Artiste plasticien français du 20ème siècle, Raymond Hains a fait parti, entre autre, du mouvement du nouveau réalisme. Ce mouvement a pour but un recyclage poétique du réel, ou plutôt, en prenant les termes de Pierre Restany, un «recyclage poétique du réel urbain, industriel, publicitaire».
Raymond Hains et le nouveau réalisme
Ce mouvement se compose de Yves Klein, Arman, François Dufrêne, Raymond Hains, Martial Raysse, Pierre Restany, Daniel Spoerri, Jean Tinguely, Jacques de la Villeglé ; auxquels s’ajoutent César, Mimmo Rotella, puis Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps en 1961.
Le point culminant de ce mouvement est entre 1960 et 1963, mais s’étend jusqu’en 1970. Puis, de la rencontre entre Pierre Restany et Yves Klein est née une nouvelle idée du nouveau réalisme, c’est-à-dire l’élaboration d’une esthétique sociologique. Le terme de Nouveau Réalisme a été créé par monsieur Restany juste après leur première exposition collective, en 1960.
Elements biographiques de Raymond Hains
Raymond Hains étudie la peinture à l’école des Beaux-Arts de Rennes, où il fait la connaissance de Jacques Villeglé, et commence par pratiquer la photographie. Dès ses débuts, son œuvre tend à la conception d’un univers total, en référence constante à la photographie et au langage.
En 1948, il se lance dans la photographie abstraite, où il multiplie les images par des jeux de miroirs.
L’année d’après, il expose ses photographies appelées « photographies hypnagogiques » et crée un film d’animation avec son ami Villeglé. C’est cette année là qu’il commence à s’intéresser aux affiches publicitaires présentes partout dans les rues ; il se propose de filmer des affiches collées sur des murs de rues, et naît l’idée de se les approprier.
En compagnie de Jacques Villeglé, il collecte des affiches publicitaires usées par des mains anonymes dans les rues de Paris.
Les panneaux d’affichages de Raymond Hains
«Ça me plaisait au niveau des couleurs. J’aime assez le gris de la tôle galvanisée. J’étais plus proche de la peinture informelle que lorsque je ramassais des affiches.»
Raymond Hains
Ce n’est qu’en 1957 qu’ils présentent le résultat de leurs trouvailles, toujours à la Galerie Colette Allendy, dans une exposition intitulée « Loi du 29 juillet 1881 », titre qui fait référence à la législation du droit de l’affichage public
Il entreprend d’en collecter quelques unes et son travail d’affichiste né. Il privilégie notamment les affiches politiques (série La France déchirée, 1949-1961) et organise des accrochages où transparaît son goût pour le calembour et les jeux verbaux (Loi du 29 juillet 1881, 1957 ; Palissade aux emplacements réservés, première Biennale de Paris, 1959)
L’article du centre George Pompidou dit ceci à propos de cette œuvre : « La pièce Panneau d’affichage est constituée d’une tôle et de lambeaux d’affiches lacérées. Titre et objet recouvrent la même réalité matérielle, où le «non-faire» de l’artiste opère par choix et désignation : «Mes œuvres existaient avant moi, mais on ne les voyait pas parce qu’elles crevaient les yeux».
«L’époque des tôles» suit la découverte par Raymond Hains en 1958 de l’entrepôt Bompaire où celles-ci étaient stockées. Tôle ou palissade, il est saisi par le support d’origine qui fait irruption à la surface, modifiant la perception motif/fond :
Panneau d’affichage se réfère également à d’autres sources. Objet détourné, il évoque les ready-mades de Marcel Duchamp. Le geste négatif de la lacération qui procède, à l’inverse de la peinture, par soustraction de matière dans une même saisie de la couleur et de la forme, évoque les papiers découpés d’Henri Matisse. Panneau d’affichage rappelle également le dispositif employé par Raymond Hains pour réaliser ses photographies abstraites : «Déjà la tôle chromée sur laquelle se glacent les épreuves incite à découvrir de nouvelles apparences aux choses (‘). Il est possible de pousser la déformation jusqu’à ce qu’on ne puisse plus discerner l’objet». La poétique analogique de Raymond Hains compose ici l’une de ses énigmes perceptives, illustration littérale du moment où « la photographie devient l’objet ».
Après son adhésion au groupe des néoréalistes, Hains tend peu à peu vers les jeux de mots et les calembours, pour les emboîtements conceptuels. À partir de 1964, il effectue de nombreux séjours en Italie où il réalise des agrandissements de boîtes et de pochettes d’allumettes. Renouant avec la photographie, il transforme en images « éclatées » les couvertures des catalogues des pavillons nationaux de la Biennale de Venise.
Iris Clert le déclare comme étant le « Roi du calembour métaphysique ». En effet, ses images allient références culturelles, objets courants et noms propres pour joindre la banalité du quotidien et l’univers de la création. Le calembour verbal ou visuel est un moyen pour lui révéler l’envers du monde. Après ses interventions, les objets qu’il a choisi et qui pourtant, paraissent comme n’était absolument pas joignables, il semblerait qu’ils aient en réalité des rapports secrets.
Tout au long de sa vie et de sa carrière artistique, Hains pratiquera également ce qui s’appelle des poésies sonores. La poésie sonore est une discipline poétique du XXe siècle. Le terme a été utilisé la première fois en 1958, dans un texte signé de Jacques Villeglé et François Dufrêne, à propos d’Henri Chopin. Henri Chopin, exposant en 1967 ce qu’est la poésie sonore, a expliqué qu’il est possible de la diviser en deux groupes : ceux qui sont dans la « préfération simple de la voix » et ceux qui usent « des ressources du magnétophone ».
On peut lire sur l’article de Contemporart que cet artiste « voyageant dans le temps et dans l’espace, les images et les mots, il a créé par un jeu de coïncidences verbales une mythologie personnelle qui réunit emblématiquement les lieux et les personnages, artistes, marchands, critiques, conservateurs. »
Les informations sur lesquelles sont basées ses œuvres sont réunis quotidiennement par l’artiste, par sa fréquentation de lieux, d’univers différents, dans une collecte de textes et d’images.
Pour citer encore une fois Contemporart, l’artiste est « à la fois » débroussailleur » et » documentaliste « , il construit une œuvre complexe mais non dénuée d’humour, établit des connexions entre les mots, les noms, les images, tout en les détournant. »
Chaque objet passé dans les mains de Hains permet de multiplier et ainsi communiquer un sens, en passant par le prisme intellectuel et artistique du créateur. Ainsi, il se réapproprie les objet, mots ou représentations pour leur donner un autre sens, une autre signification.
Sur ce thème, Harald Szeeman dit : « S’il y a, comme dans l’œuvre de Raymond Hains, des chaînes d’associations et de connections ininterrompues, il est logique que la notion d’œuvre soit pulvérisée pour faire place à une vie et à une pensée qui ont le don de relier tout à tout. Alors la source devient œuvre et le ruisseau aussi puisque tous les chemins de l’eau mènent à la mer… »
Mais l’artiste utilise une tout autre façon de former l’image : l’ordinateur. Il créera d’ailleurs un mot pour parler de cela : le Macintoshage. Il créa ainsi des œuvres basées sur l’informatique avant de les imprimer sur des toiles. Ces Machintochages sont également une suite de portraits : portrait de Jean Tingely, de Didier Hays, de l’infante Marguerite d’Espagne, de Vélasquez, de Philippe IV et autoportrait de l’artiste.
Sources
- Raymond Hains ou la poésie dans tous ses états.
- 60/90. Trente ans de Nouveau Réalisme, édition La Différence, 1990
- Manifeste des Nouveaux Réalistes//, par Restany et Hains, édition Dilecta, collection Collectionneur, 2007
- Raymond Hains, Edition Ides et Calendes, collection Polychrome, 2004
- Raymond Hains et la photographie, N° 5 de Série des catalogues du Musée national d’art moderne, Centre Georges Pompidou, 1976.