Thomas Ruff est né le 25 décembre 1958 à Zell am Harmersbash dans le lander de Bade-Wurtemberg dans le sud-ouest de l’Allemagne. Il est aujourd’hui un photographe de renommé internationale et vit à Düsseldorf (land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie).
Thomas Ruff commence des études de photographie en 1977, après avoir hésité avec des études dans le domaine de l’astronomie. Il est donc accepté cette même année à l’académie de Düsseldorf après avoir envoyés quelque un de ces propres clichés. Au cours de ces études, qui se terminerons en 1985 , il suit notamment les cours de Gerhard Richter (artiste peintre) et de Bernd et Hilla Becher connus pour leur travail photographique sur des bâtiments industriels et pour avoir ouvert la première classe de photographie artistique à l’académie des Beaux-Arts de Düsseldorf.
« J’avais 18 ans, j’hésitais entre des études d’astronomie et la photo. Je voulais faire de belles photographies, un peu comme celles du National Geographic : de très beaux paysages dans d’immenses décors naturels. Je suis donc allé étudier la photo à la Kunstakademie de Düsseldorf. Et à partir de là, tout a changé. »
Thomas Ruff
Après ce choix, il part étudier la photographie à l’Académie des Beaux-Arts de Dusseldorf pendant huit ans (1977-1985). Et, finit par devenir professeur d’université. Durant ses études, il a été l’élève de Bernd et Hilla Becher, un couple allemand connu pour son travail photographique très techniques et rigoureux (vue frontale, centrage) sur des bâtiments industriels souvent à l’abandon. Un an auparavant (1976), ils ont ouverts une classe de photographie à l’Académie de Dusseldorf, chose rare à l’époque.
Mais les influences de Thomas Ruff sont très nombreuses et vont au delà de ce couple de photographe. Il est également influencé par de nombreux artistes comme que Walker Evans, Eugène Atget, Karl Blossfeldt, Stephen Shore et William Eggleston. Avec de tels influences, lui aussi voudrait devenir un ?grand photographe’. Thomas Ruff se cherche tout au long de sa carrière et photographie de nombreuses séries photos différentes les unes des autres, passant de l’intérieur à l’extérieur, du portrait au paysage. Son travail d’une très grande variété, interpelle plusieurs critiques qui le rattacheraient au mouvement allemand de la Neue Sachlichkeit des années 1920.
Principales sources d’inspirations
Durant une première période de sa carrière, il travaille avec des clichés originaux. C’est à partir de 1987, qu’il modifie ses clichés numériquement pour jouer sur la lumière, les couleurs…
Le mouvement de la Neue Sachlichkeit des années 1920
Le mouvement de la « Nouvelle Objectivité » ( traduction française) est un courant artistique dont le prédécesseur est l’expressionnisme. Apparu en 1918, ce mouvement regroupe plusieurs artistes tels que des peintres et des photographes comme August Sander, Albert Renger-Patzsch, François Barraud, Karl Blossfeldt et même Salvador Dali .
Il réunit également de nombreuses disciplines artistiques ( peintre, cinéma, littérature, photographie, musique et graphisme) s’orientant chacune vers un travail lié aux sujets, aux portraits, aux objets et aux vues urbaines. Ces éléments sont également les mêmes centres d’intérêts photographiés par Thomas Ruff lors de ses séries.
Ce courant artistique est un mouvement engagé qui se sert d’art comme d’armes. Il s’agit ici de représenter des oeuvres d’une manière explicite et intelligible. Néamoins ,avec la venue d’Hitler au pouvoir en 1933, le mouvement s’éteindra.
Les oeuvres de Thomas Ruff
« Mon séjour à la Kunstakademie a été un véritable choc. Je n’ai fait aucune photo pendant toute une année, j’en étais incapable. Et c’est dans cet état dépressif que j’ai recommencé, en photographiant d’abord ma chambre, mon salon, puis les appartements de mes amis, de mes voisins, etc. »
Thomas Ruff
Habitats typiques
Jusqu’en 1981, il travaille sur des photographies, souvent en noir et blanc, montrant des villes désertes mais son principal sujet d’étude fut l’intérieur d’habitations typiques allemandes des années 1950 à 1970 comme le montre par exemple, le cliché « Interieur 7c » réalisé en 1981: La série de petit format en couleur (27,5 x 20,5 cm) et du nom « Intérieurs » naît en 1979-1983 de cette difficulté psychologique pour Thomas Ruff de se sentir bien.
Celui-ci commence par photographier des bouts de pièces dans sa chambre. Une armoire, un bout de lit, un bout de cuisine. Mais jamais une présence humaine sur ses photos. Thomas Ruff dira lui-même aimer les photos qui n’ont rien à dire. Cette souffrance intérieur emmènera l’artiste à photographier en premier lieu son intérieur puis les intérieurs de ses amis et ses voisins.
Toujours en poursuivant ce même principe, Thomas Ruff réalise sa très célèbre série des « Portraits » de 1981 à 1986.
Les portraits
Après 1981, il commence ces premiers portraits. Ces derniers sont caractérisés par une absence d’expression des visages, tels des photos identités comme le montre le cliché « Portrait (A.Koschkarov) » Cette série de photos apporte à Thomas Ruff, une première renommée. Lors de la prise de ces clichés, il demande aux modèles de le « regarder avec beaucoup d’assurance ».
Les sujets de ces portraits de grandes tailles ( 210cm x 165 cm) sont principalement de jeunes hommes et de jeunes femmes, photographiés frontalement. Aucune expression de visage n’est restranscrite. Le visage est comme figé, le regard est vide. Ces portraits nous font penser à des photos d’identités ( visage de face, fond blanc). Il n’y a toujours pas d’histoires, d’indices sur l’identité sociologique des personnes.
Travail numérique sur des photos d’habitations
En 1987, il entame une série de photographies intitulées « Haus » (maison en allemand) dans laquelle il nous montre des maisons et immeubles aux allures tristes et lugubres, généralement des habitations bétonnées d’après guerre. Afin de rendre ces bâtiments plus mornes, il modifie ces clichés numériquement en retirant certains éléments et ainsi mieux faire passer son message. Il joue aussi sur la lumière, la perspective et l’angle de vue.
Les séries « sterne » et » m a r s «
En 1989-92, Ruff concentre son art sur les entités célestes. Il voulait être astronaute lorsqu’il avait 18 ans, il déclare que l’astronomie est très importante dans sa vie car » la cosmologie peut nous dire d’où nous venons ».
La séries « stars » a pour but de montrer qu’il existe une photographie scientifique et que celle-ci est belle et intéressante. Pour réaliser cette série Ruff a utilisé des photos de l’enquête astronomique de l’Observatoire européen austral au Chili.
En 2009, Ruff se lance dans une nouvelle série de photographie des astres, s’intitulant » m a r s « . Pour effectuer cette série, il se base sur des images retransmises d’un orbiteur sur le site de la NASA. Cette série invite à la découverte des différents paysages qui existent sur mars d’un côté réaliste et d’un côté fictif (suite aux manipulations d’images de Ruff).
Clichés de nuit
A partir des années 1990, bien que le photographe soit moins présent, il effectue des clichés de nuit que ce soit des paysages, le ciel (notamment la série « sterne » vu précédemment ) ou encore des bâtiments. Il donne à ces derniers, une allure qui s’apparente à des clichés de guerre comme le cliché « Nacht 17 III » (photographié en 1992) avec la présence de lumières vertes.
Stéréoscopie
De 1994 à 1996, il produit des clichés en stéréoscopie comme la photographie « Zeitungsphoto 071 ».
Rappel : La stéréoscopie est l’ensemble des techniques mises en oeuvre afin de pouvoir faire des photographies en relief. Pour cela, il faut prendre une même photo en deux exemplaires ( avec un appareil photo normal, ou un appareil stéréoscopique). Ensuite, pour obtenir l’effet de relief désiré, les deux photos obtenues doivent être combinées comme le ferait notre cerveau avec les images reçues par nos yeux. Il faut donc arriver à faire visualiser à chacun de nos yeux la photo qui lui correspond: la prise de vue de gauche pour l’oeil gauche, celle de droite pour l’oeil droit.
Les « Nus » En 2000, Thomas Ruff produit la série « nudes ». Lors de cette dernière, il a retravaillé numériquement des images pornographiques issues de la toile au niveau de la lumière et les a notamment obscurcies, avec par exemple le cliché « nude vo18 ». Dans cette série, il joue avec l’idée de voyeurisme et installe un état de frustration chez celui qui regarde les photos. Cette série lui a valu quelques critiques.
« Substrats »
En 2003, il entame une série du nom de « substrats » où les clichés sont constitués d’images de mangas avec des couleurs vives comme le montre le cliché « substrat 18 ».
« Les JPEGS »
Les images de la série « JPEGS » sont composées de pixels agrandis et transformés en mosaïques, elles n’ont pas de titre car cela permettrait de les singulariser. Thomas Ruff remet ainsi la question de la certitude et de l’authenticité que nous associons à la photographie, parce qu’elle est encore souvent pour nous synonyme d’impression lumineuse portée par des clichés argentiques.
En supprimant la netteté qui nous permet en général d’authentifier le sujet et de singulariser le médium photographique parmi les pratiques productrices d’images, les JPegs remettent en question la fonction d’indice et de trace du réel dont la photographie nous a toujours habituée.
Ce procédé brise ainsi la croyance en la neutralité de l’écran et en la continuité des figures qui y apparaissent. Au moyen de l’agrandissement des pixels et de leur désorganisation organisée, Thomas Ruff démystifie dans ces JPegs la continuité apparente des images qui défilent sur nos écrans familiers, et fait apparaître la discontinuité réelle que l’écran leur impose tout en la dissimulant. Est ainsi exhibé ce pouvoir de (dé)composition de l’image inhérent à l’écran, l’apparence de continuité n’étant plus qu’un cas particulier de cette discontinuité
Quoi qu’il en soit, les JPegs de Thomas Ruff sont ce qu’on pourrait nommer des images-écrans, en trois sens: des photographies qui sont les versions papier d’un écran; des images qui font écran à la réalité au sens ordinaire d’expérience du monde; et des images qui constituent néanmoins l’écran en lieu d’apparition du réel.
Citation de Thomas Ruff: « En travaillant sur ordinateur, on peut jouer sur diverses strates mais en fin de compte, tout se trouve unifié en une seule image, celle que je veux faire voir aux gens. Les matériaux d’origine s’agencent comme les matériaux servant à bâtir une maison. Je ne tiens pas à ce que ceux qui voient ces images aient conscience des diverses strates qui les composent. Leur fabrication ne doit pas orienter la façon de percevoir. »
Quelques expositions récentes
- Photograms, Du 28 mars au 27 avril 2013 , David Zwirner Gallery (New York) (exposition rajoutée par Thounès Nzoussi Wada)
- Du 11/02/10 au 11/03/10 : « Thomas Ruff » exposé à »David Zwirner » (New York). Cette exposition était consacrée uniquement à Thomas Ruff.
- Du 21/11/09 au 21/02/10 : « dm 145. légendes » exposé au CCC Tours – Centre de la Création Contemporaine. Cette exposition avait pour but d’ouvrir une réflexion sur les rapports entre la peinture et la photographie en exposant les œuvres de manière audacieuse de photographes participants a des événement internationaux.
- Du 03/12/09 au 31/01/10 : « Earth : Art of a changing world » exposé à Royal Academy of Arts (Londres). L’exposition réunissait des artistes qui ont obtenu des succès dans leur travail en transformant l’échelle planétaire des changements climatiques dans un récit de l’homme.
- Du 17/09/09 au 10/01/10 : « Maquinas de mirar » au Centro Andaluz de Arte Contemporaneo. L’objectif de l’exposition est de fournir un contexte pour le courant de positions artistiques, adoptant un point de vue des médias et archéologique.
- Du 14/09/09 au 10/01/10 : « L’attraction de l’espace » au MAM au Musée d’Art Moderne de Saint-Étienne. Cette exposition est dédiée à l’observation et la conquête de l’espace. Elle met en relation des œuvres artistiques ( photographie, design…) avec des travaux et des outils scientifiques pour comprendre les liens entre avancées technologiques, progrès scientifique et inspiration plastique, romanesque…
- Du 13/06/09 au 23/11/09 : « Vivre l’art contemporain » à Église des Jacobins. C’est une exposition du FRAC Aquitaine constituées d’œuvres de 1960 à nos jours qui dessinent un parcours en 12 étapes, autour d’actions de la vie courante, à travers différents domaines (peinture, photographie, vidéo…).
- Du 04/07/09 au 11/10/09 : « Pas nécessaire mais pourtant indispensable, 1979-2009 » à CAC Meymac – Abbaye St-André. Cette exposition est une rétrospective de 30 ans d’activités.
- Du 21/11/08 au 20/02/09 : « Regarde de tous tes yeux, regarde » au Musée des Beaux-Arts de Dole. Cette exposition créée pour le trentième anniversaire de la publication du roman de Georges Perec, La Vie mode d’emploi, est une lecture perecquienne de l’art contemporain de ces quarante dernières années.
- Du 30/05/08 au 07/09/08 : « Private Passions, Public Visions » à MARCO – Museo de Arte Contemporáneo de Vigo. Cette exposition retrace un voyage à travers l’histoire de l’art et de collections d’art dans notre contexte le plus immédiat.
Description d’une oeuvre de Thomas Ruff : Portrait d’Andrea knobloch
Ce portrait est une soustraction. Il y a un sentiment d’explorer un territoire inconnu. le fait que l’image fasse 210x165cm montre une grande précision sur le visage. C’est comme si nous regardions un paysage. Les frontières entre catégories et genres disparaissent: l’androgynie du modèle (d’ailleurs nommée Andrea), est renforcée par la taille monumentale de l’image. C’est un travail de fillage. Il y a une très grande netteté et ça montre la réel neutralité de l’image. Le visage n’a aucune expression. La géographie de celui-ci est particulière.
En effet, ce visage ne montre aucune tristesse, aucune joie, aucune peur. Il est comme anonyme. Thomas Ruff affirme l’incapacité de la photographie à capturer le réel.