Le Land Art

« L’art construit le paysage de l’écologie en rendant visible et sensible ce que la nature seule ne montre pas » (Gilles Tiberghien)

Primary Structures//, 1966 de Robert Smithson

Le Land Art est un courant artistique composé d’artistes de différents pays, utilisant diverses techniques mais ayant en commun l’idée que l’art et la nature sont indissociables. Leurs premières expositions ont débutées à la fin des années 60.

La formation du courant du Land Art, s’est faite suite au regroupement d’artistes venant du minimalisme, et/ou voulant exposer leurs œuvres à l’extérieur des galeries et les travailler avec des éléments naturels. Ce n’est cependant pas un mouvement strictement défini comme a pu l’être le cubisme ou l’impressionnisme. Il s’apparente plus à l’art conceptuel par le fait que les artistes soient rassemblés par une même idée générale sans avoir toute fois établis de critères précis d’appartenance ou non. Nous verrons dans cet article quelques unes des caractéristiques de ce mouvement mais en s’appuyant sur les individus et non le mouvement dans son ensemble

Le Land Art est un mouvement majeur de l’art contemporain. Le plus âgé des artistes a avoir évoqué l’idée du Land Art est DeMaria Walter De Maria]]. Mais celui qui a consolidé cette idée est MichaelHeizer Heizer]]. Il a marqué les esprits avec ses nombreuses sculptures dans le désert Ouest américain. Dont par exemple son œuvre

Double Negative, datée de 1969 ,qui se situe près d’une base militaire.

DenisOppenheim Oppenheim quant à lui préfère tracer ses œuvres au sol. Ce travail est pour lui le prolongement de l’expression de son corps, ce qui va aboutir au body art.
Richard Long, bien que souvent associé au Land art, refusera cette association de même que Jan Dibbets qui ne fera qu’une exposition et un film.
Le Land Art est souvent associé par le grand public à «l’art conceptuel» pour son « inaccessibilité et sa difficulté de compréhension et d’appréhension des œuvres. Mais aussi par l’utilisation de l’idée de concepts en art comme par exemple dans certaines œuvres de RichardLong Richard Long]]qui sont des marches, représentées en exposition par de simple papier décrivant l’année l’artiste, et le titre.
L’accessibilité physique pose aussi souvent problème, car la plupart des œuvres sont placées dans des zones désertiques ou difficiles d’accès et donc associées à des photographies. Malgré tout de nombreux amateurs d’art n’hésitent pas à marcher de longues heures au soleil pour pouvoir les voir dans leur environnement naturel.

Dissipate Michael Heizer, 1968

Dans ces situations de représentation des œuvres le texte accompagnant la photographie acquiert une importance toute particulière. On ne peut le dissocier de l’œuvre d’art, car il permet de la situer et d’aller au-delà de l’aspect esthétique et grandiose. Des artistes comme Charles Ross, Nancy Holt, Robert Morris ou Robert Smithson utilisent alors le texte comme élément clé de leur œuvre , particulièrement dans le cas des œuvres éphémères ou amenées à évoluer au grès des éléments.
Dans les années 60 on assiste à une volonté de redéfinit l’art par l’art à travers des nouveaux outils. Le musée apparaît comme l’hôte de l’art et son achèvement. Les artistes du Land Art ont permis de nouveaux objets et espaces d’arts. Les Land artistes ont cette volonté de définir l’art par le biais de matériaux qui n’ont pas l’air d’être artistiques. Ils veulent mettre le doigt sur des éléments qui ne sont pas permanents et qui peuvent périr et disparaître du jour au lendemain. Ils se détournent ainsi de l’idée de préservation qu’ont les musées vis-à-vis des œuvres d’arts. Pour Gilles Tiberghein, le Land Art serait apparenté au romantisme par l’idée d’inéluctabilité du temps qui passe et son rapport profond et sentimental à la nature comme image de celui-ci.

Sculptures Inorganiques :

 

Displaced/Replaced Mass, Michael Heizer

Le Land Art est l’héritier de la contestation sociale de l’art de son époque. Ces critiques sociopolitiques du marché de l’art et de sa marchandisation ont profondément marquées le mouvement. Le Land Art rejoint le courant minimaliste dans sa remise en cause de certains aspects architecturaux des espaces d’exposition, comme le white cube encore pratiqué aujourd’hui dans la plupart de musées. L’incapacité de la structure muséale à accueillir et comprendre ces œuvres d’un nouveau genre, a poussé les artistes du Land Art vers la nature comme lieu d’exposition privilégié.
En 1966, Robert Morris, en pleine période minimaliste, se questionne sur les dimensions de ces «nouveaux objets». Car plus ils sont grands, plus il y a besoin d’espace et moins il devient privatif. Ainsi l’objet dans sa grandeur devient un objet entièrement public. Leur taille nous interdit tout rapport intime avec l’œuvre. L’idée même est reprise par Robert Smithson , «Il faut que les murs des musées modernes n’existent plus comme murs, avec leurs défauts propres.». Le but n’est donc pas d’installer simplement une sculpture à l’extérieur, il est de les faire voir autrement. Il s’agit de mettre en avant l’œuvre, non plus uniquement à travers son espace d’exposition, mais aussi grâce à sa temporalité. Le rapport de l’architecture et de la sculpture, a souvent été relevé par Hegel. Pour lui l’œuvre se suffit à elle-même, elles sont donc indépendantes. Cette notion d’indépendance correspond à l’emplacement des œuvres du Land Art. Pour Robert Morris, il est important de saisir le volume dans son unicité, il n’est pas nécessaire de pouvoir tourner autour d’une œuvre. Pour lui, la simplicité de la structure permet d’apprécier à sa juste valeur l’unité de l’œuvre. C’est pour cela qu’il fait référence aux pyramides d’Égypte. Robert Smithson poursuit dans la même idée et dit «On n’échappe pas à la nature en la représentant de façon abstraite ; l’abstraction rapproche des structures physiques inhérentes à la nature elle-même.».

Observatory, 1977, Robert Morris

Michael Heizer déclare que « la nature est organique. L’étude de la cristallographie montre qu’il y a plus de géométrie dans la nature qu’on ne pourrait jamais produire[…] Il n’y a pas de sens de l’ordre (ordre imaginable) qui n’existe dans la nature ». La référence des artistes du Land Art aux civilisations antiques égyptienne, précolombienne ou mégalithique, les placent au c’ur d’un problème complexe qui éclaire en partie le paradigme du cristal : par le biais de la masse, le rapport du spectateur vis-à-vis de l’œuvre se modifie.
Michael Heizer s’intéresse aux matériaux qu’il emploie et se tourne ainsi vers un art mégalithique. On peut le voir avec la disposition des pierres dans son œuvre d’art.

Lorsqu’il parle de deux autres de ses œuvres Levitated Mass 1971 et Dragged Mass 1982, il dit : «Je réalise qu’il y a un potentiel expressif dans les matériaux, mais je suis plus intéressé par leurs caractéristiques structurelles que par leur beauté. Je pense que la terre est le matériaux qui a le plus de potentialité parce qu’elle est la source première de tout matériau ».
Pour autant, la seule présence massive de l’objet ne peut suffire à le définir comme objet architectural. La sculpture est devenue une architecture ancrée dans la terre. Robert Smithson avec son œuvre,

Partially Buried Wooshed, vida une vingtaine de bennes de terre sur une baraque jusqu’à que celle-ci s’effondre. Robert Smithson par ce processus redonne l’aspect premier de l’architecture. Ainsi la masse prend le dessus sur l’architecture. La première œuvre de  Michael Heizer, faisant partie du Land Art,

Double Negative, fut pour lui son premier contact avec l’architecture : «Quand je l’eus terminée, elle était grande comme un immeuble. J’avais associé par hasard architecture et sculpture. Telle fut l’origine de mon intérêt pour l’architecture».
Michael Heizer différencie la taille et l’échelle. Pour lui l’échelle est la représentation fictive d’une taille. Robert Smithson, aborde lui aussi cette notion de taille et d’échelle à travers son œuvre

Spiral Jetty. Pour lui la taille détermine un objet et l’échelle est soumise à la perception des différents individus. Il dit même : «Être à l’échelle de

Spiral Jetty, s’est être en dehors d’elle». Robert Morris, quant à lui, considère que l’échelle est plus importante que la taille car, elle permet au corps de déterminer son espace : «L’idée de l’échelle est de fonction de la comparaison effectuée entre cette constante qu’est la taille de notre corps et l’objet». Chez Robert Smithson les espaces se fondent entre eux, on ne peut déterminer la limite de l’espace de l’objet. L’échelle et la taille vont s’exprimer ainsi de manières différentes chez chacun des Land artistes.

Spiral Jetty, 1970, Robert Smithson

La Terre et le Site

L’importance du site est charnière dans le processus de création dans le Land Art. Pour autant tous les artistes n’ont pas la même signification du site.
Le matériel principalement utilisé, est la terre aussi bien que le sable, la boue ou tout autres éléments venant de la terre. Cette notion de site va préoccuper la plupart des artistes du Land Art. Un en particulier, Robert Smithson, va mettre en avant le rapport de l’art et du langage. Le paysage, est le reflet de l’histoire du lieu. Le site ou le lieu rendent visible ce qui ne l’est pas. Pour Robert Smithson, la notion de site n’est pas celle clairement définie par les anciennes significations. Pour lui, le choix du site est purement de l’ordre du sensible et non de l’ordre de la raison. Ainsi avec Robert Smithson on ne définit pas un site on le perçoit. Le site et l’œuvre d’art ont un lien inaliénable, on perçoit le lieu dans l’œuvre et vice-versa.
Pour autant, le rapport de la sculpture à l’œuvre est plus complexe. Michael Heizer  est celui qui bouscule les codes établis en histoire de l’art avec

Double Negative. La simplicité de l’œuvre et l’ensemble, positionne le site comme l’œuvre elle-même. Or pour Michael Heizer, le terme « site » n’est pas approprié. L’idée d’associer de manière constante un site à une œuvre, ne lui plaît pas. Michael Heizer cesse de lier ses œuvres à un seul lieu. Mais de manière irrépressible on ne peut dissocier une œuvre de son site.
La question de site amène Denis Oppenheim  à se tourner vers le earthworks. Denis Oppenheim a la volonté de marquer ces sites de manière temporaire plutôt que de figer de manière permanente un objet dans un site. Avec Site Maker Denis Oppenheim veut mettre en évidence le lieu et non l’objet qui est sur le lieu. On peut le voir avec son œuvre Viewing Stations, où il expose des photographies de l’espace de la galerie. Le site, pour Denis Oppenheim, est seulement une surface qui a des objets ou des traces qui restent malgré les modifications dans le temps qu’on devra déchiffrer

Viewing Stations, Denis Oppenheim

Canceled Crop, 1969. Le jeu avec les signes est la particularité des artistes comme Denis Oppenheim, De Maria  ou Richard Long qui modifient superficiellement le paysage.

Las Vegas Piece, De Maria Walter, 1969

Les signes conventionnels intéressent les artistes ,car ils permettent de mesurer un espace et le temps. Robert Morris, est captivé par ces objets et crée en 1963

Three Rulers, Enlarged and Reduced Inches ou encore Swift Night Ruler en 1963 qui auront à eux seul leur propre unité de mesure. La détermination des limites d’un site, va être fixée par le déplacement de notre corps, mais aussi par notre perception de l’espace. On se retrouve avec la même problématique de la taille et de l’échelle. La limite de l’espace se précise en fonction de l’œuvre et de l’orientation. Avec l’

Observatory de Robert Morris, on ne sait pas quand on rentre dans l’œuvre, les frontières entre l’espace et l’œuvre s’effacent petit à petit. Robert Morris, voulait montrer cette sensation de pénétrer dans un lieu et non dans une œuvre et d’appuyer l’espace que traverse notre corps. L’influence de la photographie aérienne a permis de montrer son œuvre dans sa totalité.
Le cheminement qu’il faut faire pour atteindre une œuvre du Land Art, modifie la perception de celle-ci et de nous-mêmes. Les premiers non-sites ont été réalisés en 1968 avec notamment

A Nonsite, Pine Barrens

Cette notion de non-site a été établie par Robert Smithson en 1968 avec les termes sight et non-sight. Le non-site se réfère à un espace non artistique dans le genre mines, carrières abandonnées etc. Le non-site donne des informations du site de deux façons : par le biais des photographies et films qui permettent de le situer et par sa forme minimaliste. Le site nous dévoile une œuvre mais nous la cache en même temps. En rendant l’œuvre la plus visible, elle devient invisible.

Les artistes des années 60 se sont toujours posés la question de l’influence du temps sur une œuvre d’art. Robert Smithson critiquait le fait qu’on ne s’intéresse à une œuvre d’art qu’une fois qu’elle est terminée. Il disait même que : «L’art en ce sens est considéré comme  »hors du temps » ou comme le produit d’aucun temps». Lorsqu’il étudie les œuvres du minimalisme, il a l’impression qu’au lieu de lui rappeler son passé, l’œuvre nous fait oublier notre futur. Robert Smithson considère les œuvre du minimalisme comme un objet qui existe de manière actuelle et qui ne se projette pas dans un passé ou un futur possible.
Notre perception du temps dépend du mouvement des choses qui nous entourent. De nombreux artistes appuient leur conception du temps sur différents domaines comme l’histoire, la science ou autres. Pour autant, il y a toujours cette volonté de vouloir faire ressortir la consubstantialité du temps et de l’œuvre. Mais toutes les œuvres ne sont pas basées sur une relation au temps. Smithson a travaillé des œuvres qui étaient purement spéculatives.

Avec son œuvre Time Pocket créée en 1968, Denis Oppenheim représente le temps qui s’écoule et qui veut dire «repli du temps».

Time Pocket, Denis Oppenheim

Timeline, autre œuvre symbolisant le temps, incarne le fuseau horaire qui traverse les États-Unis et le Canada. Dans la légende de son œuvre, Denis Oppenheim parle du temps qu’il a mis pour créer son œuvre et des horaires de leur production. L’arrivée de nouveaux médiums comme la photographie, a perturbé la conception que nous avons du temps. Les œuvres éphémères ne sont présentes et réelles que lorsqu’elles étaient présentes dans le temps en «action».

Timeline, Denis Oppenheim

L’art de Richard Long est un art de l’instant qui est une purification du temps : il y a le temps représenté par la création de l’œuvre par l’artiste et le temps figé par l’image photographique. Richard Long a pour thème central, pour ses marches, le lien entre l’espace et le temps. C’est pour cela qu’il utilise les cartes. Il les utilise non pas pour retranscrire le chemin réel, mais le rythme abordé lors de cette promenade.
La conception du temps chez les artistes du Land Art est influencé par la conception aristotélicienne. Les grecs considéraient qu’il fallait suivre la nature. Dans cette même vision, les artistes du Land Art laissent leurs œuvres à l’entière disposition de la nature. Les Land Artistes modifient la nature à l’aide d’éléments perfectionnés, pour autant, ils ne sont pas adeptes de la technologie, car ces instruments ne sont que le prolongement de leur corps. L’art n’est que le résultat de la force naturelle et humaine qui aboutit à un caractère plastique.
Les Land Artistes sont en permanence à la recherche du temps qui leur échappe. Nancy Holt sur Sun Tunnels signifie la remise en place de l’axe de la Terre et lui redonne une direction sans l’accord de l’homme. Elle veut renouer le contact de l’Homme avec la Terre. Le projet de Charles Ross  est dans la même optique que celui de Nancy Holt. Il positionne son œuvre en fonction de l’inclinaison de la Terre et de l’étoile du Pôle Nord pour déterminer l’influence des étoiles sur la Terre.

L’Observatory,1977 œuvre de Robert Morris Morris est une référence au néolithique, mais aussi à la transcription du temps solaire. Les Land Artistes ont deux conceptions du temps : le temps en tant qu’instant qui permet de percevoir une œuvre dans sa totalité et le temps comme processus créatif, la réception et la dégradation d’une œuvre.

Sun Tunnelss, Nancy Holt

Sun Tunnels est une œuvre qui entretient un rapport avec le temps et le paysage, car les buses sont des tubes dans lesquels on peut se tenir à l’abri des intempéries comme s’il s’agissait d’un oculus.

Les cartes et les inscriptions:

L’utilisation des cartes dans le Land Art a une place importante. Les artistes comme Denis Oppenheim , Richard Long, Rober Smithson , De Maria Walter ou Nancy Holt utilisent les cartes pour poser la question de non-site d’une œuvre. La carte va permettre de contribuer à une nouvelle exploration de possibilités. Les cartes permettent aussi de repérer les endroits où seraient placés leurs futurs œuvres. L’artiste propose un emplacement qui est extérieur aux galeries d’art et montre un prolongement de l’espace dans la nature. Richard Long accompagne toutes ses cartes avec une légende et décrit le parcours avec des photos.
La carte est assimilée dans le monde du Land Art à une métaphore de la poésie. Pour Richard Long, la carte est le meilleur moyen de retranscrire son parcourt à échelle réelle.  Denis Oppenheim lui considère la carte comme un plan pour les musées où le terrain représente la limite d’une salle de galerie. Il s’agit d’une «transduction, ce qui permet le transfert d’une information conceptuelle à une information de l’ordre du sensible». Denis Oppenheim décrit sa manière de procéder lors d’un entretien. «Une bonne partie de mes réflexions préliminaires proviennent de l’examen de cartes topographiques et aériennes, puis de la collecte d’un certain nombre d’informations météorologiques. J’emporte ensuite le tout dans l’atelier terrestre[…] Il s’agit donc là de l’application d’un cadre de travail théorique à une situation concrète». La carte est un véritable outil de production et de réflexion chez les artistes du Land Art.

Running Fence Land, Christo.

La relation des Land artistes avec le paysage est complexe et ils ne l’abordent pas de la même façon. Pour autant, leur outil de travail est le paysage qu’ils modifient de manière réfléchie.

Running Fence de Christo est la matérialisation de la frontière, cette barrière qui s’étend de la mer à terre et repousse les limites. Mais pourtant la terre rétablit ses droits sur le territoire. Le paysage se construit par l »il de celui qui le regarde. Robert Smithson avec

Spiral Jetty nous entraîne dans le paysage et dans sa structure interne. Pour voir le paysage, il faut enjamber la fenêtre, parcourir et re-former le pays.
La route est ce qui sépare le site des non-sites. Dans les années 60, le travail des Land Artistes était considéré comme non écologique et brutal. Cette brutalité reprochée au Land Art, se retrouve dans le travail de Michael Heizer qui mit sa sculpture dans le désert. Robert Smithson lors d’un entretien, considère que l’utilisation du paysage n’est rien d’autre que l’extension de la galerie et non un retour à la nature. Le paysage est un lieu d’expériences, intellectuelles, sensibles et perceptibles. Cette conception n’est pas celle de tous les artistes du Land Art, comme Richard Long qui défend l’idée de non-profanation de la nature. Mais si le site s’efface au profit de l’œuvre, le site influence notre perception de l’œuvre. L’emplacement des œuvres de Michael Heizer, Robert Smithson,  ou Nancy Holt est associé au sublime. Le sublime provoque une sensation de terreur face à l’immensité de l’espace.

Les Limites de la représentation

Stones in Nepal, Richard Long,1975

Comme nous l’avons vu dans l’introduction, beaucoup de critiques reprochent aux Land Artistes l’inaccessibilité de leurs œuvres et l’inadéquation du terme sculpture. Michael Heizer répond qu’il ne s’agit que d’une plainte purement factice car l’œuvre se situe dans un endroit reculé. La représentation de l’œuvre par la photographie ne suffit pas à la représenter en elle-même. Les artistes considèrent la photographie comme un substitut, c’est le cas de Nancy Holt . Richard Long estime la photographie comme l’essentiel de ce qui est montré. Michael Heizer, lui traite la photo comme aide-mémoire. La photographie leur a permis d’explorer les représentations du réel et les conventions. Elle est la représentation de l’illusionnisme de la Renaissance. Le site n’est plus un espace intelligible, il devient illusoire. Le non-site ne représente pas le site et vice-versa. On ne sait pas, la véritable nature du site.
Ces sites n’ont été utilisés que pour être transformés et laisser supposer une présence. L’art canalise le flux et le reflux du temps. La notion même du site s’en retrouve changée. Il ne s’agit plus de le percevoir comme d’un espace de représentation, mais comme un espace qui fait partie de l’œuvre. Les artistes du Land Art jouent avec ces conventions qui organisent la vision perspective.
La photographie pure de Michael Heizer  est une manière de construire à l’instar de ses dessins ou croquis. Les Land Artistes réfutent l’espace homogène, continu auquel la perspective nous avait habitué depuis quatre siècles.
La dé-construction de l’espace modifie la temporalité de l’œuvre. Le processus de création ou de réception et d’existence de l’œuvre dépend de la photographie.Elle permet une perception illusionniste de l’œuvre et efface ainsi l’espace au profit du point dont elle a été prise. Le Land Art met en lumière la notion du temps qui passe par le biais de ces œuvres éphémères ou non qui laissent des traces. Sans les cartes, les dessins, les légendes, ces constructions n’ont aucune signification. Dans le Land Art, il y a une dimension romantique qui se manifeste à travers cette «relation esthétique de l’incertitude», l’impossibilité de la rencontre avec l’œuvre elle-même.

Isolated Mass/Circimflex, Michael Heizer

« Les artistes du Land Art tentent de trouver des moyens d’expression qui dépassent les limites de la peinture traditionnelle. Ce n’est plus l’image peinte du paysage mais le paysage en tant que tel, respectivement le paysage marqué par l’artiste, qui devient objet d’art… Le triangle atelier-galerie-collectionneur, dans lequel l’art s’est articulé jusqu’à présent, est ainsi rompu.»

Bibliographie


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