Uriel Orlow est un artiste contemporain engagé contre l’oppression des peuples. Il est né à Zurich en Suisse et il est issu d’une famille juive. Il va souvent en Israel pour visiter ses proches ce qui influence beaucoup son art. Il s’engage en effet pour la cause palestinienne.
Pour son exposition The Unmade Film, à traduire comme l’échec d’un film, une tentative avortée de réaliser ce qui traduirait le massacre des palestiniens par les Juifs d’Israël, Uriel Orlow s’inspire justement de ses origines et surtout de sa grand-tante, rescapée de la Shoah, qui sur la fin de sa vie fut soignée à l’hôpital psychiatrique. Jusque-là tout semble relativement naturel, mais en cherchant un peu, Uriel Orlow apprend que l’hôpital est en fait construit sur les décombres d’un village palestinien dont les habitants furent massacrés, les maisons pillées, et les vestiges dissimulés par cet imposant édifice qui depuis accompagne et soulage tous types de patients, en majorité juifs évidemment, c’est-à-dire qui se trouvent eux-mêmes victimes du génocide que l’on connaît.
Orlow se trouve alors dans la situation ambiguë dans laquelle se trouve peut être le monde entier (puisqu’il n’est pas nécessaire d’être juif pour chercher un sens aux évènements que tous les peuples ont finalement partagé), c’est-à-dire qu’il se trouve encerclé par l’horreur.
The Unmade Film était à l’origine le projet de filmer les vestiges de ce village détruit, d’éventuels témoignages, enfin tous les éléments qui pouvaient inscrire cette souffrance palestinienne dans l’Histoire. Mais l’artiste abandonne rapidement le projet et convient que les enjeux sont devenus trop lourds et qu’il n’est plus possible d’établir une objectivité par le biais de la caméra. Son oeuvre reste en suspens, mais n’est pas dépourvue pourtant d’éléments.
C’est en effet dans la galerie du Centre Culturel Suisse, qu’Orlow expose les photos de repérage du site, des vestiges et ruines du village palestiniens. Il confond avec l’art de la photographie des dessins d’enfants et d’orphelins témoins de la scène. Il introduit également le visiteur de l’exposition dans une pièce vide et blanche qui représente l’hôpital, ce que le visiteur ne découvre qu’en devenant auditeur car c’est la voix du guide qui le renseigne à la fois sur ce qui se trouvait sur les lieux avant le massacre, mais aussi sur ce qui fut construit par la suite et qui perdure encore aujourd’hui. On trouve aussi la projection d’une vidéo qui est en fait une captation d’un exercice théâtral, inspiré du
Théâtre de l’opprimé, d’Augusto Boal, interprété par une troupe de comédiens plus ou moins amateurs il me semble, dans un hammam en ruines.
Il s’agit en quelques sortes d’une expo à la croisée des arts, comme si le dialogue des formes artistiques permettrait de trouver les mots pour réaliser, d’une autre manière que par la caméra frontale et neutre, ce film sur l’indicible.
Mais Uriel Orlow ne traite que ce type de sujet, quoique la plupart de ses expositions soit effectivement l’expression d’une pensée complexe, et de recherches avancées sur les sujets qui lui tiennent à coeur.
– On trouve un autre projet urbain 2010 dans l’expo Remnants of the future qui mêle image, son et texte dans un ensemble vidéo cohérent et harmonieux, quoique étrangement dérangeant.
– On peut penser aussi au projet Sounds of Beneath qui relate par le chant, ou plutôt le son des travailleurs, le départ forcé de ceux-ci lorsque les mines américaines ont fermé. Il cherche à reproduire à travers le choeur d’hommes le son que produisaient à l’époque les machines qui occupaient le terrain.
Il ne faudra pas confondre les vidéos sur le sujet puisqu’un film d’horreur est sorti en 2013 et porte également le nom de Beneath.
Sur Uriel Orlow, il faut savoir qu’il expose énormément depuis 1999, et que cet artiste prolifique est également professeur au Royal College of Arts, de Londres, mais aussi dans les universités de Westminster et de Zurich. Ce qu’il faut retenir c’est son goût humble pour l’épuration, et l’agréable état de méditation à travers lequel on peut aborder calmement des problématiques et des enjeux plus oppressants.