Musicophilia est un essai philosophique sur la musique. Oliver Sacks, à la manière de Freud dans 5 leçons sur la psychanalyse, explique à partir de cas psychologiques rencontrés ce que la musique peut engendrer sur notre cerveau. Ce célèbre neurologue, aborde tous les aspects de nos relations à la musique à travers sa propre expérience et de nombreux exemples de parcours individuels. Pour démontrer que l’homme est véritablement une « espèce musicale »… Il ouvre son livre sur une préface qui explique cette musicophilie naturelle : « [‘] l’immense pouvoir de la musique s’exerce sur nous tous ou presque, que nous en soyons friands ou non et que nous nous considérons ou pas comme « mélomanes ». Cette propension à la musique ? cette « musicophilie » – est patente dès la petite enfance : manifeste et centrale dans chaque culture, elle remonte selon toute vraisemblance à l’origine de notre espèce ; [‘] elle est si profondément enracinée dans notre humanité qu’on est tentée de la tenir pour innée, exactement comme cette « biophilie » (c’est-à-dire cet amour des êtres vivants ») dont parle E. O. Wilson. »(1)
Il démontre à travers ces cas que la musique peut nous « hanter ». En effet elle peut déclencher chez nous une musicophilie soudaine sans pour autant avoir été un jour mélomane. Mais elle peut aussi agir sur notre mémoire à la manière d’un souvenir proustien, en faisant surgir une émotion de « déjà-vu » même lorsque la mélodie ne nous dit rien. Elle est parfois si forte émotionnellement qu’elle semble persister, sans pour autant avoir de source réel, la musique se joue dans notre cerveau ; sorte de persistance auditive ou de « vers cérébraux » qui sont générés par des «[‘] productions musicales [‘] destinées à « accrocher » (dans le jargon de l’industrie du disque) : elles doivent assez attirer ou capter l’attention de l’auditeur pour se faufiler à l’intérieur de ses pavillons auriculaires et s’introduire dans son cerveau [‘]. »(2); ce qui peut aller jusqu’à des hallucinations auditives.
Il décrit ensuite les différentes formes d’écoute possibles. D’abord de manière psychologique et sensorielle, avec des cas comme ceux de la famille Aubrey, dont la seule des trois filles n’étant pas musicienne a la meilleure oreille. Il explique donc que quelque soit notre degrés de musicophilie notre sensibilité auditive et sensorielle peut être plus ouverte que chez d’autres. Alors que chez certains cette écoute peut être déformée, chez d’autres elle peut être accentuée. Il aborde aussi le cas de l’oreille absolue, qui est une aptitude, rare, à reconnaître et déterminer à l’écoute d’un son musical la ou les notes de musique correspondantes, sans référence auditive préalable. Il aborde ces différents types d’écoute de manière scientifique, musicale et psychologique.
Il questionne aussi l’importance de la mémoire musicale. Problématique abordée dès le début de son ouvrage et approfondi dans une partie. Où il explique que cette musique peut aussi avoir une influence positive sur notre cerveau, voire même un effet thérapeutique. En effet il décrit par exemple le cas de Samuel S. qui avait contracté une grave aphasie d’expression après une attaque cardiaque, et qui, deux ans plus tard perdait encore la mémoire des mots et ne pouvait s’exprimer. Connie Tomaino, sa musicothérapeute l’entendis pourtant un jour, chanter. La pratique du chants lors de ses thérapies lui fit recouvrir la parole en mois de deux mois. Ainsi comme dit précédemment, la musique familière agis, comme la mémoire proustienne, par association à des souvenirs et émotions, et permet d’atteindre des pensées et états d’âmes que l’on aurait pu penser oubliés.
Il conclu sur une dernière partie abordant les effets émotionnels que le musique peut avoir sur nous. Il y décrit les affects sensoriels et psychologiques de la musique. Autant sur des cas pathologiques graves tels que des démences, des mélancolies voire dépressions insurmontables ; qu’avec des cas de talents musicaux soudains sans symptômes préalables.
Ainsi à travers l’évocation d’expériences souvent hors du commun, Oliver Sacks explore la dimension musicale de l’homme : comment la musique nous habite, nous change et parfois même nous guérit. La musique peut nous émouvoir, nous inciter à danser, ou nous rendre tristes et nostalgiques. Il parvient à démontrer que la musique est pour nous un langage d’un point de vue autant cérébrale qu’émotionnel : l’homme est donc véritablement une espèce musicale. Notre dimension musicale est, dans ce livre, décrite dans toute sa profondeur, d’un point de vue scientifique, philosophique, et spirituel.
1. Musicophilia, Edition du Seuil, collection essais, paru en 2009 ; Préface, page 10.
2. Musicophilia, Edition du Seuil, collection essais, paru en 2009 ; Première partie, page 68.