Ken Goldberg est un artiste et professeur associé en ingénierie à l’Université de Californie, à Berkeley, où il a créé le programme « Art, Technologie, et Culture ». Il a été chef de projet de l’équipe qui a construit le premier robot associé à Internet en 1994, et ses installations en réseau ont été exposées à l’Interactive Media Festival, Ars Electronica, Walker Art Center, Biennale du Whitney. Il est le directeur de Berkeley Center qui penche pour de nouveaux mass-médias. Ken Goldberg a créé le Telegarden en 1995 à l’Université de Californie du Sud. De 1996 à 1997, l’oeuvre fut présentée à l’Ars Electronica Center (en Autriche). Elle est aujourd’hui démontée et seules subsistent les traces documentaires sur un serveur.
L’oeuvre Telegarden de Ken Goldberg
Le Telegarden est une installation télérobotique qui permet aux internautes de voir, de planter et d’arroser des plantes d’un microscopique jardin à distance.
Les internautes ont accès au jardin par une interface qui leur donne une vue du dessus, et une vue de coté leur permettant de situer le robot dans l’espace. En cliquant sur une des zones du jardin on peut commander le robot pour qu’il se déplace vers cette zone. Après avoir effectué un mouvement, le robot renvoie une image actualisée du jardin. Le bras mécanique apparaît comme l’intermédiaire nécessaire entre le « téléjardinier » et le jardin dont il doit s’occuper avec les contraintes d’un jardin classique (plantation, arrosage etc.).
Pour arroser le jardin l’internaute doit se situer au-dessus de la zone à arroser et appuyer sur la commande d’arrosage. Pour planter, il doit trouver une zone relativement dégagée, bien qu’il n’y ait pas de restriction sur les plantations. Le robot fait un trou, cherche une graine et la dépose dans le trou.
Plusieurs internautes-jardiniers peuvent être connectés ensemble sur cette interface, et, chacun leur tour, commander le robot. Il existe un espace de Chat où ils peuvent interagir entre eux. Cette oeuvre rassemble donc une communauté humaine autour d’un projet collectif, celui d’entretenir un jardin. Ce jardin est une métaphore de la Terre que nous devons prendre en charge collectivement.
Cette oeuvre est mise en place à la mi-août 1995 à l’université de Californie du sud. Pendant l’été 1996, le jardin est transféré à Linz (Ars Electronica) en Autriche, où il est connecté à Internet jusqu’à l’été 1997.
Telegarden : réalité ou « simulation » ?
« Cette œuvre a également suscité un immense scepticisme : parmi ceux qui voyaient le jardin dans son espace physique (comme à l’Ars Electronica Center), certains n’arrivaient pas à croire que les plantes étaient arrosées, désherbées, plantées, ? par une communauté de gens dans le monde entier, à distance ; parmi ceux qui se connectaient, certains n’arrivaient pas à croire qu’à des milliers de kilomètres de leur écran se trouvait effectivement un vrai jardin. »
Annick Bureaud, dans Typologie de la création d’internet
Se posent ici les questions de « téléprésence » et « cyberception » développées dans le même ouvrage. Mais surtout, Telegarden a engendré une communauté virtuelle qui échangeait sur divers sujets humains, de la santé du chat de la voisine à des questions plus éthiques liées aux enjeux planétaires actuels tels que la protection de la biodiversité et des écosystèmes. Ainsi, le Telegarden a permis une reprise de distance, une conscience redimensionnée. L’artiste considère ce projet comme un contraste avec « le rythme accéléré auquel nous sommes habitués avec la technologie(…) » et l’espace d’un jardin où « nous ne pouvons pas précipiter la nature ». Telegarden crée un contraste intéressant entre une vieille technologie (l’agriculture) et une des plus avancée qu’est Internet. Les nouvelles technologies changent la façon avec laquelle les hommes se voient eux-mêmes, et voient le monde. Ken Goldberg fait donc partie des artistes qui utilisent les techniques et les sciences de l’environnement pour une démarche qui est au croisement de l’art, de l’écologie et de la science. Alors que l’écologie est l’« étude des interactions des êtres vivants entre eux et avec leur milieu », la technologie, elle, intervient dans la relation de l’homme avec les autres hommes et dans les relations entre l’homme et la nature. Telegarden peut ainsi être interprété comme la métaphore de la terre. Pour l’artiste, son oeuvre est au service du développement de l’esprit humain. « Peut-être est-ce l’heure de nous déconnecter d’Internet et de sortir dans le jardin » lance-t-il.
Shadow server
Dans l’œuvre suivante de Ken Goldberg, Shadow Server, l’internaute a accès à des ombres.
En Californie, une boîte contient divers objets éclairés par des sources lumineuses. Le public peut agir à distance sur la position des sources lumineuses et produire ainsi des ombres différentes qui s’affichent alors sur son écran. Dans ce projet minimal, Ken Goldberg rend poétique l’utilisation de la caméra sur réseau et son association avec un dispositif simple commandé à distance. Dans Mori, Ken Goldberg utilise les données sismiques de la région de Tokyo qui sont envoyées en temps réel dans une installation sonore et visuelle. Cette installation rend sensibles les mouvements subtils de la terre. Les visiteurs de l’installation entrent dans un espace noir où ils sentent l’odeur de la terre fraîche des bois. Ils font l’expérience d’une symphonie de sons de basse fréquence modulés en temps réel par les vibrations sismiques. La lumière est aussi modulée par ces données. Mori fait référence au mot japonais qui veut dire » forêt ou sanctuaire « , et au latin » Memento Mori « .