nombreux thèmes, la vie les a de toute façon fait disparaître aussi. Mais il reste les fragments, les non-lieux, les interstices longtemps restés impeignables. Photogéniques, télégéniques, mais capables d’être aussi rattrapés par la lenteur de la peinture, par sa force de matérialisation des images. La présence de la peinture, c’est peut-être ce qu’elle a de plus propre. Devenir existence, sur elle-même bien sûr, mais aussi un peu sur son histoire, dans la mémoire de l’oeil qui la regarde, qui la transfigure, des fois, quand ça marche. Le pouvoir rétinien, spécifique, délaissé par certains, mais dont la servitude reste douce pour d’autres, maîtresse exclusive.
J’ai regardé, dessiné et peint des tentes, des fauteuils, des chaises. »

« Pour le peintre, l’objet ne peut être que prétexte à une réflexion de l’objet. » C’est une phrase que David Bioulès aurait pu faire sienne.

C’est de la rencontre entre le dessin et la peinture que résulte le caractère particulier des œuvres de l’artiste, dans lesquelles le regardeur devient sujet d’expérimentation. David Bioulès s’impose un exercice. Que se passe-t-il de si singulier durant le geste ? Une banalité a-signifiante se compose, une mission commune se cristallise. L’artiste passe du dessin à la couleur afin d’imposer la peinture. La peinture est, par essence, prioritairement couleur. Le tableau est donc résultat.

Les tentes et les chaises : deux usages d’une existence fluctuante, deux formes normales mais également altérées. Il donne à ses tableaux cette calme autorité qui les établiraient, ponctuellement, hors du temps réel. Rapide, David Bioulès préfère vérifier ses sensations, leur imprimer une continuité, laquelle confère à sa peinture une assise stable et l’ancre dans une permanence comme en témoignent les deux formes/motifs choisis.Ils représentent à eux seuls des natures mortes contemporaines, tandis que le dessin et le souvenir des chaises et des tentes se fondent furtivement dans des monochromes.Telle la DS de Gabriel Orozco, les sujets deviennent, à leur tour, des formes emblématiques de notre société moderne. L’objet devenant alors figure et inversement.

De plus, la brillance obtenue par l’utilisation combinée de laques glycéro et de vernis, ordonne aux tableaux une luminescente trivialité. A propos des tentes, tout semble graviter autour du degré de luminosité. La brillance crée des masses liquides, des masses refluantes, des masses d’absorption. La peinture dispose, ainsi, d’une particulière qualité de lumière conditionnant fondamentalement la sonorité de ce travail.

Les tentes et les chaises participent d’une stratégie de l’introduction d’éléments à la fois immuables et aléatoires dans ce qu’elles évoquent. Elles sont symboliques et « institutionnelles » : illusion d’optique, distorsion visuelle et glissement de sens. A l’instar de François Curlet, il procède à un déplacement des signes et des références. Cependant, même si David Bioulès use d’objets banals, il ne transforme pas radicalement leur sens par son installation dans l’exposition.

L’interprétation contemporaine que fait l’artiste du monde, sur la figure et la couleur est subvertie à travers la référence à une forme rustique du quotidien. Les deux motifs adoptés suggèrent implicitement une froideur industrielle, une médiocrité du quotidien ; en bref une synthèse des regards portés sur notre société. Finalement, l’oeuvre de David Bioulès adopte un formalisme camouflé et minimaliste qui se veut l’envers de la séduction. Son esthétique ambiguë tient à l’ambition d’unir les limites contradictoires du fini industriel et de l’imperfection « manuelle ».

Marie-Pierre Donadio. Janvier 2003.

David Bouliès a participé à une exposition collective organisée par la galerie Vasistas intitulée « Il est une fois »:

« Il est une fois, soit une autre vision de la réalité ? à l’opposé d’un regard sur la trivialité du quotidien et tout autant d’une utopie du réel ? ou comment de légers déplacements peuvent recentrer notre regard et nous autoriser à vivre un conte contemporain. »

« Je me suis souvent intéressé aux choses provisoires, les autres me paraissant par nature périmées, ou peu urgentes. Matérialisant un peu le temps, puisqu’elles nous empêchent d’asseoir nos certitudes : panneaux, objets, tentes, chaises, et maintenant cabanes, qui n’ont pas toujours été là, et dont personne ne devrait prétendre savoir pour combien de temps encore ils ou elles s’inscrivent dans nos paysages. Ce qui relativise leur beauté et leur laideur, c’est justement que ces choses n’ont pas été prévues pour être là. Et c’est dans ces interstices, dans ce temps qui est capable de durer pour toujours, ou bien de s’interrompre dès le lendemain, dans ces espaces qui sont remplis par l’horreur du vide, que le besoin, l’envie, ou le hasard du dessin va, à défaut de faire quelque chose, tout simplement permettre de regarder différemment. Quelque fois pour longtemps. Remonter le temps, l’histoire de ces cabanes, les dessiner après. Produire des dessins qui auraient dû logiquement apparaître avant. Combler ce manque. Mettre en dessin, à la vue, ces petites et discrètes anarchies, qui rendent souvent le monde plus intéressant que sa réalisation. Les cabanes semblent être des objets déposés dans le paysage, mais cependant elles gardent intacte leur nature propre à l’architecture, leur propre espace. Les objets présentés ici sont donc des constructions issues de dessins, mais aussi des gabarits permettant d’en tracer d’autres. Finalement, une fois appelés outils, les voilà chargés d’un autre regard où peuvent s’accrocher d’autres images. Outils à dessiner, à regarder, à mesurer. Prêts à l’emploi, à être manipulés. Déplacés. »

EXPOSITIONS

Expositions personnelles

2008: Galerie du Tenyidor, Collioure 2005: Atelier La Réserve (résidence), Montpellier 2001: Arpac. Castelnau le Lez. 2000: Théâtre du Hangar. Montpellier. 1998: Théâtre du Hangar. Montpellier.

Expositions collectives

2007: Vasistas Il est une fois, Montpellier 2006: Aperto Stock en stock, Montpellier 2004: Aldébaran Jardins privés, Castries 2003: Espace Fayet Ils sont tous là, Sérignan 2003: Vasistas, Montpellier 1999: Hôtel des Allégories. Nîmes. 1998: Théâtre du Hangar, Montpellier
[modifier] PRESSE

Valentine Ducrot, ?David Bioulès peintre de l’urbain’, Vent Sud, hiver 2003

B.T.N., ?David Bioulès Raphaël Zarka’, L’Art Vues, avril mai 2003

Lise Ott, ?David Bioulès Raphaël Zarka à la galerie Vasistas’, Midi Libre, 2 avril 2003
[modifier] BIBLIOGRAPHIE

Valentine Ducrot, « David Bioulès peintre de l’urbain », Vent Sud, hiver 2003

B.T.N., « David Bioulès Raphaël Zarka », L’Art Vues, avril mai 2003

Lise Ott, « David Bioulès Raphaël Zarka à la galerie Vasistas », Midi Libre, 2 avril 2003