Shirin Neshat née en 1957 en Iran est une artiste contemporaine connu pour son travail photographique et sur l’art vidéo. Elle s’intéresse en particulier au différents aspects de son parcours et à ses contradictions.
Vivant à l’heure actuelle à New York et étant d’origine Iranienne elle joue dans son art avec ses deux cultures en les combinant et en les confrontant.
De part sa double culture, Shirin Neshat possède un regard bien particulier sur le monde qui l’entoure. Une sorte de double perspective. L’une liée à son Iran natal, un pays qui aujourd’hui allie modernité et de la préservation des traditions. L’autre est celle d’un monde mondialisé tourné vers le futur et en innovation perpétuelle.
C’est donc un hiatus qui semble être l’une des sources d’inspiration de cette artiste. Shirin Neshat met ainsi en avant ses influences multiculturelles qui semblent se donner rendez vous dans ses œuvres comme pour communier et révéler une identité plurielle.
« Je comprends mon travail, comme un discours visuel, sur le thème du ‘féminisme et Islam d’aujourd’hui’-comme un discours qui analyse certains mythes et certaines réalités, et qui conclut que ceux ci sont infiniment plus complexes que beaucoup d’entre nous l’avaient crus. »
Shirin Neshat
Là où le vent l’emporte.
Shirin Neshat grandi en Iran mais quitte son pays natal pour se rendre en 1974 en Californie. En 1990, le retour au pays et le choc du changement est saisissant. La Révolution Iranienne était passé par là et a laissé en toile de fond le voile islamique. Cette redécouverte de son pays mena Shirin Neshat à s’engager dans une profonde réflexion sur la condition de la femme, cachée derrière un tchador.
Le tchador une première source d’inspiration
Women of Allah
Elle commence sa carrière en 1993 avec une série de photos Women of Allah en noir et blanc se focalisant sur des parties non voilées de femmes, le visage, les pieds, les mains, avec la représentation de fusils ou de fleurs. Sur les images dénudées, viennent s’ajouter des messages en farsi qui est la langue perse. Sans ces messages, l’œuvre était ressentie par Shirin Neshat comme incomplète et nue.
Les textes proviennent d’auteurs iraniennes, qui lui suggèrent, la complétude féminine, l’incarnation de la part de féminité retrouvée (plaisir, sensualité, sexualité). Les œuvres de l’artiste ne sont pas montrées en Iran et part voie de conséquence se voient destinées à un public occidental étranger à sa culture. Elle rencontre un vif succès lors des biennales internationales où le public semble fasciné par ses photos énigmatiques. Elle ose montrer ce qui ne se voit pas et qui ne doit pas être vu.
L’art vidéo, une nouvelle voie de narration
En 1997, elle réalise The Shadow under the web. En diffusant simultanément sur quatre murs de la salle d’exposition, Neshrat se filme en tchador, elle court le long d’un mur historique à travers les lieux clés d’une ville orientale: bazar, mosquée. La bande son se compose uniquement de sa respiration haletante et profonde . Elle tourna à Istanbul avec la collaboration d’artistes iraniens. Dans son parcours, le tchador est son seul moyen de protection vis à vis du monde extérieur composés pour l’essentiel d’hommes. Elle semble fuir sa situation de femme dans la République Islamique et partir à la recherche d’elle même.
Le fait de courir est un trait caractéristique de la société occidentale moderne. Le spectateur est lui même invité à courir, pour suivre ce qu’il se passe sur les quatre murs de la salle d’exposition. Le caractère autobiographique de ses œuvres ne font que mettre en évidence un hiatus profond entre monde occidental et monde islamique.
Turbulent
Turbulent fut primé en 1999 à la biennale de Venise. Tout le monde se presse pour apprécier cette œuvre. Deux projections placées face à face, homme et femme, unis par leur nationalité iranienne, chantent chacun leur tours. Lorsque l’homme chante, la femme se tait et inversement. C’est une bataille entre les sexes, la femme seule est obligée d’entendre l’homme chanter appuyé par une assistance uniquement masculine. L’incroyable voix de la femme finira par imposer le silence et gagnera la bataille.
Soliloquy
Toujours en 1999, ce film représente la vie quotidienne de deux femmes, l’une occidentale et l’autre orientale, l’une vivant au États Unis, l’autre en Turquie. Elle parcours leur habitats, va respectivement visiter une église et une mosquée. La même nature des lieux parcourus contraste avec la réalité sociales.
Les films de Neshat, s’appuient sur la puissance des images et sur l’expression de sa double culture. C’est pourquoi le principe de la dualité est toujours présent. Mélange de la réalité et de la fiction, donnant toujours une image respectueuse de deux mondes, (hommes,femmes; Orient, Occident; liberté et fondamentalisme; tradition et modernité). L’absence de parole touche plus profondément la conscience et la perception par les seuls moyens de l’image et du son. La représentation de la réalité dans ses œuvres reste toujours énigmatique.
Rapture
Tout aussi remarquable, «Rapture» (1999), jusqu’à présent son œuvre la plus ambitieuse. Là aussi, deux projections parallèles, le récit relevant cette fois davantage de la chorégraphie que de la scénographie. D’un coté, une communauté de femmes, toutes drapées de noir encombrant, évoluant comme un corps de ballet dans des espaces naturels apparemment maîtrisés.
De l’autre, des hommes uniformisés, chemise blanche, pantalon noir, unanimes dans leurs gestes, mais confinés dans l’enceinte d’une forteresse.
Elle réutilise la conversation fictive des deux vidéos (double projection) pour démontrer et dénoncer la séparation catégorique des sexes dans la société islamique.
L’oeil de la caméra frôle une échelle. Les femmes l’ont-elle empruntée? Du haut de leur tour, les hommes ont les yeux rivés sur la plage, sur des silhouettes qui se dirigent résolument vers le large. Ils leur font des signes. Où vont-elles? Vers la mort, la liberté? La références au poète et philosophe al-Rùmì est évidente: «Ton vrai pays est l’endroit où veux aller, pas celui où tu es maintenant».
OverRuled
Pour sa quatrième exposition personnelle à la galerie Jérôme de Noirmont, à Paris, l’artiste iranienne présente OverRuled, tirée de l’œuvre théâtrale qu’elle réalisa avec Shoja Azari en Novembre 2011 à New York. En réaction aux évènements du printemps arabe et aux mouvements de révolte qui ont frappé l’Iran trois ans auparavant, Shirin Neshat réalise un film présentant le procès d’un poète jugé pour blasphème par un jury de patriotes, faisant ainsi référence à celui intenté à Mansur Al-Hallaj, en l’an 922.
« Le mérite et l’importance de la littérature et de la poésie sont bien connus. Alors que la poésie peut être un outil précieux pour améliorer la vie publique, elle peut aussi être trompeuse et nuisible. La poésie doit être éducative et constructive. Notre analyse minutieuse a prouvé la nature subversive et illicite de ces poèmes ».
Extrait de OverRuled
Cette oeuvre tire sa force d’expression dans sa richesse métaphorique, tout comme «The Book of Kings », nouvelle série photographique composée de portraits en noir et blanc recouverts de textes et de calligraphies farsi.
The Book of Kings
L’oeuvre « The Book of Kings » est un corpus photographique donnant son nom à l’exposition. Il s’inspire du Shahnameh, le « Livre des rois », un long poème épique, écrit par Ferdowsi entre l’an 977 et l’an 1010 qui retrace l’histoire de l’Iran, depuis la création du monde jusqu’à l’arrivée de l’Islam au 7e siècle.
Trois groupes composent le corpus photographique : « The Masses » (« le peuple »), « The Patriots » (« les patriotes ») , « The Villains » (« les bandits »), constitués de portraits d’iraniens, dont certaines parties du corps sont recouvertes de dessins, de poèmes calligraphiés, ou encore des scènes épiques extraites du Shahnameh.
Par l’application délicate de la calligraphie sur les portraits, l’artiste créée un lien entre l’énergie des femmes et hommes de l’Iran contemporain et le passé historique du pays.