Fischli & Weiss

Peter Fischli et David Weiss sont deux artistes Zürichois qui collaborent depuis 1979.

Ils s’intéressent à de nombreux aspects de l’art sans s’imposer de limites, mais c’est principalement pour leurs sculptures et leurs vidéos qu’ils sont connus.

Peter Fischli est né en 1952 à Zurich, il fait des études à l’Académie des Beaux Arts d’Urbino, puis à Bologne entre 1975 en 1977. Peter Weiss est né en 1946 à Zurich, il fait également des études aux Beaux-Arts, mais à Zurich et ensuite à Bâle de 1963 à 1965. Les deux hommes commencent leur collaboration à partir de 1979 après avoir commencé chacun de leur coté. Leur œuvre s’inspire d’une esthétique plutôt populaire, à travers laquelle ils réinterprètent le quotidien entre amusement et désabusement. C’est par une exposition consacrée à ces deux artistes, qui représentèrent la Suisse en 1995 à la Biennale de Venise, que s’est ouvert le Centre culturel suisse en 1985.

« Dès que l’on commence à questionner, on amorce un processus sans fin, on ouvre la boite de Pandore, ce qui est précisément ce que deux artistes s’acharnent à vouloir nous dire. »

Leur carrière

Les deux artistes utilisent des supports et des médias d’une grande diversité, en effet ils ont recours aux installations, sculptures, photographies, films, vidéos, livres illustrés. Et de manière ludique et expérimentale, Fischli et Weiss portent un regard curieux sur le quotidien de la société dans laquelle ils vivent et évoluent,et créent des détournements et décalages des objets qu’ils présentent.
Entre humour et légèreté, métaphysique et ironie, le travail des deux artistes questionne le monde, s’interroge sur la difficulté à donner un sens à la vie et à la présence de l’homme sur terre. Teintée d’absurde, leur œuvre peut être considérée comme l’une des plus importantes dans l’histoire de l’art de ces trente dernières années.

Leur objectif est d’observer et de saisir le monde qui les environne, tout en continuant de surprendre.
Dans les années 1980, Peter Fischli et David Weiss se « moquent » quelque peu du cinéma et parviennent à « libérer l’art vidéo de la gravité révérencieuse qu’il avait suscité à son origine, pour inspirer par le truchement de la curiosité, du rire et, dans les œuvres ultérieures, l’utilisation aussi intelligente que festive de la science, un intérêt plus généralisé envers cette forme d’art. » (préface de catalogue d’exposition du MAM de la ville de Paris, 2007).Dans leur travail en art vidéo, les artistes font ressortir les thèmes du chaos et de l’ordre, et ceux-ci se font échos au sein des différentes œuvres présentés à cette époque et tout au long de leur carrière.

Leur art montre leur engouement pour le principe de la collection et de l’universel, ce qui peut renvoyer à l’art modeste des frères Di Rosa en France. On le remarque dans leurs séries photographiques comme les «  »Fragen » » : les questions -, les «  »Blumen » » : les fleurs , les «  »Pilzen »» : les champignons’, qui sont des éléments plutôt banals mais que ces deux artistes élèvent au rang d’œuvres d’art. Mais on le voit aussi dans leur grand nombre de figurines en argile non cuites formant une histoire universelle, ou encore leurs vidéos où ils sont grimés en rat géant et en ours en peluche et font une sorte de quête existentielle dans les Alpes Suisses. Ces deux personnages sont visibles dans  »La Voie de la moindre résistance » (film racontant sur un mode ironique une enquête policière dans le milieu de l’art), et  »Le Droit chemin » (parodie de film moralisateur dans laquelle ils partent à la recherche de l’origine du rat).

En 1986, Peter Fischli et David Weiss sont invités à inaugurer le Centre culturel suisse de Paris avec une exposition qui leur est consacrée. Vingt ans après, ils se voient offrir par ce même musée une carte blanche, c’est à dire qu’ils invitent 8 jeunes artistes suisses(David Renggli, Peter Regli, Annelise Coste, Jason Klimatsas, Lutz/Guggisberg, Andreas Dobler et Andrea Heller) et ensemble ils dressent avec humour le portrait d’une Suisse secrète, peuplée de chimères et autres bizarreries apocalyptiques, complètements surréalistes mais avec ils jouent dans leurs œuvres.

En 2003, ils reçoivent la récompense du Lion d’Or lors de la Biennale de Venise

En 2007, les deux artistes ont droit à leur première rétrospective française,  »Fleurs et Questions », au Musée d’art moderne de la ville de Paris (du 22 février au 13 mai), organisée en association avec la Tate modern de Londres et le Kunsthaus de Zurich, celle-ci rassemble plus d’une vingtaine d’œuvres du duo, et l’ensemble de leur œuvre est constituée de 31 chapitres.

Le cours des choses :

 »Le cours des choses », est l’œuvre la plus populaire des deux artistes, cette vidéo est diffusée pour la première fois à la Documenta (exposition d’art contemporain qui a lieu tout les 5 ans) en 1987. Ce film amusant, naturaliste de la cause et de l’effet a été réalisé en couleur et en plan séquence.

Cette installation artistique expérimentale montre une réaction en chaîne, une suite de catastrophes, fondées sur les bases des lois de la physique et de la chimie. Les artistes ne visent ni à glorifier ni à aliéner ces objets plutôt banals mais veulent créer de nouvelles références dans lesquelles ils pourraient être envisagés dans le milieu artistique. Ils créaient également individuellement un univers avec des objet en les mettant en relation entre eux de différentes manières afin de les faire fonctionner ensemble.
Cette réaction en chaîne à la fois excitante et absurde, a été entretenue pendant 30 minutes à l’aide de feux d’artifice, de jets d’air, de la gravité et une variété de matériaux corrosifs. On trouve comme un ordre de fluctuation dans cette oeuvre des deux artistes. Ainsi, cette vidéo n’ayant pour seul sujet les causes et conséquences peut faire naître les mécanismes de l’art, les improbabilités et les précisions liés à celui-ci. De plus, le travail effectué sur la lumière et l’obscurité vient à appuyer la thèse selon laquelle les artistes ont du prendre plusieurs heures, voir jours de préparation, pour arriver à se que les éléments s’enchaînent au moment souhaité.
Une des caractéristiques propre à cette vidéo est que contrairement à un long métrage ordinaire qui implique plusieurs possibilités de temporalité, dans  »Le cours des choses » rien ne peut arriver trop tard ou trop tôt, tout est parfaitement au moment où ça doit être. Il n’ y a aucun choix, aucune psychologie et à proprement parler aucun commencement ou fin. Le film décrit un mouvement qui semble être éternel, un éternel recommencement. La dramaturge du  »Cours des choses » reste cependant très prévisible mais le téléspectateur se sent captivé, surpris et veut connaître la fin.

Robert Fleck, commissaire de l’exposition de 1987 : « Ce qui est très fort dans ce film, c’est que les éléments développent leur propre humour. En même temps, on est sans cesse en train de se demander si la réaction en chaîne qui est nous montrée ici ne pourrait pas s’étendre au monde réel. On peut parfaitement imaginer que les objets s’emballent, entraînant dans leur sillage le monde entier. »

Enchaînement d’événements physiques, mécaniques, chimiques, une suite d’équilibres rompus et de dégagements d’énergie relançant sans cesse les choses. Sacs en plastique, bouteilles, chariots, plans inclinés, ressorts, pneus, liquides inflammables, acides, etc., toutes sortes d’objets et de matériaux communs, comme trouvés sur des décharges, se mettent tour à tour en action, parfois lentement, souvent violemment, avec des mouvements et des bruits comiques, dans une sorte de chute de dominos.

Der Lauf der Dinge (1987) – Fischli & Weiss

Diverses analyses, diverses visions peuvent s’attacher à cette œuvre qui garde une grande actualité et constitue, près de vingt ans après sa présentation à la Documenta de Kassel, une référence pour les jeunes artistes de diverses disciplines. Sa diffusion en DVD en est une raison. Mais il y a aussi un attrait du bricolage, du commentaire critique sur la technologie, et aussi une reconnaissance de la métaphore à la fois ironique et tragique de l’enchaînement inéluctable des événements.

On peut y voir une mise en scène de la notion philosophique de relation causale (1) :Cette chaîne « d’événements tous prévisibles puisque préparés pour l’être », [‘] « n’est plus simplement un bric-à-brac d’objets. Il s’agit aussi d’un bric-à-brac de relations qui, quoique fort diverses, sont toutes des variétés de la relation causale. » On peut y voir une image de la culpabilité et de l’innocence, de l’alliance inévitable entre bourreaux et victimes, les objets « victimes » devenant les « coupables » de nouveaux crimes et de nouvelles catastrophes (c’est ce qu’en disait le chanteur Stephan Eicher dans une émission de télévision diffusée sur Arte).

On peut y repérer encore une figure de l’interrelation, de l’interactivité. Ce film est à la fois une installation, une espèce de sculpture en mouvement et un film, avec sa linéarité mais aussi son montage. Les artistes ont effet trouvé le moyen de faire des transitions entre séquences, le tournage étant nécessairement fait de séquences distinctes. Des fondus-enchaînés placés sur des moments où la caméra cadre des surfaces de fumées et de liquides font de Der Lauf der Dinge un continuum apparent, la restitution d’un « temps réel ».

L’installation de Fischli et Weiss est une performance, un « théâtre » avec ses acteurs, son argument, sa dramaturgie. Le partage et l’articulation que nous proposons entre traits et ligne peuvent sans doute s’appliquer à ce film. Chaque objet ou assemblage d’objets du film peut être vu comme un trait, au sens d’une fabrication qui a sa particularité. D’un ensemble de gestes singuliers émerge une histoire qui a son unité et sa logique. L’enchaînement, l’événement répété et discontinu qui trouve une continuité dans le temps peut être vu comme une ligne. Qui plus est, une ligne comportementale, une ligne de conduite.

Principales oeuvres de Fischli et Weiss

 » Saucisses  », 1979. Photographies
  •  » Saucisses  », 1979. Photographies
  •  »La moindre résistance », 1980-1981. Film super 8, couleur et sonore. 30 minutes
  •  »Soudain cette vue d’ensemble », 1981 et 2006. Installation. Argile non cuite
  •  »Le droit chemin », 1982-1983. Film 16 mm, couleur, sonore. 55 minutes
  •  »Tube », 1985. Sculpture. Polyuréthane, étamine, peinture
  •  »Égoutiers », 1987. Sculpture en gomme noire
  •  »Son et lumières ? le rayon vert », 1990. Lampe, plateau tournant, verre en plastique, adhésif
  •  »Lumpentiti », 1992. Poupée remplie de pièces
  •  »Fleurs, Champignons », 1997-1998. Photos c-prints
  •  »Chiens », 2003, DVD.
  •  »’uf », 2006. Sculpture. Polyuréthane, étamine, peinture

Citations

  • « Est-ce qu’il est possible de vivre sans le moindre doute, en ayant pourtant la possibilité de savoir quelque chose qui soit pertinent en ce qui concerne la vie ? »
  • « Est-ce que les fantômes me voient ? »

Bibliographie