Fluxus et l’art vidéo

Georges Brecht serait à l’origine du fondement conceptuel de l’art vidéo. Trois ans après le concept de Georges Brecht, durant l’été 1962 Nam June Paik, compositeur d’origine coréenne invité par le studio de musique expérimentale du Westdeutscher Rundfunk de Cologne, entreprend de faire des expériences avec des tubes cathodiques de téléviseur.

L’intérêt de Paik se porte sur les possibilités de modulation de l’image, après ses expériences sur le son au studio de musique électronique de la radio allemande. Quelques mois plus tard, du 11 au 20 mars 1963, il expose les résultats de ses premières recherches à la galerie Parnass de Wuppertal, qui l’a invité pour une exposition individuelle.

Cette exposition marque la véritable naissance de l’art vidéo.

Dans son exposition, Paik explorait deux thèmes: « Exposition of Music » et « Electronic Television », combinés l’un à l’autre sur la base caractéristique chez les artistes de Fluxus d’une participation du visiteur à l’exposition et de son implication dans le déroulement de celle-ci.

« Exposition of Music » se composait de pianos préparés et d’autres appareils également modifiés (par exemple des tourne-disques) qui produisaient des sons soit sous l’effet du hasard, soit sous celui de la présence du visiteur. Pour ce travail, Paik s’était inspiré de John Cage, dans la classe de composition duquel un certain nombre d’artistes du courant Fluxus étudièrent, entre autres George Brecht.

Cage, élève de Schoenberg, avait, dans la lignée de Satie, inventé une méthode de composition a-subjective, qui intégrait simultanément dans l’œuvre musicale le public et la réalité des sons environnants.

Les performances Fluxus, inspirées par l’enseignement de John Cage sont à l’origine de la « performance vidéo » puis de l’installation vidéo. L’un des concepts-clés pour Cage était le random access, que Paik utilise également ici. Il I’applique d’une part à ses appareils sonores modifiés, et d’autre part à ses travaux visuels:

« Electronic Television » : série de douze téléviseurs modifiés. Il s’agissait en fait de transformations (le plus souvent des brouillages) d’images télévisées, obtenues en manipulant des tubes cathodiques ou en les combinant à d’autres appareils électriques (des radios), sur lesquels il n’y avait que peu de possibilité de contrôle.

En outre, tous les téléviseurs étaient réglés sur la même chaîne, si bien qu’à chaque instant des configurations visuelles inédites apparaissaient. Enfin, les visiteurs pouvaient intervenir directement sur quelques téléviseurs en appuyant sur des commutateurs ou des boutons de réglage. Paik a également conçu cette exposition à partir de la constatation que la radio, le tourne-disques et la télévision font partie de la culture de l’après-guerre.

A la différence de l’autre représentant du courant Fluxus qu’est Brecht qui s’intéresse pour sa part au côté conceptuel de l’utilisation d’appareils, c’est-à-dire à leur aspect rituel. Paik explore les possibilités de production d’images, ou plutôt les particularités intermédias de l’image télévisée au moment d’une combinaison avec des fréquences sonores.

Il établit ainsi et reste de ce fait aujourd’hui encore pour bon nombre d’artistes vidéo des jeunes générations le créateur d’un style, une « nouvelle esthétique de l’image brouillée », qu’il continuera à développer en 1965 à New York, dans la galerie Bonino, avec son Magnet TV.

Nam June Paik – Magnet TV

Un electro-aimant est placé contre la TV : L’image se réduit à un point ou une ligne blanche sur fond noir.

Joseph Beuys aussi contribue à l’art vidéo de Fluxus

Il réalise une bande de 4 minutes où il frappe la TV avec des gants de boxe.

Vostell, l’autre inventeur de l’art vidéo

Wolf VostellTV Begräbnis (enterrement de la TV) – 1963

Vostell propose au spectateur d’entourer son téléviseur avec du fil de fer barbelé et de l’asperger avec des tartes à la crème tout en continuant à regarder le programme (performance ou happenning).

Vostell a aussi développé le concept de TV dé-coll/age. Il prolonge l’idée de décollage d’affiches (voir les affiches lacérées des Nouveaux Réalistes), dans le décollage de l’image télévisée.

Wolf Vostell – Endogène Depression – Smollin Gallery – NYC – 1963