
Jeffrey Shaw est né à Melbourne en 1944. Il s’intéresse à l’architecture et débute ses études dans ce domaine, puis il choisit l’histoire de l’art qui semble lui être plus appropriée. Nous verrons que ces études d’architecture et d’histoire de l’art vont lui permettre de créer des œuvres d’art à dimension architecturale et que ce double cursus est sans doute l’origine de l’originalité et de l’imagination de Jeffrey Shaw.
En 1965, il part en Italie, où il étudiera la sculpture à l’académie des beaux arts de Brera à Milan. Puis à Londres à la St Martin’s School of Art, reconnue comme la plus prestigieuse des écoles d’art de la capitale anglaise. Ainsi il acquiert des connaissances sur la théorie et met en jeu sa pratique qui va bouleverser ses enseignants et grâce aux critiques qui lui sont faites, Jeffrey Shaw entre dans le monde de l’art.
En 1967, il fonde l’Eventstructure Research Group avec deux collaborateurs : Theo Botschuiver et Sean Wellesley-Miller à Amsterdam. Ces trois artistes proposent une alternative du musée en organisant des évènements publics encourageant les visiteurs à participer physiquement à l’œuvre. Ce concept remet en question l’art classique et l’art réel où chaque chose peut prendre vie à l’instant où l’on s’y intéresse. Ainsi, ils pensent l’architecture pour en faire le support d’une œuvre d’art, d’en faire quelque chose de malléable et créer une fluidité spatiale dans le but de faire une œuvre nouvelle à chaque fois. A la fin des années 1980, Jeffrey Shaw est enseignant à l’académie d’art de Rotterdam et en 1990 il prend une place d’enseignant à l’académie d’art Gerritt Rietveld à Amsterdam.
Enfin, de 1991 à 2003, il est directeur fondateur de l’institut de recherches des supports visuels du Zentrum für Kunst und Medientechnologie (centre d’art et de nouvelles technologies) ou ZKM à Karlsruhe. Le ZKM est conçu comme un espace de rencontre entre la science et la société. Jeffrey Shaw et ses collaborateurs veulent créer un endroit dans lequel les visiteurs entreraient en contact avec l’œuvre technologique, par une approche esthétique et conceptuelle. Ce centre consacré au cinéma interactif est à l’heure actuelle, l’un des principaux à l’échelle mondiale.
En ce qui concerne ses œuvres, Jeffrey Shaw supervise d’importants projets de recherche européenne tel que eErena en 1998 et eScape l’année suivante ; ainsi que le pavillon Skoda Volkswagen en 2000. Cet artiste ne s’arrête pas dans ses ambitions, et celui-ci commande un travail de recherche novateur à Bill Viola, s’intitulant The tree of knowledge.
Thèmes abordés par Jeffrey Shaw au cours de sa vie d’artiste
Nous pouvons décliner plusieurs périodes de la vie de Jeffrey Shaw sur lesquelles il a travaillé. Ces périodes vont être illustrées par un ou deux exemples portant sur ses œuvres : 1966-1969 : performances multimédia et installations-environnements Carpocinéma et Movie movie, spectacles évènements aux Pays Bas en 1967.
Movie movie

Une structure gonflable qui s’élève sur 7 mètres de diamètre et 10 mètres de haut renvoie des images de diapositives au gré du vent, sur une structure modulable constituée de deux membranes : l’une intérieure transparente, l’autre extérieure blanche.
Carpocinéma, Theo Botschuiver, Sean Wellesley-Miller et Tjebbe van Tijen; Rotterdam et Amsterdam, 1967.
Carpocinéma est un dôme gonflable transparent sur lequel sont projetées des images fixes pour certaines, animées pour d’autres. La visibilité de celles-ci dépend des zones d’ombres temporaires créées par des actions physiques à l’intérieur de la structure telles que la projection de poudre, de liquide coloré ou l’émission de fumée. Jeffrey Shaw expérimente le « volume impalpable » de l’image dans toute sa splendeur. Il sublime son œuvre par des phénomènes instables et ponctuels qui offrent aux spectateurs une nouvelle dimension de l’art.
1967-1975 : sculptures gonflables interactives, installations et performances.

Airground, créée avec Theo Botschuiver, Amsterdam en 1968, et exposée au Brighton’s festival. Un chapiteau transparent en forme de pyramide dans lequel les visiteurs peuvent entrer et marcher sur l’immense matelas gonflable. Il existe aussi une version sans chapiteau transparent.


Waterwalk Tube : Theo Botschuiver & Jeffrey Shaw 1970

Cette œuvre est gigantesque, elle mesure 250 mètres de long et 3 mètres de diamètre. C’est un tuyau déposé à la surface de l’eau du lac Masch dans lequel les promeneurs peuvent passer. Ce tube est impressionnant car il permet de traverser le lac mais aussi d’avoir la sensation peu commune de marcher sur l’eau.
1974-1979 : travaux audiovisuels utilisant la photo, le film, la vidéo multi-écrans.
View Point, 1975
C’est l’exemplaire d’une série d’investigations sur la nature des images virtuelles qui met en œuvre une scénographie critique. Jeffrey Shaw tente d’enlever du corps à l’image, comme s’il voulait dégager l’œuvre du support. Il créé une certaine dépendance entre l’image et le visiteur qui devient l’espace d’un instant le spectateur et l’acteur de la représentation de l’œuvre. En effet, Jeffrey Shaw met en place un dispositif selon lequel deux projecteurs envoient des images sur un écran d’une matière qui ne réfléchit la lumière que du point où elle provient, et que seul le visiteur peut admirer lorsqu’il se place derrière le système optique. L’œuvre n’existe donc que pour celui qui sait où se placer, les autres visiteurs peuvent passer devant l’écran sans comprendre le processus et ne pas voir les images qui défilent.
Kinetic Light and Mirror Sculpture, avec Theo Botschuijver 1978
Lors de la tournée mondiale de Genesis, les deux artistes ont eu la subtile idée d’accrocher six grands miroirs pivotants sur deux axes au dessus de la scène. Ceux-ci avaient plusieurs avantages : d’abord, ils servaient à renvoyer plus de lumière sur les musiciens ainsi que dans la salle, ensuite les spectateurs avaient une vue de hauteur, et cette expérience était unique pour chacun des participants.
1979-1989 : commandes de sculptures électroniques pour des bâtiments publics.
The legible city, 1989. Créée avec Dirck Groeneveld et présenté à Artifices en 1990.

Jeffrey Shaw créé une interaction entre son œuvre et le visiteur comme il sait le faire. Il met en place un vélo sur lequel il invite les visiteurs à s’asseoir et à pédaler. La personne devient actrice et entre dans un monde où les rues sont faites de lettres. Bien entendu, la vitesse à laquelle on pédale diffère sur ce que l’on voit, le spectateur parcourt une distance au rythme réel auquel il pédale. De plus, le guidon permet de tourner, comme en temps réel, et donc de se diriger où bon nous semble. L’artiste fait entrer une personne réel dans un monde virtuel grâce à des objets de la vie quotidienne.

La cité lisible de Jeffrey Shaw est un exemple de la réintroduction du corps dans l’art technologique . Dans cette installation, l’interacteur pédale sur un vélo dont le guidon est équipé d’un petit moniteur. Face à lui se trouve un grand écran rétroprojetant l’écran d’un ordinateur. Il peut ainsi parcourir une ville dont les immeubles ont été remplacés par les lettres géantes d’un texte.

La taille des lettres reprend la taille des constructions, simulant ainsi l’architecture des différentes villes. Shaw a reprit l’architecture de trois villes pour son oeuvre : New York, Amsterdam et Karlsruhe. Pour les versions d’Amsterdam et de Karlsruhe, le texte est composé à partir des archives de la ville. Sur le petit moniteur du guidon, on peut suivre son parcours dans la ville choisie. Le cycliste est plongé dans des images virtuelles.
1989-1998 : Entre rêve et réalité.


Disappearance, de la série Ere binaire, musée d’Ixelles à Bruxelles, 1992
Cette œuvre a comme support un moniteur vidéo monté sur un chariot industriel, qui monte et qui descend. Ce tout est fixé à une plaque circulaire faisant une rotation à 360°. Le moniteur présente une ballerine que nous voyons progressivement. En effet, nous voyons cette danseuse de la tête au pied mais avec la sensation de regarder réellement cette femme puisque le chariot effectue le mouvement virtuel de tête grâce auquel nous pourrions la voir en entier. Cette représentation serait celle d’une boite à musique complexe où nous aurions le son, l’image, et la sensation de voir vraiment, réellement cette ballerine qui n’est que filmée. Ici Jeffrey Shaw nous fait vibrer et nous surprend en nous montrant que le virtuel peut s’appréhender grâce au monde réel.
EVE (Extended Virtual Environment), au ZKM à Karlsruhe, 1993.
Jeffrey Shaw dispose deux projecteurs au centre d’un dôme gonflable à l’intérieur duquel les visiteurs peuvent voir les images navigant sur la toile du dôme grâce à un dispositif motorisé en plusieurs dimensions à travers des lunettes. Mais ces images ne vont pas là où bon leur semblent, les lunettes que portent le visiteur détectent les mouvements de tête qui dirige le moniteur. L’image se déplace en même temps le spectateur.
1998-2006 : Icinema.
Cette technologie novatrice consiste à projeter des images filmiques mettant en scène des acteurs, des scènes, des effets spéciaux et des images provenant d’un enregistrement ordinateur sous la forme d’une image panoramique de très haute résolution. Ceci est projeté sous un dôme gonflable assez grand pour contenir quelques dizaines de personnes. Au milieu de celui-ci, l’équipe d’artistes a mis en place une colonne permettant de fixer le vidéo projecteur et de le faire descendre et monter grâce à un moteur informatisé. L’angle de projection est alors un rectangle de deux mètres de large environ et peut se déplacer sur l’ensemble de la construction gonflable, c’est-à-dire 360°, grâce à une manette tenu par le visiteur. Le I cinéma a pour objectif de créer un espace narratif dans un contexte interactif.

AVIE, 2006. Avec la participation de Dennis Del Favero, Matt Mc Ginity, Ardrian Hardjono, Damian Leonard et Volker Kuchelmeister. Premier environnement de 360° au monde, avec des installations vidéo et sonore sur une dimension d’exposition incroyable : 4 mètres de haut pour 10 mètres de diamètre. Cette œuvre comptabilise 12 projecteurs vidéo. Ces projecteurs envoient des images polarisées peuvent provenir de différents supports tels que l’informatique, la photographie ou bien encore la vidéo. Le mouvement du projecteur est contrôlé par le visiteur grâce à un joystick qui lui permet de choisir l’endroit de diffusion. Des lunettes polarisantes sont proposées aux visiteurs dans le but d’avoir une vision en 3 dimensions.
Conclusion
Comme nous avons pu le voir, Jeffrey Shaw invite le visiteur a entré dans un monde créé pour le temps d’une exposition. Un art temporaire si nous pouvons le dire, mais un art qui prend place et qui peut surprendre chacun. En effet, toute personne, quelque soit son art peut être touché par la grandeur de ses œuvres. Le fait de pouvoir agir sur un monde nouveau est quelque chose d’exceptionnel et de vivant. Nous pouvons partagé ce moment avec notre inconscient, notre imagination, nos sensations et perceptions, et tout cela pouvons le partager avec les visiteurs et acteurs qui participent à l’œuvre.
Jeffrey Shaw nous annonce ainsi le pouvoir de la technologie et des mises en scène de nos jours et qui prédit de grandes œuvres à venir. Chacun de ses projets est unique et nous pousse à réaliser des choses encore jamais vues; telles que le fait de marcher sur l’eau, ou bien de pouvoir regarder exactement les mêmes choses qu’une personne, avec tout ses faits et gestes.
Liste des travaux
- 2002 -Network installation with Michael Gleich, Lawrence Wallen, Bernd Lintermann and Torsten Belschner
- 2000 -Computergraphic/video installation
- 1999 -Network installation
- 1998 -Installation en réseau
- 1996 -Installation virtuelle avec Agnes Hegedus et Bernd Lintermann
- 1995 -Computergraphic/photo installation
- 1994 -Computergraphic installation
- 1993 – Video installation
- 1993 -Computergraphic installation
- 1993 -Network installation
- 1992 -Mixed-media installation
- 1991 -Computergraphic installation
- 1990 -Computergraphic/photo installation with Tjebbe Van Tijen
- 1989 -Computergraphic installation with Gideon May
- 1989 -Computergraphic installation with Dirk Groeneveld
- 1987 -Computergraphic/photo installation with Tjebbe Van Tijen
- 1987 -Computergraphic/video installation
- 1987 -Computergraphic/photo installation with Harry De Wit
- 1987 -Air structure/mixed-media event
- 1986 -Computergraphic/video installation with Dirk Groeneveld
- 1986 – Going to the Heart of the Center of The Garden of Delights, Computergraphic/photo installation
- 1986 – Computergraphic/video installation
- 1985 – Computergraphic/photo installation with Dirk Groeneveld
- 1983 – Computergraphic installation
- 1982 – Theater event with Fabienne de Quasa Riera and Shusaku Takauchi
- 1979 – Mixed-media installation with Theo Botschuijver
- 1978 – Mixed-media event with Theo Botschuijver
- 1976 – Mixed-media installation with Theo Botschuijver
- 1975 – Slide projections, laser performance and inflatable structures with Theo Botschuijver
- 1975 – Photo installation with Theo Botschuijver
- 1974 – Photo event with Theo Botschuijver
- 1971 – Air structure installation with Theo Botschuijver
- 1970 – Air structure installation with Theo Botschuijver
- 1970 – Air structure event with Theo Botschuijver
- 1970 – Air structure installation with Theo Botschuijver
- 1969 – Air structure project with Theo Botschuijver
- 1969 – Mixed-media event
- 1969 – Air structure event with Theo Botschuijver
- 1968 – Airground, Air structure installation with Theo Botschuijver
- 1967 – Air structure/mixed-media event with Theo Botschuijver, Sean Wellesley-Miller and Tjebbe van Tijen
- 1967 – Disillusion of a Fish Pond
Air structure/mixed-media event - 1967 – MovieMovie
Air structure/mixed-media event with Theo Botschuijver,Sean Wellesley-Miller and Tjebbe van Tijen - 1966 – Continuous Sound and Image Moments
Film installation with Tjebbe van Tijen - 1966 – Emergences of Continuous Forms
Mixed-media installation/event with Tjebbe van Tijen